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10/10/2013

Seymour Hersh : les médias américains sont "lamentables"

Seymour Hersh en 2004, à Washington - Institute for Policy Studies/CC Le lauréat du prix Pulitzer explique comment sauver le journalisme. La presse devrait "virer 90 % des rédacteurs et promouvoir ceux qui sont incontrôlables".
Seymour Hersh en 2004, à Washington - Institute for Policy Studies/CC
Seymour Hersh a des idées radicales pour sauver le journalisme. Il faut fermer les rédactions de NBC et ABC, licencier 90 % des rédacteurs de la presse écrite et revenir à la mission fondamentale du journaliste qui doit, soutient-il, défendre un point de vue extérieur.

Il en faut peu pour qu'il s'enflamme. Hersh, le journaliste d'investigation qui hante les présidents américains depuis les années 1960, a même un temps été décrit par le Parti républicain comme "ce qui se rapproche le plus d'un terroriste dans le journalisme américain".

Le caractère timoré de ses collègues l'exaspère, de même que leur incapacité à remettre en question la Maison-Blanche et à se faire les messagers de la vérité, aussi impopulaire soit-elle.

Et ne lui parlez pas du New York Times qui, dit-il, passe "beaucoup plus de temps à apporter de l'eau au moulin d'Obama que je ne l'en aurais cru capable". Ni de la mort d'Oussama Ben Laden. "Rien n'a été fait sur cette affaire, c'est un énorme mensonge, il n'y a pas un seul mot de vrai", déclare-t-il à propos du raid épique des Navy SEALs en 2011.

"Le gouvernement Obama ment de façon systématique"

Hersh travaille sur un livre qui traite de la sécurité nationale, et il y consacre un chapitre à la mort de Ben Laden. Il affirme qu'un rapport remis il y a peu par une commission pakistanaise "indépendante" ne tient pas la route. "Les Pakistanais publient un rapport, ne me lancez pas là-dessus. Disons les choses comme ça, les Américains ont joué un rôle considérable dans sa rédaction. Ce rapport, c'est de la merde," lâche-t-il en laissant entendre que son prochain livre contiendra des révélations.

Le gouvernement Obama ment de façon systématique, soutient-il, et pourtant aucun des titans des médias américains, que ce soit les chaînes de télévision ou les grands journaux, n'ose le défier. "C'est lamentable, ils sont plus qu'obséquieux, ils ont peur de s'attaquer à ce type [Obama]", grince-t-il dans un entretien accordé à The Guardian.

"Il fut un temps où, quand on se trouvait dans une situation où il se passait quelque chose de grave, que le président et ses sbires avaient la haute main sur le récit des événements, on pouvait être à peu près sûr qu'ils [les médias] feraient tout leur possible pour raconter les faits. Plus maintenant. Maintenant, ils profitent de choses comme ça pour voir comment faire réélire le président."

Il n'est même pas sûr que les révélations récentes sur l'étendue et la sophistication du système de surveillance de la National Security Agency (NSA) auront un impact durable. Il reconnaît qu'Edward Snowden, le lanceur d'alerte de la NSA, a "bouleversé la nature même du débat" sur la surveillance. Il ajoute que d'autres journalistes et lui avaient écrit sur cette question, mais Snowden a joué un rôle essentiel en fournissant des preuves circonstanciées. Malgré tout, il doute que ces révélations entraînent un changement de politique de la part des autorités américaines.

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"Duncan Campbell [journaliste d'investigation britannique qui a dévoilé l'"affaire du zircon" dans les années 1980], James Bamford [journaliste américain], Julian Assange, The New Yorker, moi, nous avons tous écrit sur l'idée qu'il y a une surveillance constante, mais lui [Snowden], il a fourni des documents et ça a bouleversé la nature même du débat ; maintenant, c'est une réalité", poursuit Hersh.

"Le monde est plus que jamais dirigé par des abrutis finis"

"Mais je ne sais pas si ça changera quoi que ce soit à long terme, le président répétera toujours 'Al-Qaida ! Al-Qaida !' devant les électeurs et les deux tiers d'entre eux continueront à être favorables à ce genre de surveillance complètement stupide", poursuit-il.

Publié dans le Courrier International