09/03/2012
RIP : le blog politique en état de mort clinique
On pourrait penser que l'explosion des réseaux sociaux pourrait faciliter le débat politique. Pour Nicolas Vanbremeersch, c'est loin d'être évident :
« On a assisté à la disparition de la figure visible du citoyen : maintenant, il discute sur Facebook avec ses amis [et donc de manière invisible, ndlr], il y a une refragmentation de l'espace public en ligne. Auparavant, il y avait une confrontation plus forte entre un blogueur d'extrême gauche et un autre d'extrême droite ; maintenant, il y a une fluidité moins forte du débat.
Il se passe des choses en ligne qui ne sont plus visibles : le Web se privatise. »
Stars de la campagne numérique en 2007, les blogs politiques cèdent le pas aux réseaux sociaux, prisés des militants, et à des sites d'info devenus plus participatifs.
Les blogs étaient à la mode en 2007. En 2005, quand la quasi-totalité des médias faisaient campagne pour le « oui » au référendum sur le traité européen, ils sont devenus le média incontournable d'une majorité hostile et favorable au « non ».
Aujourd'hui, le Web ne serait plus un espace alternatif : les commentateurs ne jurent plus que par les « timelines » (le nouveau format des profils Facebook) et le nombre d'abonnés sur Twitter.
En 2012, les réseaux sociaux ont pris la place des blogs, qui ne sont plus des outils adéquats pour une campagne, explique Arnault Coulet, cofondateur de Netpolitique :
« En 2007, il y avait un espace médiatique vacant sur le Web, on y a donc vu l'émergence de quelques blogs dits influents, mais aujourd'hui, le format du blog est obsolescent. »
Des blogs dépassés par les réseaux sociaux
Au moment des élections de 2007, Facebook ne comptait qu'une poignée d'utilisateurs en France. Aujourd'hui, ils sont 27 millions. L'explosion des réseaux sociaux change tout.
Nicolas Vanbremeersch, alias Versac, blogueur en 2007 et auteur de « De la démocratie numérique » (éd. Seuil), estime qu'ils sont venus faire concurrence aux blogs :
« Les réseaux sociaux ont démocratisé ce que le blogueur faisait, à savoir du lien éditorialisé : porter quelque chose d'intéressant à l'attention de ses lecteurs. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, on le fait de manière beaucoup plus facile et efficace. »
Vers la « guérilla de l'instantané »
La fin des blogs correspond à un changement du militantisme sur le Web, qui devient plus rapide, plus réactif, mais moins profond. Christophe Carignano, un des blogueurs « en vue » en 2007 et ancien responsable web de Villepin :
« Les réseaux sociaux ne véhiculent pas nécessairement une information, mais permettent l'émergence d'un système d'attaque/défense. Cela crée de la mobilisation, et la mobilisation sur Internet, c'est essentiel. Mettre des messages gentils sur Twitter, ça ne sert à rien. »
Pour Guilhem Fouetillou, fondateur de Linkfluence, le militantisme politique est moins adapté aux blogs qu'aux réseaux sociaux et à leur instantanéité :
« La pratique du militantisme pur transposé sur la blogosphère fait peut-être un effet de masse, permet de jouer la bataille des chiffres mais faillit à impulser, diffuser, “viraliser” des idées, positions, points de vue. »
Les médias ont fini par arriver sur le Web
Les médias, justement : à partir de 2007, de nombreux médias uniquement sur Internet – comme Rue89 – ont été lancés, les journalistes se sont formés à Internet et le participatif est devenu une habitude dans les rédactions.
Des médias moins étanches et moins verticaux
Stanislas Magniant, cofondateur de Netpolitique :
« En 2007, les médias s'appuyaient sur les blogs pour comprendre ce qui se passait sur le Web politique. Mais il y a eu un gros travail de remédiation dans les rédactions, qui sont désormais informées et compétentes. Du coup, il est difficile pour les blogs de prendre une information ou un angle qui n'a pas été fait dans les médias. »
Les médias sont devenus participatifs
Avant 2007, difficile pour l'internaute lambda d'accéder directement aux médias. Entre-temps, tous les sites internet des grands médias se sont ouverts à des contributions extérieures, rappelle Stanislas Magniant :
« En 2007, les blogs offraient quelque chose d'unique, de participatif : aujourd'hui c'est un lieu commun sur les sites d'information. »
Pour Nicolas Vanbremeersch, les sites d'info ont cannibalisé les blogs sur ce terrain :
« En 2007, les médias avaient encore le monopole du journaliste sur l'information ; puis ils ont “tué” cet espace en devenant un hébergeur de la parole de l'expert, de l'internaute. Le blogueur expert a disparu, sa parole est à nouveau “médiée” par des professionnels des médias. »
« Le Web n'est plus un espace alternatif »
A la lumière du Web politique, c'est une image sombre d'Internet en général qui se dessine : les intermédiaires classiques ont repris leur place et le véritable message politique alternatif a du mal à se faire entendre.
Des médias traditionnels qui reprennent la main
Pour Arnault Coulet, le débat politique s'est remis à vivre au rythme des grands médias :
« En 2012, le débat sur Internet est le bras armé de ce qu'il se passe dans les médias traditionnels, les “ ripostes parties ” [rassemblement de blogueurs sympathisants de Hollande, ndlr.] se font en parallèle des médias traditionnels, pour faire du bruit plus que de la construction d'idées. »
Nicolas Vanbremeersch estime que pour capter l'attention des internautes, les militants et les partis politiques ne sont pas forcément les mieux armés :
« Le Web n'est plus un espace alternatif quand des marques mettent deux millions d'euros sur Internet. Cela laisse moins de place à des initiatives amateurs. La sphère s'est reconstruite, les journalistes se parlent entre eux sur Twitter et on assiste à une réautonomisation partielle des médias. L'alternatif sur Internet existe toujours, mais il est relégué de manière plus profonde. »
13:58 Publié dans Actualités, Blog, Eclairage, Internet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blog, politique | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |