25/10/2015
Le pitoyable contenu de l’Express sous la coupe de Patrick Drahi
En quelques mois l’hebdomadaire crée par Jean-Jacques Servan-Schreiber est devenu un journal insipide tandis que Christophe Barbier, éditorialiste et directeur de la rédaction, se conduit en avocat du MEDEF.
Semaine après semaine, il suffit de feuilleter l’hebdomadaire l’Express pour constater une dégradation permanente du contenu rédactionnel, depuis le rachat du titre par Patrick Drahi. Chaque semaine on y affiche un grand titre en couverture sur un seul sujet, lequel sujet est souvent mal pensé et mal écrit dans une rédaction que le nouveau patron veut faire fonctionner avec un minimum de journalistes.
C’est encore le cas cette semaine avec un sujet consacré à New Yorksur 23 pages. L’actualité politique et sociale en France a pratiquement disparu tandis que trois chroniqueurs réguliers défendent les intérêts du capital en publiant des textes généralement insipides. Les autres articles relèvent davantage du publi-reportage que d’un rédactionnel journalistique. Au point qu’une motion de défiance a été votée contre le propriétaire et le directeur de la rédaction.
Subsiste toutefois la tribune hebdomadaire de Jacques Attali.
Mais ce dernier écrit davantage pour lui-même que pour les lecteurs du titre sans quitter des yeux son nombril. Il est capable de nous expliquer cette semaine comment « l’imminence du désastre » planétaire est devant nous en cinq petit points. Et de nous dire aussi comment nous pouvons éviter ce même désastre à condition de suivre ses cinq recommandations : « 1/ Lancer en le finançant par les énormes capitaux dormants, un programme massif d’investissements publics.. . 2/ Décider de dépenser avant 2025 les 100 milliards de dollars nécessaires à la satisfaction des besoins en économies d’énergie des pays du sud. 3/ mettre en place des procédures de police et de stabilité militaire par l’alliance des cinq membres du Conseil de sécurité des nations Unies. 4/ Prendre l’initiative d’un vaste dialogue des civilisations et des religions …5/ Coordonner les principales banques centrales, pour que leurs actions massives donnent aux initiatives gouvernementales le temps d’avoir de l’effet ».
Chirstophe Barbier surnommé le « Barbier le servile »
Notons enfin que l’Express garde encore un directeur de la rédaction en la personne de l’éditorialiste Christophe Barbier. Contesté par sa rédaction, le touche à tout amoureux de théâtre et que certains ont surnommé « Barbier le servile » pour d’autres raisons, se montre effectivement de plus en plus servile envers l’homme dans la main duquel il mange désormais.
Ce qui ne l’empêche pas, au contraire, de se faire donneur de leçon en s’adressant à se lecteurs. En témoigne la lecture qu’il leur donne de l’accord sur les retraites complémentaires entre le MEDEF et certains syndicats.
Amputer la retraite de quiconque de fera pas du rab, même en chômage longue durée à plus de 62 ans est la principale nouveauté de cet accord. Sous la plume de Christophe Barbier, il n’y a plus que des avantages. Car grâce à cet accord, « le salarié qui aura cotisé assez longtemps pourra choisir un départ immédiat, mais avec une pension minorée, ou un départ différé d’un an, qui lui permettra d’en toucher l’intégralité. S’il prolonge encore son activité, sa retraite sera même améliorée. Bref, les partenaires sociaux viennent d’inventer, si l’on peut dire, « la quille gonflable ».
Qualifiant cet accord sur les retraite AGIRC et ARRCO de «gagnant-gagnant-gagnant» il nous dit aussi que « les caisses sont sauvées, les salariés récompensés et les entreprises assez peu ponctionnées». Sur sa lancée, il demande que l’on fasse de la Sécurité sociale « une voie lactée » et trace la route pour y parvenir en ces termes : « permettons à chacun de construire sa stratégie de retraite, de composer son assurance chômage et d’élaborer sa protection médicale à la carte ».
Il a de quoi être content Patrick Drahi, s’il prend le temps le lire l’Express. Pour ce qui est des lecteurs, on ne peut pas dire qu’ils en aient pour leur argent avec « Barbier le servile » devenu carpette !
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04/07/2015
Grèce : quand les médias privés font la propagande du oui au référendum
Des images bidonnées, des spots terrorisants, une répartition des temps de parole ubuesque... les télés privées plaident lourdement pour l'approbation du nouveau plan d'austérité. La contestation s'exprime sur le net.
