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27/08/2025

Abattus "comme des mouches" : comment une unité secrète israélienne traque les journalistes de Gaza

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L'armée israélienne utiliserait une unité secrète pour façonner le discours autour de Gaza, présentant les reporters palestiniens comme des agents du Hamas afin de justifier ses frappes. Une tactique qui, selon les experts, vise à contrôler l'information dans cette guerre, qualifiée de "pire conflit jamais connu pour les journalistes". 

La guerre à Gaza, Israël ne la mène pas qu'à l'aide de drones, de chars et de frappes aérienne. Mais aussi à coups de mot, de vidéo et de récit soigneusement élaborés.

Au cœur de cet effort, la mystérieuse "cellule de légitimation", unité de communication de l'armée israélienne, est chargée de façonner la perception internationale du conflit.

Selon le média indépendant israélien +972 Magazine, la mission de cette cellule est claire : passer au crible la vie des journalistes morts et vivants à la recherche de la moindre trace de liens avec le Hamas, aussi ténue soit-elle, afin de justifier leur assassinat.

Ces dernières semaines, plus d'une douzaine de journalistes ont été tués lors de frappes israéliennes à Gaza, mettant en évidence ce que les analystes décrivent comme une stratégie militaire délibérée visant à criminaliser le reportage palestinien.

"La tâche principale de la 'cellule de légitimation' est de discréditer le travail des journalistes palestiniens et de fournir une excuse pour les tuer", explique le politologue Ahron Bregman.

Elle surveille ainsi les reportages provenant de Gaza et diffuse des contre-discours sur les réseaux sociaux et les ondes internationales. Par ailleurs, elle présente souvent les journalistes palestiniens comme des agents du Hamas, une affirmation que les défenseurs de la presse et les analystes jugent pour le moins fragile.

"Les liens qu'Israël établit entre les journalistes palestiniens et le Hamas sont souvent ténus, mais dans le cadre de la guerre de Hasbara menée par Israël [terme désignant la stratégie de communication menée par l’État hébreu en direction de l’étranger, NDLR], ils suffisent à justifier leur assassinat", ajoute Ahron Bregman.

Une guerre des récits

Cette stratégie s'est manifestée dans plusieurs affaires très médiatisées. Début août, le correspondant d'Al Jazeera Anas al-Sharif a été tué avec quatre de ses collègues lors d'une frappe près de l'hôpital al-Shifa de Gaza.

L'armée israélienne a alors diffusé des documents affirmant qu'il était un agent du Hamas depuis 2013. Pourtant, si l'on en croit ces documents, son dernier contact avec le Hamas remontait à 2017, soit plusieurs années avant la guerre actuelle.

Âgé de 28 ans, Anas al-Sharif avait passé des mois à couvrir le nord de la bande de Gaza, rendant compte de la famine et des frappes aériennes incessantes. "Je n'ai jamais hésité un seul jour à transmettre la vérité telle qu'elle est, sans déformation ni falsification", écrivait-il dans un message rédigé avant sa mort.

Une tactique similaire a été employée après l'assassinat du journaliste Ismaïl al-Ghoul, et de son caméraman, en juillet 2024.

Quelques semaines plus tard, l'armée l'a qualifié de "terroriste Nukhba" – une branche des forces spéciales du Hamas –, en citant un document de 2021 qui aurait été récupéré sur un ordinateur du Hamas. Mais ce même document indiquait qu'il avait été intégré en 2007, alors qu'Ismaïl al-Ghoul n'avait que dix ans.

Les tactiques de la cellule de légitimation sont "alarmantes", s'inquiète auprès de France 24 un journaliste à Gaza, qui a souhaité garder l'anonymat. Selon lui, elles mettent la vie des reporters en danger en les associant à des groupes armés.

"Nous travaillons déjà dans la peur constante des frappes aériennes, de la perte de collègues, du silence. Aujourd'hui, la menace touche également notre réputation, nous privant du soutien et de la protection de la communauté internationale", poursuit le journaliste.

"Il s'agit d'un effort systématique visant à délégitimer nos voix et à empêcher la vérité sur Gaza d'atteindre le monde. Nous sommes présentés comme des cibles, et non comme des professionnels rapportant les faits."

En 2024, l'organisation Forbidden Stories, qui rassemble des journalistes du monde entier, a enquêté sur le meurtre de près d'une centaine de reporters palestiniens par l'armée israélienne dans le cadre de son projet Gaza.

"L'armée israélienne participe à la désinformation autour des journalistes pour laisser penser que tous les journalistes qui opèrent sur place sont des agents du Hamas", explique à France info le directeur du consortium, Laurent Richard.

"Dans un premier temps, ça consiste à lancer des rumeurs, des infos par des sites qui sont très proches du gouvernement et qui vont expliquer que tel ou tel journaliste est en réalité un terroriste. Et quelques semaines ou mois plus tard, le journaliste se retrouve ciblé par un drone. Il sera blessé ou tué."

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"Le pire conflit pour les journalistes"

Lundi, Israël a frappé à deux reprises l'hôpital Nasser, principal hôpital du sud de Gaza, tuant au moins 20 personnes, dont six journalistes, selon les autorités. Reporters sans frontières (RSF) a condamné ces frappes, les qualifiant d'"élimination progressive de l'information à Gaza" par Israël, et a appelé à la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies.

"Jusqu’où iront les forces armées israéliennes dans leur entreprise d’élimination progressive de l’information à Gaza ? Jusqu’à quand défieront-elles le droit international humanitaire ?", a déclaré Thibaut Bruttin, directeur de RSF.

Les observateurs des médias estiment qu'environ 200 journalistes ont été tués en près de deux ans de combats entre Israël et le Hamas, faisant de Gaza le conflit le plus meurtrier pour cette profession dans l'histoire moderne. En avril, le Watson Institute de l'université Brown l'a décrit comme "le pire conflit jamais connu pour les journalistes".

"Israël abat les journalistes palestiniens comme des mouches", affirme Ahron Bregman. "La méthode israélienne est simple : ils autorisent l'entrée dans la bande de Gaza des journalistes et des influenceurs qui, selon eux, soutiendront le discours israélien, et réduisent au silence – souvent à coups de balle – ceux qui contredisent ce discours."

"Un immense problème démocratique d'accès à l'information"

Outre le cas d'Anas al-Sharif, Israël se défend de viser intentionnellement les journalistes, affirmant que les frappes aériennes ciblent uniquement les militants et les infrastructures militaires. L'armée israélienne n'a, quant à elle, pas répondu aux demandes de commentaires sur l'existence ou les activités de la cellule de légitimation.

Après la frappe, lundi, contre l'hôpital Nasser, le chef d'état-major de l'armée a ordonné une enquête préliminaire, soulignant que l'armée israélienne "ne vise en aucun cas les journalistes en tant que tels".

Mais pour les groupes de défense de la liberté de la presse, le schéma est clair : les journalistes sont diffamés en tant que militants du Hamas, puis tués lors de frappes justifiées par ces mêmes allégations. Pour Ahron Bregman, c'est une question de contrôle de l'information, et non d'une nécessité militaire.

"Tout cela relève de la Hasbara et du contrôle du discours qu'Israël veut faire croire au monde. Cela n'a rien à voir avec la sécurité et les opérations militaires", ajoute le politologue.

L'État hébreu étend son contrôle sur le récit de Gaza au-delà de la zone de conflit, réglemente strictement les reportages étrangers en n'autorisant l'accès qu'aux journalistes intégrés à ses forces.

"C'est l'une des rares fois dans l'histoire moderne qu'un conflit de cette ampleur ne peut être couvert et raconté par des journalistes qui veulent s'y rendre", déplore Laurent Richard. "Qu'un pays refuse l'accès à des journalistes étrangers à une zone de guerre, c'est un immense problème démocratique d'accès à l'information."

