Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25/12/2023

«C’est comme le Twitter d’avant Musk» : les premiers jours en Europe de Threads, la riposte de Meta à X

Threads.jpgLes internautes tentent de créer un espace de discussion bienveillant sur ce nouveau réseau social lancé il y a une semaine, et étroitement lié à Instagram.

Une page blanche prête à être griffonnée à souhait. Pour un nouveau réseau social, les premiers jours sont toujours cruciaux, voire révélateurs. Surtout quand celui-ci est en concurrence directe avec un autre géant du web. Les premiers pas en Europe de la nouvelle plateforme de Meta, Threads, sont prometteurs, avec 2,6 millions d’utilisateurs inscrits sur les trois premiers jours de lancement.

Depuis son lancement le 14 décembre dernier, ce réseau social de «microblogging» semblable à X (ex-Twitter) est l’application la mieux classée sur l’App Store et Google Play en France. Les internautes prennent petit à petit leurs marques dans ce nouvel écosystème, comme en terre à moitié connue.

Threads, X : même interface, deux philosophies

«On se croirait à la rentrée des classes dans un nouveau collège et personne ne sait quoi dire», ironisent les toutes premières publications sur Threads. Dans les premiers jours du lancement européen, les quelque 440.000 utilisateurs français tâtonnent, ne savent pas vraiment comment agir, à qui parler ou même de quoi parler. Petit à petit, le réseau se remplit avec des personnalités du web déjà bien connues, comme les youtubeurs et streamers Antoine Daniel et Maxime Biaggi, qui retrouvent facilement leur communauté d’abonnés.

Et pour cause : le réseau est directement relié à son grand frère Instagram, qui réunit à lui seul plus de 2 milliards d'utilisateurs, dont 38,9 millions en France. En un clic, il est possible de s’abonner directement au compte Threads d’une personne, d’un créateur de contenu, d’une célébrité ou d’une entreprise que l’on suit déjà sur Instagram.

Le lancement de la plateforme a été retardé afin de l’adapter à la nouvelle réglementation de l’Union Européenne sur les marchés numériques, le Digital Markets Act. Mais le timing pour Threads n’en est que meilleur. Son rival X (ex-Twitter) est dans la tourmente, visé par une enquête formelle de l'UE et victime d'une panne de deux heures ce 21 décembre. Une opportunité pour Threads de s’en éloigner dans l’esprit, autant qu’il lui ressemble sur la forme.

«Twitter mais en plus bienveillant»

«C'est la dynamique d'Instagram, tout en étant 100% comme X dans la pratique : poster des petites phrases, des photos, faire des blagues ou des mèmes», témoigne Anaïs Sigoigne, créatrice de contenus qui compte une communauté de 46.000 personnes sur Instagram. «Il n'y a pas encore ce côté négatif de X, avec le harcèlement et les messages haineux, celui qui fait que je l'ai quitté parce que je n'y trouvais plus d'intérêt.»

Le jour de lancement, Anaïs Sigoigne a rejoint le nouveau réseau social de Meta pour y retrouver ses abonnés et partager avec eux ses pensées et son quotidien avec plus de proximité. Ainsi, 1500 de ses abonnés l'ont désormais rejointe. «Je regarde la Star Academy, je poste dessus et ne vois que des publications à propos de ça dans mon fil d’actualité, c'est pratique et ça rassemble les gens avec les mêmes intérêts», s’enthousiasme-t-elle. Et ce, grâce à la même logique d’algorithme que celui de son grand frère Instagram.

«Threads est semblable à Twitter mais en plus bienveillant, c'est le Twitter d'avant Musk», considère l’influenceuse. Et la «positivité» est justement le maître-mot martelé par les grosses têtes de Meta depuis la naissance de son petit nouveau. Comme une étiquette collée sur le front, la «bienveillance» est brandie en étendard pour se différencier de l’image négative de X, marqué par des débats houleux, des invectives, mais aussi du harcèlement et des insultes gratuites. À cela s’ajoute une vague de licenciement des équipes de modération depuis le rachat du réseau social par le milliardaire Elon Musk.

«Notre vision avec Threads est de prendre ce qu'Instagram fait de mieux et de l'étendre au texte, en créant un espace positif et créatif pour exprimer vos idées. Tout comme sur Instagram, avec Threads vous pouvez suivre et vous connecter avec des amis et des créateurs qui partagent vos intérêts » explique ainsi Meta.

«Je l’attendais pour partir de X»

Les utilisateurs ne manquent pas de relever les quelques différences. Alexandre Poirier, 29 ans, est un «ancien de Twitter, inscrit sur la plateforme depuis 2010». Il a installé Threads par «simple curiosité, pour voir à quoi ça ressemblait. Et je n'ai pas été déçu. Pas de publicité, pas de fioritures, c'est propre, simple et c'est agréable de repartir de zéro, de trouver une nouvelle communauté, de rencontrer de nouvelles personnes.»

En juillet, il avait téléchargé comme beaucoup d'autres la toute nouvelle application, sortie mondialement, avant de la voir bloquée dix jours plus tard en Europe, à son grand regret. Il avait dû dire au revoir à ce réseau où il se sent «libre de parler de tout et de rien, par rapport à Twitter où chaque tweet peut faire l'objet d'un bad buzz». Une liberté permise par le terrain encore immaculé de la plateforme, qui ne compte pour l’instant qu’un peu plus de 100 millions d’utilisateurs mensuels, contre plus de 560 millions pour X, dont 20 millions en France.

« Ne pourrissez pas Threads comme vous avez pourri Twitter »

Johanna, utilisatrice de Threads

«J'attendais la sortie de Threads avec grande impatience, pour quitter X, et je suis comblée», ajoute Johanna, 23 ans, qui utilise la plateforme à hauteur de deux heures par jour depuis sa sortie. «Je suis ravie de cette petite pépite qui j'espère restera pure aussi longtemps que possible. La plupart des gens sont bienveillants, ne le pourrissez pas comme vous avez pourri Twitter». Depuis, Johanna a déserté X, son «réseau social favori», mais n’épargne tout de même pas la possibilité d’y retourner si «les utilisateurs de X ne se déportent pas ici, juste parce qu’ils ont leurs habitudes sur un autre réseau».

Les plateformes de micro-blogging Mastodon et Bluesky avaient également bénéficié de l'effet de nouveauté à l'heure de leur sortie, à une échelle plus réduite. Cependant, l'engouement était rapidement redescendu. Même schéma pour Threads, qui a enregistré un pic de téléchargements lors de sa sortie mondiale, avec 100 millions d’inscrits en cinq jours. Le rythme s’est ensuite ralenti. Cela a obligé la plateforme à innover en termes de fonctionnalités, avec la création d’une version web de Threads, de meilleurs outils de recherche, ou l’ajout de «threads» vocaux.

Ces derniers, très populaires, semblent déjà forger l’identité de l’application, même si l’option est également disponible sur X depuis mai dernier. Influenceurs, institutions, médias et politiques mettent progressivement le cap sur la nouvelle terre promise comme un terrain d’échange apaisé par Mark Zuckerberg, face à la «liberté d’expression totale» prônée par Elon Musk. Aux États-Unis, Threads est actuellement numéro un des téléchargements.

Source Le Figaro

Note Mosaik Radios : Média. Threads pour combattre la trop grande liberté accordée par X. La réalité est plus complexe. Dès les premiers jours il semble que le RN et l'extrême droite soient entrés en force pour tenter de s'accaparer de ce nouveau réseau social. Mosaik Radios a ouvert comme d'autres un compte lié au compte Instagram et nous restons impressionnées par le nombre de liens retrouvés sur Threads renvoyant sur le réseau d'extrême droite, le RN, et leurs idées nauséabondes, ce que nous n'avons jamais rencontrés sur X.

12:12 Publié dans Actualités, Internet, Réseaux sociaux | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |

13/09/2023

Qui sont les six milliardaires qui possèdent les principaux médias français

médias concentration.jpg

Aujourd’hui, les milliardaires l’assument, sans aucun complexe. D’autant que la presse et les médias, pris dans les tempêtes de la révolution numérique, ont des problèmes drastiques d’argent. Les milliardaires arrivent comme des sauveurs, mais toujours avec une arrière-pensée politicienne, qui prend en otage salariés et lecteurs ou spectateurs du média concerné.

