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31/08/2018

Intox. Pas de masturbation au programme

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Après la promotion de la pédophilie, voici le gouvernement accusé de vouloir enseigner l’onanisme aux élèves de maternelle... En cette veille de rentrée, les rumeurs les plus fantaisistes ont fleuri, avec un inquiétant succès sur les réseaux sociaux.

C’est un cas d’école de désinformation. « Dès la rentrée 2018 », menace un tract distribué dans les transports à Paris, « un intervenant extérieur » va venir « apprendre la masturbation » et « expliquer l’homosexualité et l’amour anal » à vos enfants. Un avertissement qui s’accompagne depuis le début de l’été de plusieurs vidéos du même acabit. Ainsi, le 26 août dernier, une page Facebook intitulée Roubaix News prétendait dévoiler un « document établissant les bases d’une éducation sexuelle à l’école », alarmant de nombreux internautes.

À l’intérieur de celui-ci, on découvre par exemple que nos bambins de 4 ans seront dès la rentrée éduqués à découvrir « le plaisir de s’exhiber », ou formés aux « jeux génitaux ». Du grand n’importe quoi ? Évidemment. Sauf que la publication est partagée plus de 10 000 fois en une journée et que certains parents s’inquiètent. « J’ai appris la nouvelle via les réseaux sociaux début août.

J’ai passé beaucoup de temps à trier le vrai du faux, mais ce que j’ai trouvé ne me rassure pas. Si je ne travaillais pas, je déscolariserais mes enfants », témoigne ainsi Laïla, mère de deux enfants de 5 et 7 ans.

Des sites d’extrême droite à la manœuvre

Archétype de la fake news, le document relayé par Roubaix News n’est autre qu’un rapport daté de 2008 qui propose des réflexions aux enseignants suisses, comme l’a révélé le Monde mardi. Cette intox a vu le jour suite à la promesse de Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, le 19 juillet, de relancer, par le biais d’une circulaire, les trois séances annuelles d’éducation à la sexualité. Un enseignement pourtant prévu dans la loi depuis 2001, dont les seuls objectifs sont d’apprendre aux élèves (à partir de la primaire) « le respect du corps humain », et de promouvoir « une vision égalitaire » des relations femmes-hommes.

Particulièrement ciblée, Marlène Schiappa est aussi accusée de vouloir légaliser la pédophilie. À l’origine de ces rumeurs : des sites d’extrême droite comme La gauche m’a tuer ou Réseau libre. Ces as de la fachosphère accusent la secrétaire d’État de ne pas inclure dans sa loi contre les violences sexistes et sexuelles la présomption de non-consentement pour les enfants de moins de 15 ans. Si cette modification n’a pas été introduite dans le texte – pour cause de possible inconstitutionnalité –, rien n’a été changé sur la pénalisation de la pédophilie. Bien au contraire.

La nouvelle loi allonge la durée de prescription des crimes de nature sexuelle sur mineurs et instaure de nouvelles sanctions. Depuis le début de l’été, cette rumeur va pourtant bon train et a même été relayée par des personnalités politiques, parmi lesquelles le conseiller régional RN (ex-FN) Olivier Monteil ou la conseillère municipale LaREM Agnès Cerighelli.

Des rumeurs entretenues par les groupes complotistes, qui appellent à manifester devant toutes les préfectures de France pour la rentrée. Avec quelles chances de succès ? Le ministre Jean-Michel Blanquer a en tout cas tenu à démonter l’intox, mercredi, lors de sa conférence de presse de rentrée : « Je demande à chacun et à chacune (...) de ne pas chercher à créer des peurs là où ce n’est pas nécessaire. » Ces campagnes de désinformation rappellent furieusement celles de l’automne 2014, lancées contre le projet des « ABCD de l’égalité », qui visait à déconstruire les stéréotypes de genre. À l’époque, l’exécutif dirigé par François Hollande avait fini par plier devant les coups de boutoir de la fachosphère.

29/08/2018

Médias français : qui possède quoi

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Cliquez sur l'image pour l'agrandir}}}

Dernière mise à jour : août 2018 (v. 13)

Cette affiche prend le parti de la lisibilité plutôt que de l’exhaustivité. Y figurent des médias d’information qui « font l’opinion » et qui dépendent d’intérêts industriels ou financiers, de groupes de presse ou de l’État :

 les titres de presse écrite papier à diffusion nationale de type généraliste, économique et politique ;
 les titres de la presse quotidienne régionale ;
 la télévision nationale (et quelques chaînes de télévision locales) ;
 les canaux de radio à portée nationale ;
 certains sites d’information en ligne.

Les journaux départementaux, les titres indépendants (comme Le Canard enchaîné) ainsi que la presse dite alternative ne sont pas représentés (1). Enfin, on a limité les liens capitalistiques aux principaux actionnaires (2).

Conception : Jérémie Fabre
Documentation : Marie Beyer et Jérémie Fabre
Adaptation : Guillaume Barou, avec Boris Séméniako et Cécile Marin

Un travail en cours

Base de données publique sur GitHub.

Ce graphique est une mise à jour du poster imprimé avec le numéro de décembre 2016, lui-même une adaptation de l’infographie « Médias français : qui possède quoi ». Laquelle était déjà une refonte de la carte du Parti de la presse et de l’argent (PPA) conçue pour Le Plan B en 2007 et mise à jour à l’occasion de la sortie du documentaire Les Nouveaux Chiens de garde en 2012.

Sources le Monde Diplomatique

 

16:16 Publié dans Actualités, Informations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : médias, concentation | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |

19/08/2018

Taxés d'"ennemis du peuple" par Trump, 350 journaux américains ripostent

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« Les journalistes ne sont pas l’ennemi » : honnis par Donald Trump, des centaines de journaux américains ont répondu jeudi en publiant des éditoriaux pour insister sur l’importance de la liberté de la presse.

Menés par le Boston Globe sous le mots d’ordre #EnemyOfNone (Ennemi de personne), plus de 200 groupes de presse contre-attaquent après la multiplication des coups de boutoir du président américain contre les médias, qualifiant à l’envi de « Fake News » tout organe de presse publiant des informations qui lui déplaisent. Le milliardaire n’hésite pas également à traiter les grands médias d' »ennemi » ou d' »ennemi du peuple ».

« Nous avons aujourd’hui aux Etats-Unis un président qui a créé un mantra selon lequel tout média qui ne soutient pas ouvertement la politique de l’administration actuelle est « l’ennemi du peuple » », écrit le Globe dans son éditorial jeudi. « C’est un des nombreux mensonges propagés par notre président comme par un charlatan d’antan qui jetait de la poussière ou de « l’eau magique » sur une foule pleine d’espoir », poursuit le prestigieux quotidien.

Selon le Globe, cette attitude de Trump à l’égard des médias encourage les hommes forts comme le Russe Vladimir Poutine ou le Turc Recep Tayyip Erdogan de traiter les journalistes comme des ennemis.

Premier amendement

Le New York Times, fréquemment cible des invectives présidentielles, a publié un court éditorial sous un titre en lettres capitales « LA PRESSE LIBRE A BESOIN DE VOUS » rappelant que le peuple avait le droit de critiquer la presse. « Mais insister sur le fait que les vérités qui vous déplaisent sont des « fake news » est dangereux pour la démocratie », écrit le Times.

D’autres médias à travers le pays ont défendu leur rôle, qui consiste selon certains à faire économiser le temps du contribuable. « Les journalistes couvrent des réunions du gouvernement ennuyeuses et déchiffrent les formules de financement de l’école publique, pour que vous n’ayez pas à le faire », souligne ainsi l’Arizona Daily Star. « Ce n’est pas aussi fondamental que le premier amendement, mais cela peut servir ».

Pour les défenseurs de la liberté de la presse, les déclarations de Donald Trump menacent le rôle de contre-pouvoir de la presse et vont à l’encontre du premier amendement qui garantit la liberté d’expression et protège les journalistes. « Je ne crois pas que la presse puisse rester sans rien faire et subir, elle doit se défendre lorsque l’homme le plus puissant du monde tente d’affaiblir le premier amendement », estime Ken Paulson, ancien rédacteur en chef du quotidien USA Today et un des responsables du Newseum, le musée de l’information à Washington.

Impact limité 

Mais il relativise l’efficacité de cette campagne de sensibilisation : « Les personnes qui lisent les éditoriaux n’ont pas besoin d’être convaincues. Ce ne sont pas elles qui hurlent (sur les journalistes) aux meetings présidentiels ». Selon lui, face aux assauts de la Maison Blanche, les médias doivent développer une campagne « marketing » plus large pour souligner l’importance d’une presse libre comme valeur fondamentale.

Mais l’initiative de jeudi pourrait galvaniser les partisans du président, qui pourraient y voir une preuve que les médias sont ligués contre lui. « Les médias organisent une attaque plus étudiée et publique que jamais contre Donald Trump » et contre « la moitié du pays qui le soutient », a tweeté Mike Huckabee, ancien gouverneur républicain et commentateur sur la chaîne conservatrice Fox News.

Même des critiques du président ont des doutes. A l’instar de Jack Shafer, de Politico, qui pense que l’effort coordonné « va à coup sûr avoir un effet contre-productif ». Mais pour les défenseurs des médias, les enjeux sont bien trop importants pour accepter que les affirmations présidentielles soient hors de contrôle. Certains estiment que ses propos ont généré des menaces contre des journalistes et auraient aussi pu créer un climat d’hostilité ayant mené à de violentes attaques comme celle contre le Capital Gazette à Annapolis (Maryland) fin juin, où cinq personnes ont été tuées par un tireur entretenant une relation conflictuelle avec le journal.

Selon un récent sondage Ipsos, 43% des républicains pensent que le président devrait avoir l’autorité de fermer des médias ayant une « mauvaise attitude ».

Source Le Quotidien Luxembourg

09:49 Publié dans Actualités, Journaliste | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : usa, médias, trump, boston | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |

10/06/2018

Guy Debord, critique des fakes news

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Jean-Jacques Régibier, Humanite.fr

En 1988, dans les « Commentaires sur la société du spectacle, » Guy Debord analysait de manière approfondie le phénomène de la « désinformation, » terme anglicisé depuis sous le nom de fake news. Au delà des débats actuels, mais y faisant écho, son apport théorique est fondamental pour comprendre comment les Etats modernes manipulent les fausses nouvelles pour obtenir la soumission des citoyens aux impératifs de l’ordre dominant.

«  Ce qui peut s’opposer à la seule vérité officielle doit être forcément une désinformation émanant de puissances hostiles, ou au moins de rivaux, et elle aurait été intentionnellement faussée par la malveillance. »
 
Ces mots écrits il y a exactement 30 ans par Guy Debord, dans ce qui sera son dernier grand livre théorique – Les « Commentaires sur la société du spectacle » (1), une version concentrée et actualisée du livre fondateur du situationnisme ( la Société du Spectacle ) parue 19 ans plus tôt -, semblent renvoyer ( le mimétisme est sans doute involontaire ), aux propos du député LREM chargé de défendre le projet de loi Macron sur les fake news :
 
« la dissémination de fausses informations répond souvent à une véritable stratégie politique, financée parfois par des Etats tiers à la frontière orientale de l’Union européenne ( suivez mon regard… ndlr ) visant à affaiblir nos sociétés et à affaiblir le projet européen. » (2)
 
On notera que dans cette « démonstration » qui devrait servir en principe à justifier une loi, absolument aucune information vérifiée n’est donnée. On reste dans le domaine du sous-entendu, de l’accusation à la fois vague dans son contenu et suffisamment précise pour désigner un coupable, mais coupable de quoi, on ne sait pas.
 
Ce qui confirme cet autre verdict de Debord pour qui « le concept confusionniste de désinformation est mis en vedette pour réfuter instantanément, par le seul bruit de son nom, toute critique que n’aurait pas suffi à faire disparaître les diverses agences de l’organisation du silence. »
 
C’est pourquoi, et c’est l’un des points clé de l’analyse de Debord - grand féru de stratégie -, la fonction des fake news est toujours « contre-offensive. » Ce qui signifie que la manipulation de la désinformation n’est jamais destinée à mener directement une attaque contre un opposant ou un ennemi éventuel
 
( « là où le discours spectaculaire n’est pas attaqué, il serait stupide de le défendre », dit Debord ), mais bien à répliquer à une attaque par une autre.
 
L’actualité des derniers mois nous en fournit des preuves convaincantes, en confirmant au passage l’autre thèse fondamentale de Debord sur la désinformation, à savoir que ce sont d’abord les Etats, et ceux qui concourent pour s’en assurer le contrôle, qui sont les premiers pourvoyeurs de fake news.
 
Vérification impossible
 
Le débat sur les fake news a ressurgi de manière spectaculaire au niveau mondial avec cette accusation, qui a fait immédiatement le tour de la planète, selon laquelle la Russie aurait interféré dans la campagne présidentielle de 2016 pour favoriser la candidature de Donald Trump - et avec sa complicité -, au détriment de la candidate démocrate, Hillary Clinton (on ne porte bien entendu aucun jugement sur les tenants et aboutissants de ce type d’opération, il s’agit d’examiner comment fonctionnent nos sociétés.)
Ces soupçons d’intervention russe sont sortis dès octobre 2016, soit un mois avant les élections présidentielles américaines – au moment où les sondages annonçaient la défaite d’Hillary Clinton comme de plus en plus probable. Trump a immédiatement qualifié ces informations de fake news, et par la suite, tous les protagonistes se sont mutuellement accusés de produire et de colporter de fausses infos, renforçant sans le vouloir la thèse de Guy Debord sur la fonction contre-offensive du recours à la désinformation.
La masse d’informations, de contre-informations, de témoignages, de « preuves » et de contre preuves, de « confidences », de démentis, d’enquêtes et de contre-enquêtes, etc… générée par cette affaire véhiculée par tous les médias mondiaux fonctionnant comme de gigantesque caisses de résonnance, est monumentale. Elle n’a pourtant abouti à aucune conclusion incontestable, bien que tous les acteurs prétendent détenir les preuves de la « vérité », mais sans les donner.
 
Debord n’aurait sans doute jamais imaginé un tel festival de fake news, rendu possible par la puissance des techniques d’information que permettent les outils modernes, mais il est clair qu’il en a fourni la compréhension. Ce passage des «  Commentaires » mérite d’être cité en entier :
 
«  si parfois une sorte de désinformation désordonnée risque d’apparaître, au service de quelques intérêts particuliers passagèrement en conflit, et d’être crue elle aussi, devenant incontrôlable et s’opposant par là au travail d’ensemble d’une désinformation moins irresponsable, (… ) c’est simplement parce que la désinformation se déploie maintenant dans un monde où il n’y a plus de place pour aucune vérification » ( c’est Debord qui souligne. )
 
Ce point est en effet capital, parce qu’il porte sur ce qu’est devenu le statut de la vérité sous le règne de l’avalanche d’informations perpétuelles qui est la marque de notre temps. Il pourrait être dit d’une autre manière : ce dont on nous parle le plus, on ne saura rien. L’affaire de l’intervention russe présumée dans les présidentielles américaines, en fournit une brillante illustration.
 
Un autre exemple récent – qui concerne cette fois, non pas des « intérêts particuliers » entre deux camps rivaux dans la même élection, mais les rapports entre Etats – relève exactement de la même analyse ( avec des conséquences diplomatiques sérieuses ) : l’affaire de l’ancien espion russe, Sergueï  Skripal, que la première ministre britannique Theresa May accuse la Russie d’avoir tenté d’empoissonner. Dans ce cas, aucune preuve n’a été apportée à l’appui des accusations lancées, non pas par de simples « trolls », mais par une cheffe d’Etat, suivie tête baissée par d’autres, toujours sans la moindre preuve. On remarquera que peut se vérifier, là encore, l’idée de Debord selon laquelle l’usage des fake news se fait toujours en situation de contre-attaqeu, ou de diversion( Theresa May en difficulté intérieure majeure à cause du Brexit)
 
Ajoutons un autre exemple, toujours venant du même « camp » et contre la même cible, et toujours en position de contre-offensive : la fausse mort du journaliste russe Arkadi Babtchengko, orchestrée par l’Ukraine - pays soutenu à bout de bras par l’Union européenne et les Etas-Unis, contre la Russie –, affaire qui prouve elle aussi que ce sont bien les Etats – en l’occurrence, l’Ukraine - qui sont à la manœuvre dans la manipulation des fausses nouvelles. Ce qui confirme le pronostic de Guy Debord selon lequel, contrairement aux discours officiels ( les fausses nouvelles seraient produites de l’extérieur pour déstabiliser les démocraties ), « la pratique de la désinformation ne peut que servir l’Etat ici et maintenant, sous la conduite directe, ou à l’initiative de ceux qui défendent les mêmes valeurs. »
 
Avec, dans le cas Babtchenko, cette « innovation » ( qu’une partie des commentateurs n’a pas manqué de trouver « géniale » ) : les auteurs de la fake news ( relayée à satiété par tous les médias mondiaux )sont aussi ceux qui, 24 heures après, ont dénoncé la désinformation, en la justifiant comme une mesure préventive destinée à éviter une menace sur laquelle ils ne fournissent par ailleurs aucune preuve.
Génial en effet.
 
Garanti sans désinformation.
 
A l’heure où le gouvernement Macron tente, avec beaucoup de mal, de faire voter sa loi sur les « fake news » – alors même que tous les spécialistes du Droit ont démontré que l’arsenal juridique pour lutter contre les fausses nouvelles est déjà amplement suffisant et qu’il n’y a donc pas là matière à nouvelle loi -, l’analyse que fait Debord de la façon dont le pouvoir instrumentalise la désinformation, va bien au delà de la critique la plus répandue aujourd’hui, celle qui voit dans cette loi un risque de dérives anti-démocratiques, notamment contre la liberté de la presse.
 
Pour Debord, en effet, le fait d’agiter l’épouvantail des fausses nouvelles, ou d’affirmer sa volonté de lutter contre la manipulation de l’information, est en réalité une technique de gouvernement conforme à toutes celles qui servent à assurer la domination de l’oligarchie et de l’Etat qui la défend.
 
Cette technique présente, selon Debord,  plusieurs avantages, sachant que, pour lui, le concept de désinformation est toujours employé par un pouvoir ( ou par des gens qui détiennent un fragment d’autorité économique ou politique, ) « pour maintenir ce qui est établi. » 
 
Dans son analyse sur la fonction de la désinformation dans les techniques de gouvernement, Debord aborde directement et de façon, incroyablement actuelle, le projet, déjà agité vers la fin des années 80 en France, « d’attribuer officiellement une sorte de label à du médiatique « garanti sans désinformation. » C’est ce projet qu’Emmanuel Macron a remis à nouveau sur le tapis en voulant nommer une « autorité certificatrice, » chargée de démêler le vrai du faux en matière d’information.
 
Pour Debord, une telle tentative est un contresens, qui plus est, voué à l’échec, toujours au nom du principe selon lequel le concept de désinformation n’a pas à être employé défensivement et encore moins, souligne Debord, « dans une défense statique, en garnissant une Muraille de Chine, une ligne Maginot, qui devrait couvrir un espace censé être interdit à la désinformation. » Pour lui, c’est l’intérêt de l’Etat que la désinformation reste « fluide », qu’elle puisse passer partout. Il voit, pour l’Etat toujours, plusieurs inconvénients d’un tel encadrement rigide de l’information.
 
D’abord, dit-il, les autorités n’ont « aucun besoin réel de garantir qu’une information précise ne contiendrait pas de désinformation. » Ensuite, les autorités en question n’en ont pas les moyens. Et, sur le fond, Debord explique que la lutte contre la désinformation « s’userait extrêmement vite », en voulant défendre des points « qui doivent au contraire éviter de mobiliser l’attention », car pour lui les autorités « ne sont pas si respectées », et elles ne feraient « qu’attiser la suspicion sur l’information en cause. »
 
Il est donc beaucoup plus profitable pour l’Etat, selon Guy Debord, de dénoncer une désinformation, non pas par une loi générale mettant en place des structures de contrôle permanentes et lourdes, mais plutôt au coup par coup. C’est pourquoi, il voyait dans cette tentative d’instaurer un label « à du médiatique garanti « sans désinformation », « sans doute une erreur », à moins plutôt, disait-il, que ce ne soit « un leurre délibéré. »
 
Il n’est pas impossible que les semaines qui viennent nous le confirment.
 
Au final, le fondateur du situationnisme rappelait que, du point de vue des dirigeants de l’Etat, celui qui lance la désinformation « est coupable », et que celui qui la croit, est « imbécile.»
 
En termes plus prudents, c’est presque un hommage que lui a rendu lundi, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, en confirmant qu’en matière de fake news « la capacité de discernement des citoyens ne suffit plus. »(3) Et ce jugement sur la « capacité de discernement » en baisse chez les citoyens, pourrait bien être également l’une des raisons pour laquelle le débat fait rage.
 
Jean-Jacques Régibier / vendredi 8 juin 2018
 
(1) Il faut rappeler que ce que Debord entend par « société du spectacle » n’a rien à voir ni avec la musique, ni avec le théâtre, la danse, une manifestation sportive, ou la télé. Dans sa terminologie, le « spectacle » désigne « le règne autocratique de l’économie marchande ayant accédé à un statut de souveraineté irresponsable, et l’ensemble des nouvelles techniques de gouvernement qui accompagnent ce règne. » Parmi ces techniques, la manipulation de la catégorie de désinformation occupe pour Debord une place centrale. Folio prépare pour cette année une réédition des « Commentaires. »
 
(2) Pieyre Alexandre Anglade, député LREM devant la commission parlementaire, le 22 mai
 
 
 
(3) Françoise Nyssen, conférence de presse sur la loi sur la manipulation de l’information, lundi 4 juin 2018