La cellule de légitimation est plus qu'un simple outil de relations publiques. Elle incarne la militarisation de l'information, où chaque mot, chaque image ou chaque reportage sont examinés comme une menace potentielle. Dans ce contexte, les journalistes ne sont pas seulement des messagers, mais deviennent des cibles.

"Être journaliste ne devrait pas faire de nous des cibles", affirme à France 24 le reporter palestinien sous couvert d'anonymat. Mais malheureusement, l'armée israélienne tente de nous étiqueter comme tels, traumatisant à la fois le public et les reporters eux-mêmes."

Source France 24

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10/01/2025

Comment les journaux français couvrent la guerre à Gaza

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En dépit d’un bilan humain effroyable, le récit de la guerre à Gaza fait par les grands titres vendus en kiosques tend à invisibiliser les victimes du côté palestinien. L’Humanité a mené l’enquête en collaboration avec l’ONG Techforpalestine en analysant 13 394 articles consacrés au conflit publiés dans cinq journaux français... dont l'Humanité.

« Les gens ont peur, c’est l’omerta », affirmait la journaliste du Figaro Eugénie Bastié dans sa dernière « enquête » dénonçant le supposé prisme pro-Palestiniens du journal le Monde dans sa couverture de la guerre à Gaza. Pourtant, en dehors des polémiques entretenues par la droite et l’extrême droite, rien ne permet d’affirmer que la presse française se soit émue du sort des Palestiniens depuis le 7 octobre 2023.

Grâce au travail de l’ONG Techforpalestine et de son outil Media Bias Meter, nous avons pu analyser les données d’un corpus de 13 394 articles consacrés au conflit par des journaux français : l’Humanité, Libération, le Monde, le Figaro et le JDD. Et, loin des obsessions de certains de nos confrères, on peut en conclure que la presse française ne se distingue vraiment pas par un engagement en faveur des Palestiniens.

Depuis le 7 octobre, la riposte d’Israël aux attaques meurtrières du Hamas a été abordée avec distance. Malgré l’ampleur des destructions et le lourd bilan humain – 46 738 morts confirmés, en date du 8 janvier –, les rédactions ont fait état du conflit en invisibilisant les premiers concernés : les Palestiniens.

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« Une sorte de masse indistincte »

En filtrant les articles de chaque journal avec les termes « Palestiniens » et « Palestiniennes », on découvre qu’ils figurent dans moins de la moitié des articles sur la guerre en cours. Dans le Monde, l’Humanité et Libération, la part des articles mentionnant les Palestiniens est respectivement de 47 %, 41 % et 37 %. Pour le Figaro, cette même part tombe à 28 %, soit 19 points de moins que le Monde, 13 points de moins que l’Humanité et 9 points de moins que Libération. Mais c’est dans le JDD que cette invisibilisation est la plus flagrante, avec seulement 21 % des articles sur la guerre à Gaza mentionnant les Palestiniens.

À l’inverse, le JDD mentionne les Israéliens dans 32 % des articles, soit près d’un tiers, et surtout 11 points de plus que pour les Palestiniens. On retrouve une configuration similaire dans les pages du Figaro, de Libération et du Monde, avec respectivement 33 % (+ 5 points par rapport aux Palestiniens), 46 % (+ 8 points) et 50 % (+ 3 points). Dans l’Humanité, les Israéliens sont mentionnés dans 35 % des articles, soit 6 points de moins que les Palestiniens.

Invisibilisation du massacre de la population palestinienne

« On est dans un huis clos, il est très difficile de donner un visage et de faire entendre la voix des personnes qui subissent la guerre. Donc, on a une impression un peu vague, comme une sorte de masse indistincte », analyse Nathalie Godard, directrice de l’action d’Amnesty International en France. Outre l’invisibilisation du massacre de la population palestinienne, cet élément soulève d’autres remarques sur ce récit médiatique.

« Consciemment ou non, cet angle mort lexical accompagne symboliquement l’entreprise de dilution, pour ne pas dire de destruction, de l’identité nationale palestinienne menée depuis des décennies par l’État d’Israël », souligne Pauline Perrenot, journaliste à Acrimed, association spécialisée dans la critique des médias.

Une autre opération menée de longue date par l’État israélien est elle aussi passée sous les radars : la colonisation des territoires occupés. Si l’on retrouve le terme de « colonisation » dans 10 % des articles de l’Humanité et dans 7 % de ceux du Monde, il n’est présent que dans 4 % des pages du JDD consacrées au conflit et dans 2 % de celles de Libération et du Figaro. « En proportion de ce qui est écrit sur la guerre, on est largement en deçà de ce qui était écrit auparavant sur le sujet », analyse Dominique Vidal, journaliste et historien.

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La guerre à Gaza n’a pas stoppé la colonisation

Sauf que la guerre à Gaza n’a pas stoppé la colonisation, bien au contraire. 1 746 attaques de colons ont été recensées entre le 7 octobre et le 3 janvier. Encouragées par les discours racistes et suprémacistes des ministres israéliens d’extrême droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, elles ont coûté la vie à 791 Palestiniens.

Quant au génocide, désormais reconnu par des organisations telles qu’Amnesty International, Médecins sans frontières ou Human Rights Watch, le manque d’attention médiatique est encore plus flagrant. En ne conservant que les articles publiés à partir du 26 janvier 2024, date à laquelle la Cour internationale de justice met en garde contre le risque d’un génocide à Gaza, on découvre que trois des cinq journaux analysés ont évoqué le terme dans moins de 10 % de leurs écrits sur le conflit.

La part est de 6 % pour le Figaro, 7 % pour Libération et 8 % pour le JDD. Si elle dépasse les 10 % dans les colonnes de l’Humanité et du Monde, elle reste faible. Pour le premier, elle s’établit à 18 %, soit trois fois plus que le Figaro. Dans le quotidien du soir, elle est de 11 %.

Pour Pauline Perrenot, il est clair qu’avant la date du 26 janvier le génocide n’a pas « fait l’agenda », bien que le terme ait pourtant été très vite utilisé par les Palestiniens eux-mêmes ainsi que par certains chercheurs, intellectuels ou juristes.

Une entreprise de disqualification quasi systématique

« L’augmentation des occurrences dans une partie de la presse ne signifie pas, pour autant, que la médiatisation ait été à la hauteur d’un événement pourtant historique », analyse la journaliste. Une bonne partie des occurrences peuvent en effet être rattachées à l’entreprise de disqualification quasi systématique des acteurs évoquant le génocide. Entreprise qui s’est surtout déployée dans les médias audiovisuels, mais également dans la presse par le biais de tribunes et d’éditoriaux.

Cette disqualification, Amnesty International en a fait les frais, et ce même avant la publication de son rapport sur le génocide rendu public le 4 décembre 2024. « Après le 7 octobre, nous avons essayé de traiter les choses avec du factuel et de l’analyse juridique (…) dans un moment où c’était d’abord l’émotion et la polarisation qui prenaient le dessus sur tout le reste, raconte Nathalie Godard. Nous subissions des attaques extrêmement fortes avec un système récurrent : un éditorial qui nous critiquait pour l’emploi ou non d’un terme, puis un autre qui ne vérifiait pas le premier. » Le tout amplifié par des centaines de partages sur les réseaux sociaux.

Contribuer à la « fabrique du consentement au génocide »

En plus de les invisibiliser, la presse entretient un double standard au sujet des Palestiniens. Quand les morts israéliens font la une des quotidiens, les morts palestiniens tiennent en un chiffre en bas de page. Quand on ne compte plus les séries de portraits des victimes du Hamas, le bilan des victimes palestiniennes est mis en doute. Quand le 7 octobre représente l’horreur absolue car des civils sont tués, les hôpitaux gazaouis remplis de femmes et d’enfants sont bombardés car des membres du Hamas s’y cachent.

Ce deux poids deux mesures s’explique notamment par une focalisation sur les attaques du 7 octobre. Comme si le temps s’était arrêté à ce moment-là, et que rien de ce qui s’est produit par la suite ne pouvait être plus horrible.

À l’exception de l’Humanité, on retrouve les termes « 7 » et « octobre » en tête des collocations (association fréquente de deux éléments dans un discours) du mot « massacre » dans tous les journaux étudiés. Ce terme de « massacre » est associé au terme « juifs » dans les 10 premières collocations du journal le Monde, et le plus souvent à celui d’« antisémite » dans le Figaro et le JDD.

« Nous combattons des animaux humains »

« À de rares exceptions près, le récit du 7 octobre domine dans le discours médiatique », analyse Dominique Vidal. Or, comme le rappelle ce spécialiste du conflit israélo-palestinien, les signes du déchaînement aveugle de la violence israélienne sont visibles dès le surlendemain.

« Nous combattons des animaux humains », déclarait le ministre de la Défense, Yoav Gallant, dans son discours du 9 octobre, promettant par la même occasion qu’il n’y aurait « pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau » à Gaza.

« On a affaire à un naufrage persistant de la plupart des médias dominants, lesquels auront tout de même amplement participé, par leurs partis pris et leurs silences, à la fabrique du consentement au génocide », conclut Pauline Perrenot.

Bombarder les écoles et les hôpitaux, affamer la population, bloquer l’aide humanitaire, torturer les prisonniers ou bien encore utiliser les Palestiniens comme boucliers humains… rien, rien de tout ça n’aura suscité une émotion médiatique comparable à celle du 7 octobre.

Sources et méthodologie

Pour réaliser cette enquête, l’Humanité a analysé 13 394 articles de presse. Dans le détail : 2 827 de l’Humanité, 2 408 articles de Libération, 2 668 articles du journal Le Monde, 3 788 articles du Figaro et 1 703 articles du JDD. Ce corpus regroupe les articles, éditoriaux, tribunes et brèves de direct concernant la guerre à Gaza entre le 7 octobre 2023 et le 11 octobre 2024. Il nous a été fourni par l’ONG Techforpalestine et a fait l’objet de plusieurs nettoyages basés sur une liste de mots clés avant l’analyse statistique.

Grâce à leur outil d’analyse (Media Bias Meter) nous avons pu calculer les occurrences de plusieurs termes (Palestiniens, israéliens, génocide…) et le nombre d’articles correspondant afin de calculer des parts en pourcentage. Les collocations de termes ont ensuite été calculées grâce au logiciel opensource VoyantTools.

Cette analyse statistique s’inscrit dans une démarche quantitative. Les données de cette enquête mettent en lumière un phénomène global dans le récit médiatique. Elles ne permettent pas d’expliciter un phénomène qualitatif sur une sélection réduite des articles.

20:04 Publié dans Actualités, Dossier, Eclairage, Journal, Journaliste | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gaza, médias | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |

27/11/2023

Liberté de la presse Guerre Hamas-Israël : le journal de gauche «Haaretz» directement menacé par le ministre des Communications de Nétanyahou

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C’est peut-être l’une des dernières digues qui résiste encore aux assauts des extrémistes au pouvoir en Israël. Quotidien de référence pour les lecteurs, dans le monde, qui aspirent à une information courageuse, fiable, et fondée sur une exigence déontologique, Haaretz est aujourd’hui menacé par le gouvernement Netanyahou. 

Shlomo Karhi, ministre ultraorthodoxe des Communications du gouvernement israélien, a proposé de couper les liens commerciaux avec le journal de gauche, en mettant fin à toutes les publicités et abonnements de l’Etat. A ses yeux, «Haaretz» se fait le «porte-voix des ennemis d’Israël».

Il n’en est pas à son coup d’essai. Depuis le massacre du 7 octobre, Shlomo Karhi, le ministre ultraorthodoxe des Communications du gouvernement Nétanyahou, membre du Likoud comme le Premier ministre, tente tout ce qu’il peut pour réduire au silence ceux qui, selon lui, agiraient contre les intérêts d’Israël en plein conflit contre le Hamas. Visant cette fois le quotidien de gauche Haaretz, il a proposé jeudi 23 novembre de couper les liens commerciaux avec le journal en mettant fin à toutes les publicités et abonnements de l’Etat. A ses yeux, Haaretz «sabote Israël en temps de guerre» et se fait le «porte-voix des ennemis d’Israël».

«Si le gouvernement veut fermer Haaretz, c’est le moment de lire Haaretz», a répliqué le patron du journal Amos Schocken. De son côté le syndicat des journalistes israéliens a dénoncé une «proposition populiste dénuée de toute faisabilité ou logique». «Son seul objectif est de recueillir des likes parmi sa base politique aux dépens des journalistes dévoués qui travaillent nuit et jour en ce moment pour couvrir l’actualité», ajoute le communiqué de soutien.

Jake Tapper, un des présentateurs vedettes de CNN, a également apporté son soutien à l’équipe de Haaretz, dénonçant sur X (anciennement Twitter) un projet «sapant la liberté de la presse».

Depuis le début du conflit entre le Hamas et Israël, le ministère des Communications a obtenu par une procédure d’urgence la fin de la diffusion en de la chaîne d’information libanaise Al Mayadeen, associée au Hezbollah, au motif qu’elle porte atteinte à la sécurité nationale. Karhi a aussi tenté de suspendre Al Jazeera, ce que le gouvernement a refusé, notamment en raison des efforts diplomatiques menés par le Qatar pour obtenir la libération des otages israéliens retenus par le Hamas.

«Il est inconcevable qu’à l’heure où nous prenons des mesures contre des chaînes étrangères, un journal israélien puisse continuer à recevoir une part significative de son financement du public israélien alors qu’il sert de porte-voix incendiaire aux ennemis d’Israël», a défendu le ministre dans une lettre transmise au cabinet Nétanyahou.

Source Libération

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08/08/2014

GAZA : MEDIAS FRANCAIS, LE REFUS DE L'HONNETETE ET DE L'OBJECTIVITE !

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Il aura fallu presque un mois de conflit pour que les télévisions et les radios prennent conscience 
du massacre perpétré à Gaza par l’armée israélienne. Et encore…

Après un mois de conflit à Gaza, un constat s’impose : les radios et les télévisions françaises n’arrivent pas à le rapporter. Nul autre conflit sur la planète n’a le droit à cette volonté d’équilibrer à tout prix l’information sur les deux camps. Du 8 juillet au 6 août, les journaux de TF1, France 2 ou BFMTV et les matinales de France Inter et d’Europe 1 ont été scrutés à la loupe.

1 Égalité de traitement entre l’agresseur et l’agressé ?

D’emblée, ce qui choque le plus est sans doute la volonté de tracer un signe d’égalité entre la cinquième armée du monde et une population empêchée de fuir puisque enclavée, qui subit un déluge de bombes. Cette volonté de parité joue à la fois sur le temps consacré à chacune des parties, et aussi sur la volonté de mettre en avant les dommages causés par la guerre des deux côtés de l’enclave palestinienne. Idem pour les reportages diffusés : à la détresse de Gazaouis, qui ont perdu leur famille et leur maison, répondent des images frôlant parfois le mauvais goût. Comme mardi dernier, sur France 2, où le journal s’ouvre sur des images embarquées avec les soldats et deux civils israéliens qui font part de leur ressenti sur la trêve. Le second témoin civil, du fond de son jardin, dit alors, sans être recadré : « On aurait dû frapper encore plus fort, les anéantir. » Soit un appel au génocide, sur une chaîne publique, à 20 heures, même pas souligné par le présentateur, Julian Bugier, ni le reporter. Sous couvert d’une sacro-sainte « neutralité », les chaînes accordent la même importance à une terrasse désertée et à un quartier rasé.

2 Le champ lexical utilisé 
n’est pas anodin.

Il est fréquent que le terme employé pour nommer l’armée israélienne soit « tsahal ». Or, cette désignation est utilisée par les Israéliens avec une connotation « familière et affective », relève le journaliste Akrad Belkaïd. La manier sans recul n’est donc pas anodin. Il n’est jamais non plus, ou presque, fait mention de « territoires occupés », et encore moins, évidemment, de « résistance palestinienne ». Mais de « tunnels » dans Gaza et de « terrorisme du Hamas ». Qui finissent du coup par englober la population civile. De la même façon, toutes chaînes et radios confondues ont repris en chœur, au moment de la disparition d’un soldat israélien, le 1er août, les termes d’« otage » ou d’« enlèvement ». Alors que ledit soldat est par définition un prisonnier de guerre. La disproportion des chiffres est ainsi éludée, aussi, en mettant en avant un cas individuel, face aux 1 800 morts de Gaza. Au mieux, quand le terme « colonisation » est évoqué, comme par une élue marseillaise, le 30 juillet, sur Europe 1, il est tout de suite repris et atténué par une deuxième personne (un autre élu, en l’occurrence). Cela posé, les médias ont été forcés d’évoluer au fur et à mesure qu’arrivaient des images de Gaza : la vidéo des enfants palestiniens tués sur la plage, diffusée pour la première fois sur TF1 le 16 juillet, a ainsi agi en déclencheur. À noter que, pour le coup, le champ lexical pour qualifier les manifestants pro-Palestiniens a évolué à ce moment. Même si l’agresseur reste dans un statut d’agressé, lorsque radios et télévisions reprennent en chœur les communiqués officiels d’Israël.



3La loi du mort/kilomètre 
est la plus forte.

L’été rime souvent avec faits divers et sujets bidon dans les journaux télévisés, et ce mois de juillet n’a pas dérogé à la règle : les sujets d’été sur le parfum des glaces, les chassés-croisés de vacanciers sur les routes ou encore… la pluie font florès. Le phénomène de « la loi du mort/kilomètre », qui veut qu’un mort proche de chez soi émeuve autant que mille aux Antipodes, se ressent encore plus lorsque le public a les pieds en éventail. Les sujets de ce type ont disputé l’ouverture des journaux à Gaza. Avec une prime au week-end dernier, où les bouchons sur les routes de France ont régalé les rédactions de TF1 et France 2. Pire : le mauvais goût. TF1 a ainsi procédé à une incroyable transition mi-juillet : après avoir décompté les morts et des destructions, côté palestinien, le présentateur a enchaîné avec un reportage vantant les mérites de vacances en Israël…

4 Les experts ne se bousculent pas aux micros.

La télévision est friande d’analystes en tout genre. Pour le coup, sur le conflit en cours, elle a été d’une totale discrétion. Jusqu’à jeudi matin, aucune chaîne de radio ou de télévision n’a invité de véritable commentateur, hors Charles Enderlain, sur France 2, qui est journaliste. Au-delà, les intervenants traditionnels sur le conflit ont aussi été boudés. Leïla Chahid intervient bien sur RFI le 21 juillet, mais pas ailleurs. Pour autant, quand elles se décident à sortir de ce mutisme, radios et télévisions font sens : ainsi sur France 24, le 22 juillet, Majed Bamya, diplomate palestinien au ministère des Affaires étrangères, démonte point par point l’argumentaire de l’autre invité, Yaron Gamburg, porte-parole de l’ambassade d’Israël en France. Et raconte surtout la réalité de Gaza.