11/01/2019
FRAUDE SECURITE SOCIALE : L'INTOX DE GILETS JAUNES
Pourquoi la fraude au numéro de Sécurité sociale dénoncée par certains "gilets jaunes" est une intox
Sur Facebook, la vidéo relayant la fausse information a été vue plus de 940 000 fois.
Une "fake news" qui revient régulièrement. Sur la page Facebook "La France en colère", qui rassemble des "gilets jaunes", un membre a partagé une vidéo dimanche 6 janvier. On y voit un homme affirmer une information choc : une "fraude au numéro de Sécurité sociale" qui coûterait 14 milliards d'euros par an à la France. Elle concernerait "1,8 millions" de "faux" dossiers de personnes nées à l'étranger. En quelques jours, la vidéo a été vue plus de 940 000 fois et partagée par près de 42 000 personnes. Alors vraie ou fausse information ? Nous avons posé la question à la Direction de la Sécurité sociale (DSS), en charge du dossier, et voici les raisons d'en douter.
Parce que le chiffre de 14 milliards "ne se fonde sur aucun fait tangible"
L'histoire part d'un audit, réalisé en 2011. "En étudiant un échantillon aléatoire de dossiers [de personnes nées à l'étranger], on a découvert que certaines pièces avaient été falsifiées", explique la DSS. A ce moment-là, il y a eu une extrapolation. "Le contrôle, effectué sur 2 100 dossiers, avait révélé un 'taux de faux documents' de 6,3%", explique le Journal du dimanche. Rapporté à la totalité des dossiers, ce taux a été rattaché à un montant moyen supposé des prestations demandées par numéro social et un total a été avancé.
"Ça ne se fonde sur aucun fait tangible, regrette la DSS. Aucun document ne se base sur ce montant." L'administration souligne la diversité des demandes de prise en charge, impossible donc d'avoir un chiffre précis. Un montant est, lui, connu : celui de la fraude détectée aux prestations versées par les organismes de Sécurité sociale : en 2017, elle s'élevait à 586 millions d'euros, toutes catégories confondues, selon le bilan de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude. Bien loin des 14 milliards évoqués.
Parce que l'attribution est plus sûre qu'avant
De plus, la situation a évolué depuis la date de l'audit en question. "A cette époque, nous ne demandions qu'une seule pièce" pour l'attribution d'un numéro de Sécurité sociale. Aujourd'hui, il faut fournir une pièce d'identité et un document d'état-civil. Ensuite, un service vérifie ces pièces et s'assure qu'elles sont authentiques, avec l'aide de la police aux frontières.
Moins de fraude, donc ? "Depuis quelques années, le taux d'anomalies a diminué. En 2011, il était de 6,3%, en 2013, de 5,44%, et en 2018, de 4,23%", indique la DSS. Des "anomalies" qui ne correspondent pas toutes à des situations de fraude.
Parce que cela ne concerne pas 1,8 million de personnes
"Depuis 2011, il s'avererait que 1,8 million de ces numéros seraient faux, auraient été falsifiés, et ça c'est l'estimation basse", avance la vidéo partagée sur les réseaux sociaux. Il y aurait autant de cas à dénoncer ? La Direction de la Sécurité sociale avoue ne pas savoir d'où ces chiffres viennent. "En moyenne, entre 450 000 et 500 000 numéros d'inscription au répertoire (NIR) sont délivrés chaque année aux personnes nées à l'étranger."
"Aujourd'hui, les bases nationales recensent 112,3 millions de personnes inscrites au système national de gestion des identifiants, dont 21 millions nées à l’étranger (de nationalité française ou non)", explique le JDD. Même en appliquant le taux d'anomalie de 4,23% recensés en 2018 à tous ces dossiers, "cela porterait donc le doute sur un stock de 880 000 numéros", calcule le journal.
Mais les anomalies détectées par l'audit ne correspondent pas toujours à des faux documents. "En 2017, 93% concernaient un document de mauvaise qualité", explique la DSS. Elle donne pour exemple un acte de naissance étranger sur lequel le nom de la mère est inscrit en haut à droite, puis à gauche à cause d'un changement opéré par les autorités locales.
Parce qu'un numéro ne donne pas droit automatiquement à de l'argent
"Le numéro de Sécurité sociale n'est pas un sésame !", prévient la DSS. En effet, il ne suffit pas d'un NIR pour accéder au remboursement de frais. "Si vous souhaitez faire une demande d'aide au logement, de prime d'activité... il faudra fournir d'autres pièces justificatives. Il faudrait alors que tous les autres documents soient falsifiés" pour toucher de l'argent – et penser atteindre les 14 milliards d'euros. "Si vous arrivez à la Caisse primaire d'assurance-maladie en disant : 'Je m'appelle Jean Dupont, mon NIR est le suivant', et bien ça s’arrêtera là."
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25/09/2016
Les youtubeurs de gauche renouvellent le discours militant
Cyrille CRESPY, L'Humanité
Le mouvement contre la loi travail a permis aux internautes de découvrir sur Youtube, entre autres, une lecture moderne des idées progressistes. Ils sont drôles. Ils sont pertinents. Et surtout, ils donnent du souffle aux progressistes : les youtubeurs de gauche ont gagné, avec le mouvement #OnVautMieuxQueÇa, une visibilité bienvenue. Même s’ils proposent depuis des années un contre-discours structuré face à celui de l’extrême droite, dominant sur la Toile.
Des vidéastes unis par le mouvement contre la loi travail
Les vidéos d'Osons causer, très courtes, surtout pensées « pour Facebook »
Les reporters de la toile harcelés de messages haineux, au contenu machiste et raciste
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01/02/2016
TV. Derrière les masques de la révolution ukrainienne
Spécial Investigation, documentaire du journaliste d’investigation Paul Moreira sur le massacre d’Odessa et le rôle des milices d’extrême droite dans l’après-révolution ukrainienne. Un travail essentiel de désintoxication.
Paul Moreira, dans le documentaire d’investigation, est une référence. Son enquête, diffusée sur Canal+, ne fait pas exception. Le journaliste, cofondateur de l’agence Premières Lignes, s’est penché sur l’après-révolution ukrainienne. En trois parties, il déconstruit l’image bien trop lisse d’un mouvement qui a enjoué l’Europe de l’Ouest, alors que trois mouvances néonazies présentes aux côtés de la population pro-ukrainienne ont infiltré le pouvoir, avant de devenir petit à petit des forces militaires. Images et témoignages à l’appui, cette enquête dénonce ce crime impuni de 45 pro-Russes brûlés vifs à Odessa, en mai 2014, mais aussi la complicité intéressée des États-Unis.
Vous expliquez, en introduction de votre documentaire, avoir observé trois symboles présents aux rassemblements de la révolution ukrainienne. Est-ce le point de départ de votre enquête ?
Paul Moreira. Je n’avais jamais mis les pieds en Ukraine. La seule perception que j’avais de la révolution était les images que je voyais à la télévision. Je constate alors une sorte d’inadéquation entre l’enthousiasme médiatique autour de la révolution et des petits signes qui me perturbent. Comme des interférences, des éléments qui ne sonnent pas juste. Je parle des bannières du Secteur droit, extrêmement martiales, des brassards avec le symbole de ce qui va devenir Azov par la suite… Des signes inquiétants, pas vraiment explorés. J’ai toujours eu une défiance vis-à-vis des histoires racontées en noir et blanc. En fouillant, je m’aperçois que nous avons omis, sans pour autant dire censurer, de traiter une partie de l’histoire. Omis par pente naturelle, omis parce que les démocraties occidentales ne se sont pas insurgées quand les ‘’gentils’’ révolutionnaires ukrainiens ont massacré des civils à Odessa. Un ensemble de constatations qui me font dire qu’il y a eu un traitement problématique des événements ukrainiens.
Comment expliquez-vous ce silence?
Paul Moreira. Pour que le massacre d’Odessa prenne de l’ampleur, il aurait fallu une dénonciation du fait, qu’en plein cœur de l’Europe et au XXIème siècle, quarante cinq personnes soient tuées avec une totale absence de réaction de la part de la police. C’est un massacre de masse complètement impuni et non enquêté : la commission européenne s’est intéressée à l’histoire. Elle a lu des rapports écrits mais n’a pas enquêté sur le terrain. On se retrouve donc avec une situation, assez paradoxale et étonnante, où Youtube est bourré de visuels sur ce qui s’est passé. Comme beaucoup, je n’ai pas vu cette information. Alors, j’ai passé plusieurs semaines à visionner et à croiser les vidéos pour métaboliser les faits. Je pense n’avoir jamais vu un événement, aussi dramatique, autant filmé et en même temps aussi peu traité. Des articles, certes, ont été écrits. Seulement, la perception générale du public est qu’il ne s’est rien passé. Parce que c’était des pro-russes, des vieux communistes. Cela aurait dû réveiller un peu plus les citoyens sur le fait, qu’au sein des forces révolutionnaires, il existe des éléments extrêmement violents et nationalistes. Je n’ai pas exploité certains aspects comme l’enquête des Allemands et des Anglais qui tend à établir que les fameux tirs de la place Maïdan pourraient venir des propres rangs des insurgés, comme une provocation… Un tas d’éléments laissés dans l’ombre.
Vous dites dans le documentaire qu’il existe ce risque que le monstre se retourne un jour contre son créateur. C’est-à-dire ?
Paul Moreira. La révolution a fait croître les troupes de choc des milices, des groupes paramilitaires. Et ces derniers ne semblent plus du tout mis en échec par l’autorité publique. Ils font la police à la place de la police. Parfois, il y a même des tirs armés entre le Secteur droit et la police ukrainienne. Ce sont effectivement des individus qui ont pris des risques physiques, qui ont fait preuve d’un grand courage pour un changement de régime. Seulement, ils avaient un projet différent que celui de juste mettre en place d’autres hommes politiques. Le problème est là : le mouvement révolutionnaire, qui s’est produit dans la rue, a donné de l’espace à ces troupes. Et celles-ci, aujourd’hui, sur leur propre lancée, veulent aller beaucoup plus loin. Les autorités ukrainiennes semblent incapables de les contrôler. Quand ils bloquent une frontière et que la police regarde passivement car elle ne peut ou ne veut rien faire, c’est bien que la créature leur a échappé.
Vous avez récolté divers témoignages sur place. Les acteurs du crime d’Odessa ne nient rien...
Paul Moreira. Malheureusement, c’est toujours les vainqueurs qui ont l’histoire avec eux. S’ils n’ont pas été punis, si rien n’a indiqué qu’ils ont commis un crime, ils se sentent légitimes. Joshua Oppenheimer, dans « The act of killing », évoque cela à travers les grands massacres qui ont suivi le mouvement de 1965 en Indonésie. Les assassins expliquent les méthodes qu’ils ont utilisées pour tuer et ils le disent très clairement : nous sommes les vainqueurs donc c’est nous qui déterminons ce qui est l’histoire et ce qui ne l’est pas. Cette référence m’est venue en tête face à ces Ukrainiens. L’un des leaders d’une milice pro-ukrainienne montre bien qu’il n’a aucun remord. Il estime qu’ils ont eu ce qu’ils méritaient.
Ils vous accueillent, aussi, volontiers dans leurs camps d’entraînement. D’après vous, qui sont-ils ?
Paul Moreira. Quand je pars à leur rencontre, j’ai évidemment pleins d’éléments qui me montrent qu’ils sont fortement noyautés par des néonazis et des membres de l’extrême-droite. Il existe une partie des informations, au trait forcé, qui relèvent de la propagande des Russes. Je voulais donc prouver par l’image, et à travers leurs paroles, qui ils étaient réellement. Je le mets en scène comme une révélation car ils mettent énormément d’énergie à dissimuler leur affiliation au néonazisme. Ils savent que ce n’est pas gérable en Europe occidentale d’appartenir à ce courant historique. Je souhaitais aussi montrer cette intention. Par exemple, dans une scène, un jeune Français s’entraîne avec eux. Et pendant que je tourne, il réalise qu’il a oublié de retirer son nom de code, collé à son uniforme. On y lit «Mussolini»...
Entre les conclusions sur ces troupes et l’attitude des Etats-Unis dans cette région de l’Europe, vouliez-vous rendre compte de son jeu dangereux ?
Paul Moreira. L’ex-patron de la CIA, le général Petraeus, est passé au privé mais reste très proche du pouvoir américain. Il dit quelque chose que le gouvernement n’oserait pas dire : il faut des armes offensives. Jouer dans le jardin de la maison Russie comporte un risque énorme. La révolution ukrainienne avait des motifs totalement louables. Mais la réalité est que le degré d’investissement des Américains dans ce changement de régime peut être interprété par Poutine comme un acte guerrier. Ce qui pourrait le mobiliser d’autant plus contre les Ukrainiens. La stratégie anti-Poutine des Etats-Unis, pour empêcher comme le dit Petraeus la Russie de devenir un empire, est très claire. Elle peut déboucher sur un conflit massif.
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16/12/2015
Lancée après "Charlie Hebdo", une nouvelle web série décrypte les médias avec humour et pédagogie
Sur un ton ludique et accessible à tous, la web série "Les Clés des médias" décrypte l'information et dévoile les coulisses du journalisme et des médias. Initié par France Télévisions après les attentats de janvier, le projet est aussi ludique qu'indispensable. "Les vidéos de chat sur Internet, ça occupe cinq minutes, mais ça n'a aucun intérêt", indique le journaliste de France Inter Bruno Duvic dans un des épisodes de la nouvelle websérie d'éducation aux médias que vient de lancer France TV Education.
La phrase est provocante, frappante, elle parle aux plus jeunes. Elle permet surtout d'illustrer l'un des premiers épisodes des "Clés des médias" intitulé "C'est quoi une info?" "Un journaliste, qu'est ce que c'est?", La pub, ça sert à quoi?", "La rumeur", "Les Youtubers", "Le droit à l'image" : en tout, "Les Clés des médias" proposent de répondre à vingt-cinq questions (neuf sont déjà en ligne) que peut se poser le public. Le projet est né après les attentats de janvier contre Charlie Hebdo, alors que la liberté d'expression avait été attaquée ou que la théorie du complot naissait ici ou là. "Il s'agit d'expliquer les mécanismes des médias, de revenir sur des notions de base, de répondre à la défiance que le public a des journalistes et d'ouvrir le débat", précise Bruno Duvic, qui a écrit l'ensemble de la série produite par la Générale de production avec FranceTV Education, Canopé, le Clemi, France Inter et Enjeux e-medias.
Chaque numéro dure deux minutes et part d'un cas concret pour expliquer les situations auxquelles les journalistes doivent faire face ou qui sont proposées aux lecteurs-auditeurs-téléspectateurs-internautes. Par exemple, voici pourquoi un accident sans victime près de chez moi prend parfois plus de place que vingt morts à l'autre bout du continent :
Ces épisodes animés en stop motion parlent aux jeunes, mais pas seulement. Ils seront également des outils essentiels aux enseignants, puisque l'éducation aux médias est désormais une de leurs missions. "Et ce n'est pas toujours facile pour eux d'avoir la bonne réponse sur le fonctionnement des médias. Cette série constitue pour eux une vraie boîte à outils indispensable au ton décalé", indique Mathieu Jeandron, le directeur du numérique au ministère de l'Education national. En effet, le ton est souvent drôle, jamais donneur de leçon. Parce que, ainsi que conclut l'un des réalisateurs, Mathieu Decarli, "la pédagogie n'est pas forcément pénible".
18:11 Publié dans ACTUSe-Vidéos, Eclairage, Journal, Journaliste, Réseaux sociaux, Société, Télévision, Vidéo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : médias, vidéos, pédagogie | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |