05/01/2011
FR3 : Capital en quête de (fausses) révélations
Le magazine économique du groupe Prisma Presse a publié dans son numéro de janvier un article incendiaire sur France 3. Que les salariés de la chaîne prennent très mal.
L’article a eu l’effet d’une bombe à France 3 : le 2 décembre dernier, paraissait dans le magazine Capital un papier intitulé France 3, plus chère la vie.
Les auteurs, entre autres, s’y émeuvent du coût de la grille de la chaîne nationale, et pointent du doigt des « dysfonctionnements ». Qui touchent évidemment les salariés. L’émoi est vif depuis la fin décembre dans les rédactions régionales de France 3.
Dans son article, Capital commence par remettre en cause le coût de la grille de France 3 : 850 millions d’euros de budget contre 820 millions pour France 2 et 909 pour TF1. De la même façon, l’article remet en cause la rédaction jugée pléthorique, dans les effectifs de la chaîne : 1 700 salariés sur 5 000. Pour le magazine, les programmes de proximité, fleuron de France 3, n’occupent que 10 % du temps d’antenne, alors « qu’ils absorbent près de la moitié du budget global ».
Le SNJ-CGT et le SNRT-CGT s’agacent dans un communiqué commun : « Il est ainsi présenté comme scandaleux que France 3 puisse dépenser 20 % de plus par téléspectateur que France 2. Cela revient de fait à remettre en cause l’existence même d’une télévision régionale en France. » Marc Chauvelot, secrétaire général du SNRT-CGT, rajoute que « la France est le pays européen qui investit le moins dans ses programmes régionaux ». Dans le même genre, Capital crédite les comptes en banque des journalistes de 4 000 euros mensuels… quand « un journaliste, après vingt ans de service, reçoit en gros 2 700 euros, un peu plus pour un grand reporter ou un chef », explique le syndicaliste.
Enfin, le magazine fustige le travail desdits journalistes : les journalistes de chaînes d’info en continu en feraient « dix fois plus » que ceux de France 3. À i-Télé, par exemple, « ils conduisent leur camion satellitaire, filment, interviewent et montent leurs rushes ». « Est-il possible de faire un vrai travail journalistique dans ces conditions ? Faute de moyens et de temps, n’en est-on réduits à simplement tendre le micro sans recul ni vérification de l’information ? » interrogent les syndicats.
Pour Marc Chauvelot, la pilule est amère. « Les salariés ont un gros sentiment de colère et d’injustice. Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », note-t-il. « Le travail d’investigation de Capital n’est pas mené sérieusement. Ils ont convoqué tous les stéréotypes et les clichés sur le service public. » Le syndicaliste se demande du coup s’il n’y a pas anguille sous roche. D’autant que ni les dirigeants de France 3 ni ceux de France Télévisions ne se sont exprimés sur le sujet. Et que les menaces de coupes claires dans le budget de France 3 ne datent pas d’hier. De là à suspecter une opération orchestrée, il n’y a qu’un pas, franchi selon les syndicats.
19:46 Publié dans Dossier, Télévision | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : télévision, fr3, capital | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
18/11/2010
Jean-François Téaldi : « Le traitement de la contre-réforme a été scandaleux »
Jean-François Téaldi, secrétaire général du SNJ-CGT de France Télévisions et audiovisuel, revient sur le traitement médiatique du mouvement social contre la réforme des retraites et le manque de pluralisme.
Comment, selon vous, s’est caractérisé le traitement médiatique du mouvement social sur les retraites ?
Jean-François Téaldi. Aujourd’hui, nous sommes face à un encadrement des rédactions qui ne se rendent pas compte à quel point nous sommes en décalage avec ce que pensent les téléspectateurs et les lecteurs. Il faut rectifier le tir dans les mois qui viennent, en prévision bien sûr de la présidentielle et des législatives. Sinon, risque de se poser un jour le débat sur la nécessité de conserver en France un service public audiovisuel payé par la redevance. Nous pourrions avoir à faire face à un rejet populaire. Le traitement par les médias dominants de la bataille sur les retraites n’a fait que confirmer la dérive que l’on constate depuis l’élection présidentielle de 1995, où les médias avaient pris fait et cause pour Balladur. Depuis, on a eu confirmation de ce non-respect du pluralisme et de ce non-respect des positions alternatives à celles imposées par les gouvernements et la pensée néolibérale sur le traité constitutionnel, bien sûr, et lors de la présidentielle de 2007.
Pour quelles raisons le journalisme en est-il arrivé là ?
Jean-François Téaldi. Je crois qu’il y a d’abord la formation initiale dans les écoles de journalisme. Il suffit de voir ce qui s’est passé avec Le Pen au CFJ (1). Bien trop souvent, les journalistes relatent les faits sans donner aucune piste de réflexion aux citoyens. Par ailleurs, il y a aussi l’accès à la profession et le fait que la population sociale des journalistes n’est pas celle de la plupart des autres catégories sociales, et pense donc différemment. Le troisième problème, c’est que la profession fait face à une certaine démission individuelle ou collective, qui amène le journaliste de base à ne plus se battre pour le choix des sujets en conférence de rédaction. Le choix des angles, notamment, pose un vrai problème de pluralité de traitement.
Que faudrait-il faire pour redonner à l’information sa pluralité ?
Jean-François Téaldi. S’il n’y a pas une prise de conscience individuelle et collective de chaque journaliste, de chaque rédaction, cette érosion, cet écart grandissant entre ceux qui font l’information et ceux qui la reçoivent va se creuser. La crédibilité de la profession est mise à mal chaque année. Toutes les études d’opinion le montrent. Si personne ne réagit, il risque d’y avoir un très fort rejet populiste du journaliste et de l’information.
À France Télévisions, comment ressentez-vous ce manque de pluralisme ?
Jean-François Téaldi. À France Télévisions, le SNJ-CGT s’est battu, comme il s’était battu pour l’élection présidentielle ou pour le référendum constitutionnel, pour que soit organisé, avant le début des mobilisations, un débat en prime time sur le projet gouvernemental de réforme des retraites. Un débat avec des syndicalistes et avec des économistes qui soient des experts ne sortant pas uniquement de la pensée néolibérale. On ne l’a pas obtenu, nous n’avons pas gagné ce combat. Par mépris de la direction de l’information d’une part, mais également par le manque de mobilisation de la profession sur ce type de question. Un trop grand nombre de journalistes ont renoncé à se mobiliser dans un métier qui, pourtant, est le plus beau du monde. Ceux qui pouvaient apporter une vision différente sur des sujets dits « sensibles » ont été écartés. Je suis stupéfait de voir, par exemple, qu’au 20 heures de France 2, le soir du remaniement, sur les trois journalistes en plateau, un seul appartenait à la rédaction de France 2. Les deux autres venaient de Libération et du Figaro. Comme si la rédaction de France 2 n’était pas capable de faire une émission politique. Quel intérêt ? Parfois, on se demande à quoi on sert. C’est pour ça qu’au SNJ-CGT, nous allons continuer de mener la bataille pour le respect du pluralisme et des idées alternatives. Pour les membres du syndicat, du Figaro à l’Humanité en passant par l’audiovisuel et la presse régionale, le traitement de la contre-réforme dans les médias a été scandaleux, le pluralisme a été piétiné. Il faut absolument que la profession s’interroge et soutienne le pluralisme dans l’information.
(1) Voir l’Humanité du 24 octobre.
11:43 Publié dans Eclairage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : téaldi, télévision, manifestation | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |