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27/11/2023

Liberté de la presse Guerre Hamas-Israël : le journal de gauche «Haaretz» directement menacé par le ministre des Communications de Nétanyahou

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C’est peut-être l’une des dernières digues qui résiste encore aux assauts des extrémistes au pouvoir en Israël. Quotidien de référence pour les lecteurs, dans le monde, qui aspirent à une information courageuse, fiable, et fondée sur une exigence déontologique, Haaretz est aujourd’hui menacé par le gouvernement Netanyahou. 

Shlomo Karhi, ministre ultraorthodoxe des Communications du gouvernement israélien, a proposé de couper les liens commerciaux avec le journal de gauche, en mettant fin à toutes les publicités et abonnements de l’Etat. A ses yeux, «Haaretz» se fait le «porte-voix des ennemis d’Israël».

Il n’en est pas à son coup d’essai. Depuis le massacre du 7 octobre, Shlomo Karhi, le ministre ultraorthodoxe des Communications du gouvernement Nétanyahou, membre du Likoud comme le Premier ministre, tente tout ce qu’il peut pour réduire au silence ceux qui, selon lui, agiraient contre les intérêts d’Israël en plein conflit contre le Hamas. Visant cette fois le quotidien de gauche Haaretz, il a proposé jeudi 23 novembre de couper les liens commerciaux avec le journal en mettant fin à toutes les publicités et abonnements de l’Etat. A ses yeux, Haaretz «sabote Israël en temps de guerre» et se fait le «porte-voix des ennemis d’Israël».

«Si le gouvernement veut fermer Haaretz, c’est le moment de lire Haaretz», a répliqué le patron du journal Amos Schocken. De son côté le syndicat des journalistes israéliens a dénoncé une «proposition populiste dénuée de toute faisabilité ou logique». «Son seul objectif est de recueillir des likes parmi sa base politique aux dépens des journalistes dévoués qui travaillent nuit et jour en ce moment pour couvrir l’actualité», ajoute le communiqué de soutien.

Jake Tapper, un des présentateurs vedettes de CNN, a également apporté son soutien à l’équipe de Haaretz, dénonçant sur X (anciennement Twitter) un projet «sapant la liberté de la presse».

Depuis le début du conflit entre le Hamas et Israël, le ministère des Communications a obtenu par une procédure d’urgence la fin de la diffusion en de la chaîne d’information libanaise Al Mayadeen, associée au Hezbollah, au motif qu’elle porte atteinte à la sécurité nationale. Karhi a aussi tenté de suspendre Al Jazeera, ce que le gouvernement a refusé, notamment en raison des efforts diplomatiques menés par le Qatar pour obtenir la libération des otages israéliens retenus par le Hamas.

«Il est inconcevable qu’à l’heure où nous prenons des mesures contre des chaînes étrangères, un journal israélien puisse continuer à recevoir une part significative de son financement du public israélien alors qu’il sert de porte-voix incendiaire aux ennemis d’Israël», a défendu le ministre dans une lettre transmise au cabinet Nétanyahou.

Source Libération

11:52 Publié dans Actualités, Journal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : haaretz, israël, gaza | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |

08/08/2014

GAZA : MEDIAS FRANCAIS, LE REFUS DE L'HONNETETE ET DE L'OBJECTIVITE !

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Il aura fallu presque un mois de conflit pour que les télévisions et les radios prennent conscience 
du massacre perpétré à Gaza par l’armée israélienne. Et encore…

Après un mois de conflit à Gaza, un constat s’impose : les radios et les télévisions françaises n’arrivent pas à le rapporter. Nul autre conflit sur la planète n’a le droit à cette volonté d’équilibrer à tout prix l’information sur les deux camps. Du 8 juillet au 6 août, les journaux de TF1, France 2 ou BFMTV et les matinales de France Inter et d’Europe 1 ont été scrutés à la loupe.

1 Égalité de traitement entre l’agresseur et l’agressé ?

D’emblée, ce qui choque le plus est sans doute la volonté de tracer un signe d’égalité entre la cinquième armée du monde et une population empêchée de fuir puisque enclavée, qui subit un déluge de bombes. Cette volonté de parité joue à la fois sur le temps consacré à chacune des parties, et aussi sur la volonté de mettre en avant les dommages causés par la guerre des deux côtés de l’enclave palestinienne. Idem pour les reportages diffusés : à la détresse de Gazaouis, qui ont perdu leur famille et leur maison, répondent des images frôlant parfois le mauvais goût. Comme mardi dernier, sur France 2, où le journal s’ouvre sur des images embarquées avec les soldats et deux civils israéliens qui font part de leur ressenti sur la trêve. Le second témoin civil, du fond de son jardin, dit alors, sans être recadré : « On aurait dû frapper encore plus fort, les anéantir. » Soit un appel au génocide, sur une chaîne publique, à 20 heures, même pas souligné par le présentateur, Julian Bugier, ni le reporter. Sous couvert d’une sacro-sainte « neutralité », les chaînes accordent la même importance à une terrasse désertée et à un quartier rasé.

2 Le champ lexical utilisé 
n’est pas anodin.

Il est fréquent que le terme employé pour nommer l’armée israélienne soit « tsahal ». Or, cette désignation est utilisée par les Israéliens avec une connotation « familière et affective », relève le journaliste Akrad Belkaïd. La manier sans recul n’est donc pas anodin. Il n’est jamais non plus, ou presque, fait mention de « territoires occupés », et encore moins, évidemment, de « résistance palestinienne ». Mais de « tunnels » dans Gaza et de « terrorisme du Hamas ». Qui finissent du coup par englober la population civile. De la même façon, toutes chaînes et radios confondues ont repris en chœur, au moment de la disparition d’un soldat israélien, le 1er août, les termes d’« otage » ou d’« enlèvement ». Alors que ledit soldat est par définition un prisonnier de guerre. La disproportion des chiffres est ainsi éludée, aussi, en mettant en avant un cas individuel, face aux 1 800 morts de Gaza. Au mieux, quand le terme « colonisation » est évoqué, comme par une élue marseillaise, le 30 juillet, sur Europe 1, il est tout de suite repris et atténué par une deuxième personne (un autre élu, en l’occurrence). Cela posé, les médias ont été forcés d’évoluer au fur et à mesure qu’arrivaient des images de Gaza : la vidéo des enfants palestiniens tués sur la plage, diffusée pour la première fois sur TF1 le 16 juillet, a ainsi agi en déclencheur. À noter que, pour le coup, le champ lexical pour qualifier les manifestants pro-Palestiniens a évolué à ce moment. Même si l’agresseur reste dans un statut d’agressé, lorsque radios et télévisions reprennent en chœur les communiqués officiels d’Israël.



3La loi du mort/kilomètre 
est la plus forte.

L’été rime souvent avec faits divers et sujets bidon dans les journaux télévisés, et ce mois de juillet n’a pas dérogé à la règle : les sujets d’été sur le parfum des glaces, les chassés-croisés de vacanciers sur les routes ou encore… la pluie font florès. Le phénomène de « la loi du mort/kilomètre », qui veut qu’un mort proche de chez soi émeuve autant que mille aux Antipodes, se ressent encore plus lorsque le public a les pieds en éventail. Les sujets de ce type ont disputé l’ouverture des journaux à Gaza. Avec une prime au week-end dernier, où les bouchons sur les routes de France ont régalé les rédactions de TF1 et France 2. Pire : le mauvais goût. TF1 a ainsi procédé à une incroyable transition mi-juillet : après avoir décompté les morts et des destructions, côté palestinien, le présentateur a enchaîné avec un reportage vantant les mérites de vacances en Israël…

4 Les experts ne se bousculent pas aux micros.

La télévision est friande d’analystes en tout genre. Pour le coup, sur le conflit en cours, elle a été d’une totale discrétion. Jusqu’à jeudi matin, aucune chaîne de radio ou de télévision n’a invité de véritable commentateur, hors Charles Enderlain, sur France 2, qui est journaliste. Au-delà, les intervenants traditionnels sur le conflit ont aussi été boudés. Leïla Chahid intervient bien sur RFI le 21 juillet, mais pas ailleurs. Pour autant, quand elles se décident à sortir de ce mutisme, radios et télévisions font sens : ainsi sur France 24, le 22 juillet, Majed Bamya, diplomate palestinien au ministère des Affaires étrangères, démonte point par point l’argumentaire de l’autre invité, Yaron Gamburg, porte-parole de l’ambassade d’Israël en France. Et raconte surtout la réalité de Gaza.

18/07/2014

Offensive israélienne contre Gaza : les partis pris du traitement médiatique

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Depuis le 8 juillet 2014, une offensive militaire israélienne est en cours contre la bande de Gaza. Au moment où nous écrivons, plus de 240 Palestiniens sont morts sous les bombes israéliennes, tandis qu’un Israélien a été tué par un tir de roquette.

Ces événements donnent lieu à une large couverture médiatique, et nous ne prétendons pas fournir ici un article traitant de manière exhaustive de cette couverture. Dans la presse écrite comme à la radio et à la télévision, certains journalistes font au mieux leur travail et produisent, comme nous le rappellerons parfois, exemples à l’appui, une information de qualité.


Force est toutefois de constater que le traitement médiatique dominant de cette nouvelle séquence du conflit opposant Israël aux Palestiniens demeure prisonnier de bien des travers que nous avons déjà eu l’occasion d’identifier. Il existe ainsi un « bruit médiatique » largement critiquable, qui ne résume pas l’ensemble du travail journalistique mais qui malheureusement l’étouffe ou le fait quasiment disparaître. C’est à ce bruit médiatique et à la tonalité générale qu’il donne à la couverture des événements que nous nous intéresserons ici, en nous concentrant notamment sur les titres de presse écrite et leurs sites internet, tout en allant également parfois chercher des exemples du côté des télévisions.


Nous l’avions déjà souligné dans un précédent article traitant de l’information concernant le Proche-Orient : l’un des principaux biais du traitement médiatique du conflit opposant Israël aux Palestiniens est l’injonction permanente à un traitement « équilibré ». Or cette recherche d’un improbable « équilibre » entre Israël et les Palestiniens, quels que soient les intentions des uns ou des autres, conduit nécessairement à la production d’une information biaisée, incomplète, dépolitisée et, volontairement ou non, orientée.

Une information biaisée

Le biais principal, qui en conditionne bien d’autres, consiste à traiter sur un pied d’égalité, d’une part, un État doté d’institutions stables, d’une économie moderne et comparable à celle des pays occidentaux, d’une armée parmi les plus puissantes et les plus équipées au monde et, d’autre part, un peuple qui ne possède ni État, ni économie viable, ni armée régulière. Ce pseudo-équilibre entretient l’illusion d’un « conflit » entre deux entités qui seraient quasi-équivalentes, alors que ce n’est évidemment pas le cas.

Information biaisée car traiter sur un pied d’égalité un État qui, au regard du droit international, est une puissance occupante – et est régulièrement condamnée comme telle – et un peuple en lutte depuis des décennies pour la satisfaction de ses droits nationaux – consacrés par les résolutions de l’ONU – entretient l’illusion d’un « conflit » entre deux « parties » dont la légitimité, du point de vue du droit, serait quasi-équivalente, alors que ce n’est évidemment pas le cas.

On en arrive ainsi à placer sur un pied d’égalité « Israël » et « Palestine » (parfois « Gaza », ou « le Hamas », nous y reviendrons »), et à oublier totalement le déséquilibre des forces et des légitimités :

Ou encore, dans cet éditorial du directeur délégué de la rédaction de L’Express, Christian Makarian, sobrement titré : « Israël-Palestine : l’enracinement de la haine » : « On mesure à quel point le naufrage des négociations israélo-palestiniennes aboutit à une absence dramatique de perspective : cela donne toute latitude aux énervés du "contre", tandis que les tenants du "pour" n’ont plus de parole. Lorsque la rhétorique du dialogue disparaît, les ultras de chaque bord transgressent toute logique de vie commune et renvoient les dirigeants respectifs à leur impuissance ».

Plus grave encore, l’information est biaisée car, à vouloir à tout prix maintenir un traitement « équilibré », on se concentre quasi-exclusivement sur les éléments et événements dont on peut trouver, ou construire, un équivalent dans chacun des deux « camps ». On se focalise donc sur les « tirs » des uns et des autres, sur les « dommages » provoqués par les tirs, sur la « panique » ou la « terreur » des populations civiles, en essayant d’entretenir l’illusion d’une équivalence de situation qui passe parfois par des constructions rhétoriques absurdes, voire révoltantes. En témoignent ces différents titres, qui ont tous été publiés alors que, à l’exception des trois jeunes Israéliens assassinés en Cisjordanie, seuls des Palestiniens de Gaza avaient été tués depuis le déclenchement de l’offensive israélienne [1] :

Et il est quasiment impossible de compter les reportages télévisés, notamment dans les JT, qui tentent de démontrer que « les deux populations » vivraient dans des situations équivalentes, à l’instar de celui proposé par le 20h de France 2 du 16 juillet, dont le lancement par le présentateur Julian Bugier est un modèle du genre : « Les bombes continuent de pleuvoir des deux côtés et au milieu, les populations civiles, familles, enfants, ce sont eux les premières victimes. Alors comment vivent-elles le conflit, à quoi ressemble leur quotidien ? Nos équipes sont allées sur le terrain, à leur rencontre, à Shuja’Iyya dans la bande de Gaza et à Nir Am, côté israélien. Seulement 8 kilomètres entre les deux villes mais la même peur et la même angoisse ».

On vous le dit : « les mêmes ».

 

Une information incomplète

Le deuxième biais du traitement du conflit opposant Israël aux Palestiniens est lui aussi le produit de l’injonction permanente à l’équilibre : à vouloir traiter de manière symétrique les situations respectives des Palestiniens et d’Israël, on est conduit à oublier, ou à occulter des informations essentielles, sous prétexte qu’elles n’ont pas d’équivalent dans « l’autre camp ». Comme nous l’écrivions il y a deux ans, « un tel traitement médiatique occulte presque totalement ce qui est pourtant l’essentiel de la vie quotidienne des Palestiniens et l’un des nœuds du conflit : l’occupation civile (colonies) et militaire (armée) des territoires palestiniens. Les camps militaires israéliens et les colonies n’ont pas d’équivalent en Israël, pas plus que les centaines de checkpoints qui morcellent les territoires palestiniens, le mur érigé par Israël, les réquisitions de terres et les expulsions, les campagnes d’arrestations, les attaques menées par les colons, les périodes de couvre-feu, les routes interdites sur critère national, etc ».

Dans le cas présent, on relèvera notamment le silence assourdissant concernant le blocus de Gaza, officiellement en cours depuis 2007, et sur la perpétuation de l’occupation et de la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem. Divers titres de presses et « experts » s’entêtent ainsi à vouloir identifier le « moment déclencheur » d’une « nouvelle crise » et, à de rares exceptions près, chacun semble considérer que c’est la disparition et la mort de trois jeunes Israéliens à proximité d’une colonie de Cisjordanie qui permettraient à elles seules de comprendre les ressorts de « l’affrontement » actuel. Comme si, soudain, un coup de tonnerre avait éclaté dans un ciel serein…

Premier exemple, les « infographies » qui prétendent expliquer en « quelques dates » ou « quelques faits », la tragédie actuelle, à l’instar de celle publiée le 8 juillet sur le site de Métro :

« Six dates », donc… Arrêtons-nous sur les trois premières :

Tout aurait donc commencé, le 12 juin, avec la disparition des trois jeunes Israéliens. Ne s’était-il donc rien passé avant ? La situation était-elle « calme » ? C’est ce que cette « chronologie » laisse entendre. Alors qu’évidemment, non. De la grève de la faim des prisonniers palestiniens (avril-juin 2014) à la mort de deux jeunes Palestiniens, tués par l’armée israélienne devant des caméras le 15 mai dernier, lors d’un rassemblement commémorant, comme chaque année, l’expulsion des Palestiniens en 1948, en passant par l’appel d’offre d’Israël, le 5 juin, pour la construction de 1500 logements dans les colonies , les « dates » sont nombreuses. Mais il était sans doute compliqué de les intégrer à la « chronologie », car ces trois événements auraient rappelé que le conflit entre Israël et les Palestiniens a des racines profondes, mais aussi et surtout de tels rappels auraient peut-être imposé de parler des colonies israéliennes, des réfugiés palestiniens et des prisonniers politiques. Or ceux-ci n’ont pas d’équivalent du côté israélien. Il aurait donc fallu rompre avec la logique de l’« équilibre » qui caractérise ces chronologies mutilées.

La deuxième date proposée (le 30 juin, date de la découverte des corps des 3 jeunes Israéliens en Cisjordanie) est elle aussi parlante, non pour ce qu’elle dit mais pour ce qu’elle ne dit pas. Si l’on en croit la chronologie, il ne se serait en effet rien passé de significatif entre le 12 et le 30 juin. Et pourtant, durant cette période, ce sont quatre jeunes Palestiniens qui sont morts sous les balles israéliennes, et plus de 600 Palestiniens, dont 11 députés (parmi lesquels le président du Parlement), qui ont été arrêtés lors d’une vaste opération de l’armée israélienne en Cisjordanie. Pourquoi ne pas le mentionner ? Un simple oubli ou une occultation destinée à éviter de parler d’un sujet sans équivalent possible dans l’autre camp (une campagne massive d’arrestations), qui aurait risqué de rompre le schéma préconçu (mort-représailles-mort-représailles) qui guide cette chronologie sélective ? La réponse est dans la question…

Un exemple exemplaire de l’occultation d’une partie significative, pour ne pas dire essentielle, de la réalité, qui décontextualise totalement les événements en cours et sous-entend que ces derniers se seraient produits dans une période sans « violence » et sans « tension », comme on pourrait également le déduire de la présentation de la « chronologie » proposée par le site francetvinfo : « Va-t-on vers un nouveau conflit ouvert entre Israël et la Palestine, et une occupation de la bande de Gaza ? C’est la crainte des observateurs de la région après la vague de violences et de tensions qui a débuté le 12 juin avec le meurtre de 3 jeunes Israéliens. Mardi 8 juillet, de nouvelles frappes israéliennes ont fait un mort palestinien dans la bande de Gaza. L’armée israélienne se dit prête à toutes les options, y compris une offensive terrestre ».

Ni l’occupation et la colonisation de la Cisjordanie, ni la répression permanente que subissent les Palestiniens, ni le blocus de Gaza ne semblent retenir l’attention des « observateurs ». Et pourtant, les informations sont ou devraient être connues de tous puisqu’elles sont largement disponibles. Qui plus est, de longues pages ou de longues minutes ne sont pas nécessaires pour les mentionner. En témoigne, exemple malheureusement trop rare, un article publié par Benjamin Barthe dans Le Monde, qui rappelle, en quelques lignes, que « l’occupation de la bande de Gaza, contrairement à ce qu’affirme Israël, n’a pas pris fin avec le départ du dernier de ses soldats, le 11 septembre 2005. Comme le rappelle opportunément l’ONG israélienne Gisha sur son site Internet, l’Etat hébreu continue de contrôler des pans entiers de la vie des Gazaouis : le registre d’état civil, les eaux territoriales, l’espace aérien et l’unique terminal commercial. (…) De cet état de fait, la plupart des experts en droit international ont conclu que la bande de Gaza est toujours sous occupation. C’est la position officielle des Nations unies. Un tel statut requiert de l’occupant qu’il assure le « bien-être » de la population occupée. Mais à ces obligations, Israël s’est constamment soustrait. Grâce au renfort de l’Egypte du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, farouchement hostile au Hamas, et à l’apathie de la communauté internationale, le bouclage de Gaza s’est même aggravé. Selon le bureau des statistiques palestinien, le taux de chômage pour les jeunes de 15 à 29 ans y a atteint 58 % durant le premier semestre de cette année. 70 % de la population dépend des distributions d’aide humanitaire pour sa survie ».

Ce contexte, chacun en conviendra, éclaire sous un autre jour les récents « événements » (entre autres les discussions autour des conditions d’une « trêve », nous y reviendrons) et permet d’éviter les fâcheuses conséquences, en ce qui concerne la qualité de l’information, de l’improbable équilibrisme. Un moyen aussi d’éviter le troisième écueil de l’injonction à la symétrie : la dépolitisation du conflit opposant Israël aux Palestiniens, que nous avions caractérisée dans l’article déjà cité plus haut comme le « syndrome de Tom et Jerry ».

 

Une information dépolitisée

Nous écrivions alors : « Tom et Jerry, célèbres personnages de dessins animés, sont en conflit permanent. Ils se courent après, se donnent des coups, construisent des pièges, se tirent parfois dessus et, quand ils semblent se réconcilier, ils sont en réalité en train d’élaborer de nouveaux subterfuges pour faire souffrir l’adversaire. Le spectateur rit de bon cœur, mais il reste dans l’ignorance : il ne sait pas pourquoi ces deux-là se détestent, on ne lui a jamais expliqué pourquoi Tom et Jerry ne peuvent pas parvenir à une trêve durable, voire une paix définitive ».

Dans le traitement médiatique dominant, Israël et les Palestiniens ressemblent, à bien des égards, à Tom et Jerry, accumulant les « attaques », les « ripostes » et autres « représailles », sans que l’on sache trop pourquoi. La couverture se focalise sur l’enchaînement des événements « spectaculaires », sans questionner et expliciter les causes profondes ou les dynamiques à long ou moyen terme. L’information est ainsi décontextualisée, déshistoricisée et dépolitisée. On évoque ainsi, à la une du Monde (voir plus haut), une « guerre sans fin » (et donc sans cause ?). Autre version avec Libération, où l’on apprend que tout ceci ne serait qu’une histoire de vengeance :

Jean Guisnel, dans un éditorial du Télégramme publié le 12 juillet , assume qu’il est vain d’essayer d’y comprendre quoi que ce soit : « Dans cet effroyable cycle de la provocation et de la répression, la question n’est même plus de savoir qui a allumé la mèche. Que trois jeunes Israéliens soient assassinés froidement, c’est abominable. Qu’un jeune Palestinien soit, en rétorsion, contraint d’avaler de l’essence à laquelle ses ravisseurs, en kippa, ont mis le feu, cela dépasse l’entendement ! À ce niveau de haine, les deux peuples acteurs de cette guerre sans fin n’ont besoin que de dialogue et de calme ».

Est-il venu à l’esprit de l’éditorialiste du Télégramme (et de nombre de ses confrères qui tiennent peu ou prou les mêmes propos), que si la solution résidait simplement dans le « dialogue et le calme », il y aurait bien longtemps que le conflit entre Israël et les Palestiniens serait résolu ? Ne pense-t-il pas qu’il existe des causes profondes et que les appels au « calme » et au « dialogue », quand bien même ils seraient sincères et généreux, n’auront de sens que si l’on s’attaque aux racines du conflit, à savoir l’occupation et la colonisation de la Palestine, sans quoi ils seront vains ? Jean Guisnel et ses confrères croient-ils réellement que « les violences » sont irrationnelles et qu’il suffit de dire « stop » pour qu’elles cessent ? Peut-être ne le croient-ils pas, mais c’est en tout cas ce qu’ils laissent entendre à leurs lecteurs, ce qui est, au mieux, de l’incompétence et, au pire, de la malhonnêteté.

Certains vont même encore plus loin dans la dépolitisation en y ajoutant une dose de mépris qui n’aide pas, lui non plus, le lecteur. Ainsi en va-t-il de ce courageux éditorialiste anonyme du Monde qui, le 10 juillet, « explique » : « Le gouvernement de Benjamin Nétanyahou promet de maintenir son opération tant que des roquettes seront tirées sur Israël ; le Hamas jure qu’il y aura des tirs tant que Gaza est bombardée par Israël… Si l’affaire n’était pas aussi grave, on parlerait de stratégie de cour de récréation ». « Une stratégie de cour de récréation ». Une fois de plus, Tom et Jerry ne sont pas loin.

Et on s’épargnera de commenter ce titre trouvé sur le site de BFMTV, symptôme de la dépolitisation du conflit entre Israël et les Palestiniens et de l’indécence de certains médias :

Le mot indécence étant peut-être faible lorsque l’on sait que deux jours plus tard, c’est ce titre que l’on découvrait sur le même site internet :

Misère….

 

Une information orientée

Information biaisée, information incomplète, information dépolitisée… autant de travers caractéristiques du bruit médiatique dominant, qui conduisent finalement nombre de journalistes et de médias à adopter, au nom souvent de la prétendue recherche d’un « équilibre » et d’une bienveillante « neutralité », une posture résolument orientée du côté du récit israélien. Il ne s’agit pas de dire ici que « les médias » ou « les journalistes » seraient « pro-Israël », ni même d’affirmer que cette posture partisane serait consciente ou volontaire pour la majorité d’entre eux. Il s’agit bien d’affirmer que les travers identifiés ci-dessus conduisent, naturellement, à favoriser Israël dans le traitement médiatique.

Exemple typique avec le traitement dominant de la vraie-fausse « trêve » du 15 juillet, sur proposition égyptienne. Les titres ont été d’une infinie variété :

Signalons cette amusante variante proposée par Ouest-France :

En résumé, chacun aura compris que « le Hamas » a « refusé » la « trêve » alors qu’Israël l’avait « acceptée ». Questions : quelles étaient les conditions de la trêve ? Pourquoi le Hamas l’a-t-il refusée ? Pour la plupart des articles dont nous venons de citer les titres, les explications sont plutôt… laconiques. Sur les conditions de la trêve, à peu près rien. Sur les raisons du refus du Hamas, à peu près pas grand chose.

Ainsi, sur le site MyTF1.news : « Au neuvième jour du conflit qui l’oppose à Israël, le mouvement palestinien a, sans surprise, opposé une fin de non-recevoir à un éventuel cessez-le-feu. Sur le terrain, les raids israéliens s’intensifient. Comme mardi, le Hamas a de nouveau officiellement informé l’Egypte mercredi qu’il rejetait sa proposition de cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Cette décision, sans surprise, implique la poursuite du conflit entre Israël et le mouvement islamiste ». C’est tout ? C’est tout.

Notons toutefois qu’une dépêche AFP publiée dans la journée du 15 juillet, et de laquelle semble s’être inspirés la plupart des sites d’information, précise un peu les choses : « Le Hamas exige l’arrêt des bombardements, la fin du blocus de Gaza en place depuis 2006, l’ouverture du poste-frontalier de Rafah avec l’Egypte et la libération des prisonniers arrêtés de nouveau après avoir été relâchés dans le cadre de l’accord d’échange du soldat israélien Gilad Shalit en 2011 ».

Dont acte ? Ou pas. Et nous touchons ici aux conséquences du traitement biaisé, incomplet et dépolitisé que nous évoquions plus haut. Que viennent soudain faire le blocus de Gaza et la libération des prisonniers dans cette affaire ? Ne s’agissait-il pas juste d’échanges de tirs et d’une « escalade meurtrière » qui avait débuté le 12 juin avec la disparition des 3 jeunes Israéliens ? Les exigences du Hamas, lorsqu’elles sont (succinctement) exposées, apparaissent comme étant hors de propos, eu égard au récit et au bruit médiatique dominants, et surtout personne ne prend le soin de réellement les expliciter, à l’exception de quelques articles comme celui publié par Pierre Puchot sur Mediapart, qui fournit des éléments de contextualisation et des explications permettant d’aller au-delà de l’idée d’un « refus de la trêve » par le Hamas et de comprendre les raisons qui ont poussé le Hamas à rejeter « cette » trêve.

Dans cette affaire, le Hamas apparaît donc comme celui qui refuse d’arrêter les combats, tandis qu’Israël, que l’on fait apparaître (volontairement ou non) comme étant de « bonne volonté », en sort grandi.

Autre exemple de ce parti pris qui est avant tout, rappelons-le, une conséquence ou un « dommage collatéral » des travers identifiés ci-dessus, le glissement sémantique qui s’opère lorsqu’il s’agit de nommer les acteurs des événements en cours. Si l’on tient compte de l’ensemble des coordonnées de la situation, l’offensive israélienne contre la bande de Gaza est un épisode violent du conflit opposant Israël aux Palestiniens. Ce conflit existe en Cisjordanie, à Jérusalem, à Gaza et en Israël même, comme l’ont par exemple récemment montré les épisodes violents qui ont suivi la disparition des trois jeunes Israéliens et, a fortiori, la découverte de leurs corps.

Mais dans le cas qui nous préoccupe, et probablement en raison des mécanismes de dépolitisation, l’offensive israélienne contre Gaza est devenue, souvent, une guerre Israël-Gaza, visiblement déconnectée du conflit « global » qui oppose Israël aux Palestiniens.

Parfois même, l’offensive israélienne contre Gaza est devenue un affrontement Israël-Hamas :

La réduction d’un conflit global entre Israël et les Palestiniens à un affrontement entre « Israël » et « Gaza » est déjà problématique en soi. Si demain l’Italie bombardait la Corse, parlerait-on d’un affrontement entre l’Italie et la Corse ou d’un affrontement entre l’Italie et la France ? Cette réduction accompagne en réalité, consciemment ou non, la rhétorique et la politique israéliennes visant à séparer le sort de Gaza de celui de la Cisjordanie et des Palestiniens d’Israël. Il ne s’agit donc pas d’une simple erreur d’appréciation ou d’un mauvais choix dans les termes, mais bel et bien d’un accompagnement des positions israéliennes.

Le glissement consistant à parler d’un affrontement entre « Israël » et « Hamas » est encore plus critiquable. En premier lieu, parce que le Hamas n’est pas la seule force politique présente à Gaza, loin de là, et qu’il n’est pas le seul à avoir, ces derniers jours, lancé des roquettes vers Israël. En deuxième lieu, parce que le Hamas, et ce quelles que soient les critiques que l’on peut formuler à l’égard de sa stratégie ou de ses positions et projets politiques, est le parti qui a obtenu la majorité des suffrages lors des dernières élections législatives, et ne peut en aucun cas être considéré comme un groupe isolé du reste de la population palestinienne. Enfin, la rhétorique du « conflit Israël-Hamas » occulte un pan essentiel de la réalité : le conflit n’oppose pas Israël et le Hamas, un groupe politique avec ses orientations et ses pratiques, mais Israël et les Palestiniens, un peuple avec ses droits nationaux.

 

***

Que ce soit lors de l’épisode de la première « trêve » ou lorsque l’on s’intéresse à la qualification de l’offensive en cours, on se rend donc compte que les biais et travers médiatiques liés à la volonté revendiquée de traiter de manière « équilibrée » une situation asymétrique débouchent sur une occultation des tenants et aboutissants réels du conflit, assimilable à une malinformation, voire une désinformation. À force de vouloir simplifier à outrance, on gomme en effet les causes profondes du conflit, on « évite » toutes les informations qui pourraient renvoyer à ces causes profondes et on fournit, à l’arrivée, une information qui n’en est pas une et qui n’offre aucune clé de compréhension au lecteur, au téléspectateur ou à l’auditeur.

Le bruit médiatique général donne en réalité à lire, à entendre ou à voir une « guerre sans fin », au sein de laquelle les torts seraient partagés, les populations civiles victimes des mêmes politiques, et les « extrémistes » responsables de tous les maux. Le déséquilibre des forces et des légitimités est largement étouffé au nom d’une prétendue « neutralité » se manifestant par la revendication d’un traitement « équilibré » qui, dans une situation telle que celle du conflit opposant Israël aux Palestiniens, conduit à un accompagnement, voire une légitimation du récit israélien.

On en oublierait presque en effet que Jérusalem, la Cisjordanie et Gaza sont, selon la légalité internationale, sous occupation, que les colonies israéliennes s’étendent chaque jour un peu plus, que plus de 5 000 prisonniers politiques sont détenus par Israël, que plusieurs millions de réfugiés palestiniens vivent toujours dans des camps et que le peuple palestinien continue de revendiquer ses droits, consacrés par la légalité internationale. Ne serait-il pas de la responsabilité des médias de nous en informer, y compris et notamment lors des épisodes comme celui de l’offensive israélienne contre Gaza ?

Julien Salingue pour Acrimed

PS : Ce texte a été rédigé avant le début de l’offensive terrestre engagée par l’armée israélienne dans la nuit du 17 au 18 juillet, dont le traitement médiatique semble malheureusement confirmer les tendances décrites dans cet article.

16/07/2014

Plaidoyer sémantique pour Israël

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Un citoyen bien informé en veau deux. Je lis tous les journaux qui arrivent jusqu'au désormais Royaume du Béarn, j'écoute télés et radios, et je vous l'assure, rien ne vaut le pluralisme consensuel. Nous avons de la chance, en France, de n'avoir ni parti unique, ni médias clonés, ni pensée unique, ni journalistes perroquets, ni politologues chiens de garde, ni président lécheur de bottes de Washington qui félicite les va-t-en guerre...

La France, quoi! Celle des Lumières, celle la Commune de Paris, de la Résistance, de l'antifascisme, de Zola, de Jaurès, de Voltaire, de Hugo, de Louise Michel, de Rol-Tanguy...

J'en ai assez que l'on accuse à tort et unilatéralement le gouvernement israélien. La sémantique le dément. Israël n'attaque pas, n'agresse pas, ne bombarde pas, ne viole pas le droit international, ne se fout pas de l'ONU, n'écrase pas les populations civiles de Gaza. Face à l'ogre terroriste palestinien, qui dispose de l'arme nucléaire, le petit Poucet israélien:

se défend

réplique chirurgicalement

vise les "islamistes"

repousse les barbares

contre-attaque

agit par légitime défense

répond au coup par coup

réagit contre l'agression

rend la pareille

assure sa sécurité

oppose le droit à ceux qui le bafouent

protège ses citoyens

diffère le recours à des armes de destruction massive

garantit la paix

pourfend les terroristes

affronte les intolérants

se venge des tirs de rockets

résiste à l'occupation

réfute la violence aveugle

gradue les ripostes

s'arme pour respecter les résolutions de l'ONU

téléphone avant de tuer des enfants

œuvre à sa survie et à une solution pacifique au Moyen-Orient

 

Malheur à qui ne décode pas une sémantique instrumentalisée!

Malheur à celui qui ne sait pas appliquer la bonne grille de lecture!

Malheur à celui qui se contente de la désinformation partisane et lénifiante!

Malheur aux citoyens moutons malgré eux!

Chronique de l'universitaire Jean Ortiz

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14:18 Publié dans Actualités, Eclairage, Journaliste | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : informations, france, israël | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |