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15/06/2011

La Turquie, l’autre pays de la censure du Web

webzap2.jpgLe pays a beau se dire démocratique, on ne rigole pas avec la censure sur Internet en Turquie. Des milliers de sites y sont inaccessibles, et une trentaine de protestataires se sont fait arrêter cette semaine.

La Turquie veut protéger ses citoyens. C’est ainsi que le pays justifie le filtrage d’Internet, autrement dit l’impossibilité d’accéder à des milliers de sites. La communication gouvernementale met en avant l’interdiction de tout contenu pornographique, le parti au pouvoir étant « islamo-conservateur », beaucoup moins la censure politique. Elle est pourtant très présente, YouTube, le bien connu site de vidéo de Google, s’étant fait interdire en Turquie de 2007 à 2010 suite à une vidéo d’insultes envers Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne.

Si le filtrage a commencé dès 2007, il a pris une toute nouvelle ampleur le mois dernier. La Haute Instance des Télécommunications a envoyé aux fournisseurs d’accès une nouvelle liste de 138 mots à bannir, ce qui a rendu inaccessibles plusieurs milliers de sites. Parmi ces mots on trouve des termes à très vague connotation sexuelle, comme « jupe », « blonde » ou « belle-sœur »… D’autres plus étranges, comme des prénoms féminins ou encore le mot « interdit ». Pire, le gouvernement devrait instaurer le 22 août prochain un nouveau système de filtrage permettant d’enregistrer et de contrôler toutes les activités des internautes turcs. Il faudra au préalable de chaque connexion Internet, prévenir de ce que l’on va y faire en choisissant l’un de ces quatre filtres : famille, enfant, domestique ou standard. 50 000 manifestants ont défilé le mois dernier contre cette mesure, dans les rues du pays, sans grand effet.

La protestation a pris un autre visage la semaine passée. Tout ce qui touche à la liberté, et particulièrement sur le Web, éveille la colère des Anonymous. Aussi ont-ils lancé l’opération Turkey (#OP Turkey sur IRC et Tweeter). Leur but : rendre inaccessibles plusieurs site gouvernementaux, et en particulier celui de la Haute Instance des Télécommunications (TIB). Pari accompli, mais 32 internautes turcs ayant participés à l’opération se sont fait arrêter ce lundi. Parmi eux, 9 étaient mineurs et ont été relâchés, les autres sont encore en détention. Anonymous proteste, arguant qu’une attaque en déni de service (DDOS), rendant temporairement inaccessible un site, n’est que la forme en ligne d’une manifestation pacifique, comme un blocus qui empêche l’accès à un lieu. Une riposte est en cours d’étude.

Publié par l'Humanité

 

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01/06/2011

Révolutions : "Internet a besoin de la télévision pour atteindre la masse critique"

catherine-bertho-lavenir-54-november-2008.jpgEntretien avec Catherine Bertho- Lavenir, historienne et médiologue. Elle revient avec nous sur le lien entre médias, technologie et les révolutions. Du Printemps des Peuples et le télégraphe aux Indignés d’Espagne et Internet, en passant par les révolutions arabes.

Est-ce-que comparer le Printemps des peuples de 1848 avec ce nouvel outil qu’était le télégraphe, et les révolutions arabes et Internet vous semble pertinent ?

C’est effectivement intéressant sur deux points. D’une part il y a la contagion révolutionnaire, d’autre part le débouché politique. Parce qu’on peut décider avec Tweeter ou Facebook de se rassembler, mais ce n’est pas cela qui offre un réel débouché politique et des institutions.

En 1848, le réseau télégraphique est entre les mains de l’Etat, du ministère de l’Intérieur. Ce qui passe dessus sont donc les messages gouvernementaux et les dépêches des agences de presse, françaises et internationales, qui alimentent les journaux de province. L’information transite donc, mais comme les gouvernements en contrôlent le contenu, il n’y a pas de message républicain. Les socialistes n’ont pas accès à cette innovation et se contentent d’interpréter l’information officielle. Le télégraphe n’a donc pas directement porté le message révolutionnaire. En France en 1848, on est avant tout dans l’oralité, la réunion entre proches et les petits journaux clandestins pour faire passer le message politique.

C’est l’émeute urbaine qui va déclencher la révolution. Emeute qui se transforme en révolution quand il y a concrétisation politique. Mais c’est vrai que l’arrivée rapide des nouvelles de révoltes en France a poussé au soulèvement d’autres pays. En ce sens, le télégraphe a aidé à la contagion de l’émeute, selon l’idée : s’ils y sont arrivés, pourquoi pas nous. Mais c’est le premier mouvement socialiste et la première internationale qui a permis de passer de l’émeute à la révolution. Même si la situation, au départ comme à l’arrivée, est très différente selon les pays européens.

Et en ce qui concerne les révoltions arabes ?

egypte.jpgAvant d’arriver au média Internet, revenons à la télévision. C’est ce qui reste le média d’information central pour toucher les masses, même si elle est contrôlée facilement par le pouvoir. Sauf Al Jezeera, captée par internet ou Parabole, qui a été le média le plus important, lorsque la chaîne a décidé de couvrir au jour le jour les évènements.

Parce que qui a Internet en Tunisie et en Egypte ? Les jeunes, relativement riches. C’est une avant-garde éclairée. Encore que la situation en 1848 était sensiblement la même, la base de la contestation c’étaient des étudiants, imprimeurs et petits intellectuels.

Alors lorsqu’on dit que les révolutions arabes ne se seraient pas fait sans Internet, on surestime ce média ?

Ce que je vois sur les usages d’Internet, c’est que ça fonctionne aujourd’hui en synergie avec les medias traditionnels. Ca rentre en résonnance avec, ça pénètre et inspire les médias classiques. Mais dans le cas des révolutions, il y a besoin du relais de la télévision pour atteindre la masse critique.

Pourtant à l’origine, les premiers rassemblements se sont organisés sur Internet. C’est encore plus marquant avec le mouvement des Indignés en Espagne.

Effectivement des individus non organisés, c'est-à-dire qui ne sont pas adhérents d'un parti, d'un syndicat ou d'une association, se retrouvent après un appel sur Tweeter ou Facebook. On reste dans un cadre de la relation d’individu à individu. On se regroupe autour de quelqu’un, sur une logique de partage d’affinités, d’émotions. On rassemble des amis, contacts, ceux qui ont un « profil » proche. Le sentiment d’appartenance, notamment générationnelle est déterminant.

Dans un système bloqué comme en Tunisie, ou en Espagne où toute une population se sent sans alternative politique, cet usage d’internet a au moins l’intérêt de remobiliser une population tenue à l’écart du jeu politique traditionnel. Mais pour qu’il se passe quelque chose, il faudrait une concrétisation politique. Peut-être inventer quelque chose de nouveau, mais est-ce qu’on peut vraiment se passer d’un parti traditionnel…

Démocratie réelle et prise de parole, sont les principales revendications des Indignés. Ne trouvez-vous pas ces mots d’ordres très liés avec cette génération Internet ?

On a pu croire qu’Internet allait vraiment changer les choses, donner la parole, de manière égalitaire à de nouveaux individus. Pour la gauche, c’était l’espoir de redonner la parole aux minorités. Et pour la droite américaine, ne pas laisser les journalistes confisquer le discours public.

En réalité, Internet recrée de l’institution : les blogs influents se fédèrent principalement autour des sites de la presse traditionnelle. On a remarqué qu’Internet reproduit une même logique d’écran, d’intermédiaire entre l’information et son récepteur. C’est vrai qu’Internet autorise la prise de parole de n’importe qui. Ce n’est pas ça qui fera sens dans le débat public, mais rien n’empêche d’essayer.

Pour revenir aux indignés, je reste convaincue qu’un mouvement qui ne débouche pas sous une forme d’initiative politique organisée, s’il n’y a pas de possibilité d’institutionnalisation, reste une révolte et pas une révolution. Il n’y a pas de réponse technologique à une question qui ne l’est pas. Pour répondre à un problème politique, la réponse doit être politique.

La technologie peut déstabiliser, détruire, mais ne construira rien de politique. Les grandes difficultés que connaissent actuellement la Tunisie et l’Egypte en sont la preuve.

Bibliographie,

F. Barbier et C. Bertho Lavenir, Histoire des médias, De Diderot à Internet, A. Colin

C. Bertho Lavenir, La démocratie et les Médias, A. Colin

Vient de paraître (en mai) : C. Bertho Lavenir, Voyages à vélo, Paris-Bibliothèque-Actes Sud.

PUBLIE PAR L'HUMANITE

 

17:42 Publié dans Actualités, Blog, Entretien, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : internet, révolution, communication, arabe | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |