18/11/2010
Jean-François Téaldi : « Le traitement de la contre-réforme a été scandaleux »
Jean-François Téaldi, secrétaire général du SNJ-CGT de France Télévisions et audiovisuel, revient sur le traitement médiatique du mouvement social contre la réforme des retraites et le manque de pluralisme.
Comment, selon vous, s’est caractérisé le traitement médiatique du mouvement social sur les retraites ?
Jean-François Téaldi. Aujourd’hui, nous sommes face à un encadrement des rédactions qui ne se rendent pas compte à quel point nous sommes en décalage avec ce que pensent les téléspectateurs et les lecteurs. Il faut rectifier le tir dans les mois qui viennent, en prévision bien sûr de la présidentielle et des législatives. Sinon, risque de se poser un jour le débat sur la nécessité de conserver en France un service public audiovisuel payé par la redevance. Nous pourrions avoir à faire face à un rejet populaire. Le traitement par les médias dominants de la bataille sur les retraites n’a fait que confirmer la dérive que l’on constate depuis l’élection présidentielle de 1995, où les médias avaient pris fait et cause pour Balladur. Depuis, on a eu confirmation de ce non-respect du pluralisme et de ce non-respect des positions alternatives à celles imposées par les gouvernements et la pensée néolibérale sur le traité constitutionnel, bien sûr, et lors de la présidentielle de 2007.
Pour quelles raisons le journalisme en est-il arrivé là ?
Jean-François Téaldi. Je crois qu’il y a d’abord la formation initiale dans les écoles de journalisme. Il suffit de voir ce qui s’est passé avec Le Pen au CFJ (1). Bien trop souvent, les journalistes relatent les faits sans donner aucune piste de réflexion aux citoyens. Par ailleurs, il y a aussi l’accès à la profession et le fait que la population sociale des journalistes n’est pas celle de la plupart des autres catégories sociales, et pense donc différemment. Le troisième problème, c’est que la profession fait face à une certaine démission individuelle ou collective, qui amène le journaliste de base à ne plus se battre pour le choix des sujets en conférence de rédaction. Le choix des angles, notamment, pose un vrai problème de pluralité de traitement.
Que faudrait-il faire pour redonner à l’information sa pluralité ?
Jean-François Téaldi. S’il n’y a pas une prise de conscience individuelle et collective de chaque journaliste, de chaque rédaction, cette érosion, cet écart grandissant entre ceux qui font l’information et ceux qui la reçoivent va se creuser. La crédibilité de la profession est mise à mal chaque année. Toutes les études d’opinion le montrent. Si personne ne réagit, il risque d’y avoir un très fort rejet populiste du journaliste et de l’information.
À France Télévisions, comment ressentez-vous ce manque de pluralisme ?
Jean-François Téaldi. À France Télévisions, le SNJ-CGT s’est battu, comme il s’était battu pour l’élection présidentielle ou pour le référendum constitutionnel, pour que soit organisé, avant le début des mobilisations, un débat en prime time sur le projet gouvernemental de réforme des retraites. Un débat avec des syndicalistes et avec des économistes qui soient des experts ne sortant pas uniquement de la pensée néolibérale. On ne l’a pas obtenu, nous n’avons pas gagné ce combat. Par mépris de la direction de l’information d’une part, mais également par le manque de mobilisation de la profession sur ce type de question. Un trop grand nombre de journalistes ont renoncé à se mobiliser dans un métier qui, pourtant, est le plus beau du monde. Ceux qui pouvaient apporter une vision différente sur des sujets dits « sensibles » ont été écartés. Je suis stupéfait de voir, par exemple, qu’au 20 heures de France 2, le soir du remaniement, sur les trois journalistes en plateau, un seul appartenait à la rédaction de France 2. Les deux autres venaient de Libération et du Figaro. Comme si la rédaction de France 2 n’était pas capable de faire une émission politique. Quel intérêt ? Parfois, on se demande à quoi on sert. C’est pour ça qu’au SNJ-CGT, nous allons continuer de mener la bataille pour le respect du pluralisme et des idées alternatives. Pour les membres du syndicat, du Figaro à l’Humanité en passant par l’audiovisuel et la presse régionale, le traitement de la contre-réforme dans les médias a été scandaleux, le pluralisme a été piétiné. Il faut absolument que la profession s’interroge et soutienne le pluralisme dans l’information.
(1) Voir l’Humanité du 24 octobre.
11:43 Publié dans Eclairage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : téaldi, télévision, manifestation | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
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