Vincent Bolloré, le papivore

Sa fortune est estimée à 10 milliards de dollars. Vincent Bolloré a investi dans plusieurs secteurs industriels. Depuis 2012, et sa prise de pouvoir à la tête de Vivendi, il collectionne les médias (Canal PLus, CNews, C8, Europe 1, le JDD, Paris Match…). Il détient aussi 74 % du marché des manuels scolaires.

Patrick Drahi, l’endetté

Le patron d’Altice (SFR, BFM…) a une fortune personnelle qui s’élève à 4,2 milliards de dollars. Son groupe est endetté à hauteur de 60 milliards d’euros… Il est à la tête de BFMTV, de RMC, l’Étudiant, soutient Libération.

Xavier Niel, le discret

Huitième fortune française, il est le fondateur de Free en 2006. Depuis, il a largement investi dans la presse. Il est devenu en 2010 un des actionnaires principaux du journal le Monde. Il possède le groupe Nice-Matin, a racheté France-Antilles en faillite en 2020 et a financé le lancement du journal l’Informé.

Daniel Kretinsky, entre l’énergie et les médias

Avec une fortune de 9,2 milliards de dollars, Daniel Kretinsky a démarré en investissant dans les mines et les centrales à charbon en Europe de l’Est. L’homme d’affaires s’implante dans les médias français à partir de 2018 : il détient désormais les magazines Elle, Télé 7 jours, Franc-Tireur ou encore Marianne.

Bernard Arnault, le plus riche

Avec sa fortune de 238,5 milliards de dollars, le PDG et actionnaire majoritaire du groupe de luxe LVMH est le plus riche parmi les riches. Il possède les journaux le Parisien et les Échos, la revue Connaissance des arts, le site Investir ainsi que Radio Classique. En 2019, il a fait espionner François Ruffin, le rédacteur en chef de Fakir, depuis devenu député.

Rodolphe Saadé, la force montante

Depuis novembre 2017, il est à la tête du groupe CMA CGM, l’une des plus grosses compagnies maritimes, dont sa famille détient 73 % des parts. La fortune du chef d’entreprise s‘élève à 41,4 milliards de dollars. Il a racheté la Provence et la Tribune, est entré au capital de Brut et a des parts dans M6.

Source l'Humanite

14/04/2019

Les Français découvraient la première image de télévision le 14 avril 1931

télévision.jpg

De la première transmission d'une image à l'incroyable diversité de l'offre actuelle, en 84 ans d’existence, la télévision a révolutionné la société et la culture populaire française. Une plongée dans l'histoire du petit écran nous révèle encore bien des surprises. Comme celle de découvrir que dans les années 40, certains avaient prédit qu'on regarderait la télé sur nos téléphones portables !

C'est donc le 14 avril 1931 que 800 invités furent conviés par l'ingénieur René Barthélémy à la première transmission publique de télévision en France, dans l'amphithéâtre de l'Ecole supérieure d'électricité de Malakoff. Ce n'est que 4 ans plus tard, le 26 avril 1935, que la première émission officielle est diffusée depuis le ministère des PTT, rue de Grenelle. La célèbre comédienne, alors sociétaire de la Comédie Française, Béatrice Bretty, fut ainsi le premier visage que les français découvrirent. Elle donna une conférence sur le voyage en Italie de la Comédie Française.

Arrivée de la seconde chaine, de la couleur, privatisation de TF1, naissance de Canal plus, de la TNT et du numérique... depuis les années 60, les innovations et les nouveautés en matière télévisuelle furent nombreuses. A chaque décennie, la façon de regarder et de "consommer" ce média a évolué. Si en 1950, à peine 4 000 foyers français étaient équipés d'un poste, on en compte aujourd'hui plus de 40 millions ! Sans compter les dizaines de millions de smartphones et autres tablettes qui permettent aussi de regarder ses programmes préférés !

Sources France TV

12:34 Publié dans Informations, Internet, Télévision | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |

10/06/2018

Guy Debord, critique des fakes news

true.jpg

Jean-Jacques Régibier, Humanite.fr

En 1988, dans les « Commentaires sur la société du spectacle, » Guy Debord analysait de manière approfondie le phénomène de la « désinformation, » terme anglicisé depuis sous le nom de fake news. Au delà des débats actuels, mais y faisant écho, son apport théorique est fondamental pour comprendre comment les Etats modernes manipulent les fausses nouvelles pour obtenir la soumission des citoyens aux impératifs de l’ordre dominant.

«  Ce qui peut s’opposer à la seule vérité officielle doit être forcément une désinformation émanant de puissances hostiles, ou au moins de rivaux, et elle aurait été intentionnellement faussée par la malveillance. »
 
Ces mots écrits il y a exactement 30 ans par Guy Debord, dans ce qui sera son dernier grand livre théorique – Les « Commentaires sur la société du spectacle » (1), une version concentrée et actualisée du livre fondateur du situationnisme ( la Société du Spectacle ) parue 19 ans plus tôt -, semblent renvoyer ( le mimétisme est sans doute involontaire ), aux propos du député LREM chargé de défendre le projet de loi Macron sur les fake news :
 
« la dissémination de fausses informations répond souvent à une véritable stratégie politique, financée parfois par des Etats tiers à la frontière orientale de l’Union européenne ( suivez mon regard… ndlr ) visant à affaiblir nos sociétés et à affaiblir le projet européen. » (2)
 
On notera que dans cette « démonstration » qui devrait servir en principe à justifier une loi, absolument aucune information vérifiée n’est donnée. On reste dans le domaine du sous-entendu, de l’accusation à la fois vague dans son contenu et suffisamment précise pour désigner un coupable, mais coupable de quoi, on ne sait pas.
 
Ce qui confirme cet autre verdict de Debord pour qui « le concept confusionniste de désinformation est mis en vedette pour réfuter instantanément, par le seul bruit de son nom, toute critique que n’aurait pas suffi à faire disparaître les diverses agences de l’organisation du silence. »
 
C’est pourquoi, et c’est l’un des points clé de l’analyse de Debord - grand féru de stratégie -, la fonction des fake news est toujours « contre-offensive. » Ce qui signifie que la manipulation de la désinformation n’est jamais destinée à mener directement une attaque contre un opposant ou un ennemi éventuel
 
( « là où le discours spectaculaire n’est pas attaqué, il serait stupide de le défendre », dit Debord ), mais bien à répliquer à une attaque par une autre.
 
L’actualité des derniers mois nous en fournit des preuves convaincantes, en confirmant au passage l’autre thèse fondamentale de Debord sur la désinformation, à savoir que ce sont d’abord les Etats, et ceux qui concourent pour s’en assurer le contrôle, qui sont les premiers pourvoyeurs de fake news.
 
Vérification impossible
 
Le débat sur les fake news a ressurgi de manière spectaculaire au niveau mondial avec cette accusation, qui a fait immédiatement le tour de la planète, selon laquelle la Russie aurait interféré dans la campagne présidentielle de 2016 pour favoriser la candidature de Donald Trump - et avec sa complicité -, au détriment de la candidate démocrate, Hillary Clinton (on ne porte bien entendu aucun jugement sur les tenants et aboutissants de ce type d’opération, il s’agit d’examiner comment fonctionnent nos sociétés.)
Ces soupçons d’intervention russe sont sortis dès octobre 2016, soit un mois avant les élections présidentielles américaines – au moment où les sondages annonçaient la défaite d’Hillary Clinton comme de plus en plus probable. Trump a immédiatement qualifié ces informations de fake news, et par la suite, tous les protagonistes se sont mutuellement accusés de produire et de colporter de fausses infos, renforçant sans le vouloir la thèse de Guy Debord sur la fonction contre-offensive du recours à la désinformation.
La masse d’informations, de contre-informations, de témoignages, de « preuves » et de contre preuves, de « confidences », de démentis, d’enquêtes et de contre-enquêtes, etc… générée par cette affaire véhiculée par tous les médias mondiaux fonctionnant comme de gigantesque caisses de résonnance, est monumentale. Elle n’a pourtant abouti à aucune conclusion incontestable, bien que tous les acteurs prétendent détenir les preuves de la « vérité », mais sans les donner.
 
Debord n’aurait sans doute jamais imaginé un tel festival de fake news, rendu possible par la puissance des techniques d’information que permettent les outils modernes, mais il est clair qu’il en a fourni la compréhension. Ce passage des «  Commentaires » mérite d’être cité en entier :
 
«  si parfois une sorte de désinformation désordonnée risque d’apparaître, au service de quelques intérêts particuliers passagèrement en conflit, et d’être crue elle aussi, devenant incontrôlable et s’opposant par là au travail d’ensemble d’une désinformation moins irresponsable, (… ) c’est simplement parce que la désinformation se déploie maintenant dans un monde où il n’y a plus de place pour aucune vérification » ( c’est Debord qui souligne. )
 
Ce point est en effet capital, parce qu’il porte sur ce qu’est devenu le statut de la vérité sous le règne de l’avalanche d’informations perpétuelles qui est la marque de notre temps. Il pourrait être dit d’une autre manière : ce dont on nous parle le plus, on ne saura rien. L’affaire de l’intervention russe présumée dans les présidentielles américaines, en fournit une brillante illustration.
 
Un autre exemple récent – qui concerne cette fois, non pas des « intérêts particuliers » entre deux camps rivaux dans la même élection, mais les rapports entre Etats – relève exactement de la même analyse ( avec des conséquences diplomatiques sérieuses ) : l’affaire de l’ancien espion russe, Sergueï  Skripal, que la première ministre britannique Theresa May accuse la Russie d’avoir tenté d’empoissonner. Dans ce cas, aucune preuve n’a été apportée à l’appui des accusations lancées, non pas par de simples « trolls », mais par une cheffe d’Etat, suivie tête baissée par d’autres, toujours sans la moindre preuve. On remarquera que peut se vérifier, là encore, l’idée de Debord selon laquelle l’usage des fake news se fait toujours en situation de contre-attaqeu, ou de diversion( Theresa May en difficulté intérieure majeure à cause du Brexit)
 
Ajoutons un autre exemple, toujours venant du même « camp » et contre la même cible, et toujours en position de contre-offensive : la fausse mort du journaliste russe Arkadi Babtchengko, orchestrée par l’Ukraine - pays soutenu à bout de bras par l’Union européenne et les Etas-Unis, contre la Russie –, affaire qui prouve elle aussi que ce sont bien les Etats – en l’occurrence, l’Ukraine - qui sont à la manœuvre dans la manipulation des fausses nouvelles. Ce qui confirme le pronostic de Guy Debord selon lequel, contrairement aux discours officiels ( les fausses nouvelles seraient produites de l’extérieur pour déstabiliser les démocraties ), « la pratique de la désinformation ne peut que servir l’Etat ici et maintenant, sous la conduite directe, ou à l’initiative de ceux qui défendent les mêmes valeurs. »
 
Avec, dans le cas Babtchenko, cette « innovation » ( qu’une partie des commentateurs n’a pas manqué de trouver « géniale » ) : les auteurs de la fake news ( relayée à satiété par tous les médias mondiaux )sont aussi ceux qui, 24 heures après, ont dénoncé la désinformation, en la justifiant comme une mesure préventive destinée à éviter une menace sur laquelle ils ne fournissent par ailleurs aucune preuve.
Génial en effet.
 
Garanti sans désinformation.
 
A l’heure où le gouvernement Macron tente, avec beaucoup de mal, de faire voter sa loi sur les « fake news » – alors même que tous les spécialistes du Droit ont démontré que l’arsenal juridique pour lutter contre les fausses nouvelles est déjà amplement suffisant et qu’il n’y a donc pas là matière à nouvelle loi -, l’analyse que fait Debord de la façon dont le pouvoir instrumentalise la désinformation, va bien au delà de la critique la plus répandue aujourd’hui, celle qui voit dans cette loi un risque de dérives anti-démocratiques, notamment contre la liberté de la presse.
 
Pour Debord, en effet, le fait d’agiter l’épouvantail des fausses nouvelles, ou d’affirmer sa volonté de lutter contre la manipulation de l’information, est en réalité une technique de gouvernement conforme à toutes celles qui servent à assurer la domination de l’oligarchie et de l’Etat qui la défend.
 
Cette technique présente, selon Debord,  plusieurs avantages, sachant que, pour lui, le concept de désinformation est toujours employé par un pouvoir ( ou par des gens qui détiennent un fragment d’autorité économique ou politique, ) « pour maintenir ce qui est établi. » 
 
Dans son analyse sur la fonction de la désinformation dans les techniques de gouvernement, Debord aborde directement et de façon, incroyablement actuelle, le projet, déjà agité vers la fin des années 80 en France, « d’attribuer officiellement une sorte de label à du médiatique « garanti sans désinformation. » C’est ce projet qu’Emmanuel Macron a remis à nouveau sur le tapis en voulant nommer une « autorité certificatrice, » chargée de démêler le vrai du faux en matière d’information.
 
Pour Debord, une telle tentative est un contresens, qui plus est, voué à l’échec, toujours au nom du principe selon lequel le concept de désinformation n’a pas à être employé défensivement et encore moins, souligne Debord, « dans une défense statique, en garnissant une Muraille de Chine, une ligne Maginot, qui devrait couvrir un espace censé être interdit à la désinformation. » Pour lui, c’est l’intérêt de l’Etat que la désinformation reste « fluide », qu’elle puisse passer partout. Il voit, pour l’Etat toujours, plusieurs inconvénients d’un tel encadrement rigide de l’information.
 
D’abord, dit-il, les autorités n’ont « aucun besoin réel de garantir qu’une information précise ne contiendrait pas de désinformation. » Ensuite, les autorités en question n’en ont pas les moyens. Et, sur le fond, Debord explique que la lutte contre la désinformation « s’userait extrêmement vite », en voulant défendre des points « qui doivent au contraire éviter de mobiliser l’attention », car pour lui les autorités « ne sont pas si respectées », et elles ne feraient « qu’attiser la suspicion sur l’information en cause. »
 
Il est donc beaucoup plus profitable pour l’Etat, selon Guy Debord, de dénoncer une désinformation, non pas par une loi générale mettant en place des structures de contrôle permanentes et lourdes, mais plutôt au coup par coup. C’est pourquoi, il voyait dans cette tentative d’instaurer un label « à du médiatique garanti « sans désinformation », « sans doute une erreur », à moins plutôt, disait-il, que ce ne soit « un leurre délibéré. »
 
Il n’est pas impossible que les semaines qui viennent nous le confirment.
 
Au final, le fondateur du situationnisme rappelait que, du point de vue des dirigeants de l’Etat, celui qui lance la désinformation « est coupable », et que celui qui la croit, est « imbécile.»
 
En termes plus prudents, c’est presque un hommage que lui a rendu lundi, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, en confirmant qu’en matière de fake news « la capacité de discernement des citoyens ne suffit plus. »(3) Et ce jugement sur la « capacité de discernement » en baisse chez les citoyens, pourrait bien être également l’une des raisons pour laquelle le débat fait rage.
 
Jean-Jacques Régibier / vendredi 8 juin 2018
 
(1) Il faut rappeler que ce que Debord entend par « société du spectacle » n’a rien à voir ni avec la musique, ni avec le théâtre, la danse, une manifestation sportive, ou la télé. Dans sa terminologie, le « spectacle » désigne « le règne autocratique de l’économie marchande ayant accédé à un statut de souveraineté irresponsable, et l’ensemble des nouvelles techniques de gouvernement qui accompagnent ce règne. » Parmi ces techniques, la manipulation de la catégorie de désinformation occupe pour Debord une place centrale. Folio prépare pour cette année une réédition des « Commentaires. »
 
(2) Pieyre Alexandre Anglade, député LREM devant la commission parlementaire, le 22 mai
 
 
 
(3) Françoise Nyssen, conférence de presse sur la loi sur la manipulation de l’information, lundi 4 juin 2018