« Il faudra penser à prendre en photo le bulletin Non en sortant de l'isoloir, pour bien montrer à nos chefs qu'on a laissé le “Oui" dans l'urne », ironisait en direct un animateur de la chaîne privée Skaï, il y a quelques jours. Que sous-entendait-il ? Que sa direction lui imposait son vote au référendum? Evidemment non, mais qu’en tout cas, sur sa chaîne, comme sur toutes les autres télés privées du pays, il n’existe ces jours-ci qu’une ligne éditoriale possible : le oui au référendum et à l’application des mesures d’austérité de la Troïka.
Depuis le 26 juin et l’annonce, par le premier ministre Alexis Tsipras, de la tenue d’un référendum sur un nouveau plan d’austérité, c'est peu dire que, sur Skaï comme chez ses concurrentes Antenna, Mega et les autres, le non et ses défenseurs n'ont pas droit de cité. « A grands coups d'émissions spéciales et de débats totalement orientés, c'est une propagande pro-oui que les six chaînes privées du pays déploient à longueur de journée », explique Marianna Karakoulaki, journaliste indépendante. Elle, comme nombre de journalistes et de citoyens, n'ont de cesse de dénoncer depuis plusieurs jours, sur les réseaux sociaux (surtout Twitter), cette désinformation assumée.
En face, les méthodes employées sont dignes des médias de républiques bananières. Pour illustrer un reportage sur la prétendue panique des citoyens dans les banques, la chaîne Mega n’hésite pas à utiliser des images vieilles de trois ans, tournées à l'étranger. Mis face à l'énormité de la chose par des internautes, Michael Laganis, l'un des auteurs du reportage, s'est excusé avec désinvolture : « Comme vous voudrez madame. Nous faisons tous des erreurs. Merci pour votre remarque. » Alors qu'elles devraient offrir une campagne équitable, comme elles y sont légalement obligées, les chaînes privés ont complètement banni le non de leurs programmes. On n'aura pu y voir quasiment aucune image des nombreuses manifestations qui, à Athènes ou à Thessalonique, ont conspué le texte de la Troïka.Un internaute a comptabilisé les temps d'antenne, sur les journées des 29 et 30 juin, sur cinq chaînes privées (Mega, Skaï, Antenna, Star et Alpha TV). Le résultat est tellement déséquilibré qu'il prête à rire. Au total, huit minutes sur l'ensemble des cinq canaux pour le non (cercle de gauche), contre quarante-sept minutes pour le oui (cercle de droite).

Pourquoi ? « Tous les propriétaires des chaînes privées en Grèce sont des hommes d'affaires qui possèdent des entreprises dans tous les secteurs, du bâtiment aux mines d'or, en passant par des compagnies maritimes, explique Nikos Smyrnaios, universitaire et spécialiste des médias grecs. Tous ont des intérêts à sauvegarder et ont beaucoup à perdre en cas de sortie de la zone euro. »
Une manière de faire chuter le gouvernement Tsipras
Depuis des semaines, le « Grexit » – une sortie de la Grèce de la zone euro et le retour à la drachme –, est agité comme une menace par la Troïka dans ses négociations avec Athènes pour imposer à la Grèce son plan d'austérité. Mais les magnats à la tête des chaînes privées voient aussi là une manière de faire chuter le gouvernement Tsipras – qui a promis de remettre sa démission en cas de victoire du oui. Tsipras est très hostile à leur égard, contrairement aux gouvernements précédents avec qui ils avaient l'habitude d'avancer main dans la main.
Dans ce marasme, la presse papier grecque ne sort pas du lot, bien au contraire. L'Espresso Star, un tabloïd appartenant au même propriétaire que la chaîne privée Star, s’est fait largement brocarder pour avoir publié la semaine dernière, à la une, une image archirebattue du séisme de 1999 en Turquie.
Hormis les titres pro-Syriza, il ne faut pas compter sur les autres journaux de la presse papier comme To Vima, Ta Nea (de droite) ou Protothema (populiste) pour pointer ces aberrations. Au final, seule la chaîne publique Ert, récemment rouverte par Syriza, respecte un réel pluralisme : 4 minutes 50 pour le oui, contre 4 minutes 37 pour le non.Pour échapper à cette propagande, il faut se tourner vers le Net. Sur Twitter, des citoyens réunis depuis plusieurs jours autour du hashtag #greekmediapropaganda répertorient et dénoncent quotidiennement la désinformation en marche. Un Tumblr sur le même thème a été créé. Mais ces citoyens, pas dupes, sont pour la plupart des jeunes. « Or, cette propagande vise essentiellement les personnes âgées ou isolées, qui ne s'informent qu'à travers la télévision », explique Marianna Kala.
Un sondage réalisé par un institut grec, Alco, donne le oui gagnant à 44,8% contre 43,5% pour le non pour le référendum de dimanche. Dans le même temps, Bloomberg donne à l'inverse le non gagnant à 43%, contre 42,5% pour le oui. Entre les deux, le taux d'indécis oscille entre 12 et 15 %. « L'influence qu'aura la propagande des chaînes privées sur les indécis, voilà la principale question pour le peuple grec aujourd'hui », conclut Marianna Karakoulaki.
Jean-Baptiste Roch, Télérama
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19/06/2015
LA MANIPULATION 2.0
Taper Ryan Holiday sur Google.fr, et le nombre d’occurrences est surréaliste : 93 500 000. Certes, il doit y avoir plusieurs Ryan Holiday. Mais pour simple comparaison, tapons François Hollande : 22 700 000. Bien sûr, vous ne connaissez pas Ryan Holiday. Moi aussi, j’ignorais cet homme à la notoriété planétaire, qui s’avère être à la ville l’actuel ou l’ancien directeur de la communication d’American Apparel. Il vient de produire un livre, Croyez-moi, je vous mens. Confessions d’un manipulateur des médias (Éditions Globe, 2015), dans lequel il narre son expertise en webmarketing, en un mot comment créer du buzz, du clic, de l’influence, du trafic, et au final beaucoup d’argent.
Le système viral fonctionne comme une pyramide de Ponzi, avec au cœur de ce dispositif principalement des blogs américains : Gawker, Business Insider, Politico, Huffington Post, Drudge Report, BuzzFeed, Reddit, BoeingBoeing, Laughing Squid, FFFFound, Videogum, Mediabistro, Slate.com, Curbed, TechCrunch, Mashable, Freakonomics, FiveThirtyEight, Nate Silver, TreeHugger – sans oublier en amont et en aval Youtube et Wikipédia, qui jouent un rôle plus structurel encore d’accréditeur –, la liste est plus longue encore et s’update régulièrement.
Ce cher jeune homme de 28 ans nous explique ainsi comment, à partir d’une information qui n’en est pas une, il crée une circulation et une diffusion exponentielles, se traduisant en espèces sonnantes et trébuchantes pour ces clients. Le jeu étant principalement de manipuler les blogs institutionnels ou les médias traditionnels en leur laissant croire qu’ils ont trouvé, grâce à leur investigation qualitative, la perle rare dans leurs pérégrinations numériques, alors qu’ils ne font que suivre le petit itinéraire concocté par le dircom adulescent.
Les tactiques sont vieilles comme le monde, simplement ajustées au monde digital : il s’agit d’organiser de fausses fuites, de rédiger de faux mails avec de fausses adresses, de créer des « sources » de toutes pièces, d’offrir des produits aux blogueurs pour acheter leur bienveillance, d’organiser son autopromotion via des commentaires inventés sur les sites, d’avoir l’art de la titraille, de polémiquer inutilement, d’user abusivement de l’image, de manier le chaud et le froid (en soutenant de façon ostentatoire les causes perdues d’avance et en couvrant les faits et gestes de la haute société), de faire croire à une rumeur pour rendre l’information plus attractive, d’être très rapide – partant les modérateurs des sites ne font jamais d’erreurs mais des « mises à jour », cela permet d’écrire du faux, en expliquant que la vérification est en cours de route, etc.
Oubliez la déontologie, l’éthique, cela n’a aucun sens et n’est nullement l’enjeu. L’enjeu, c’est de générer du clic : nulle lecture, nulle compréhension de ce qui est écrit. Simplement du clic. La crédibilité ne fait pas le business model, clame Ryan Holiday ; il faut raconter aux lecteurs ce qu’ils veulent entendre. Cessez de « nourrir le monstre », dit le gaillard, qui s’est bien gavé, et qui malgré la nausée et l’apparence de la dénoncer, n’est pas près de lâcher l’affaire.
(1) - Cynthia Fleury (civilement Fleury-Perkins), née en 1974, enseigne la philosophie politique (en qualité de research fellow et associate professor) à l'American University of Paris, chercheur associé au Muséum national d’histoire naturelle, maître de conférences (vacataire) à l'Institut d'études politiques de Paris, psychanalyste et enseignante à l'École polytechnique.
Elle tient une tribune libre, hebdomadaire, dans L'Humanité depuis 2003. Auteur de nombreux articles, elle est fréquemment invitée sur les plateaux de télévisions pour parler de thèmes tels que la politique, la religion ou l'imagination.
16:42 Publié dans Actualités, Eclairage, Informations, Internet, Manipulation, Réseaux sociaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cynthia fleury, manipulation 2.0, manipulation, digital | |
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01/06/2015
Les affaires aiment la presse
Le groupe LVMH de Bernard Arnault, propriétaire des Échos, rachète le Parisien ; le Monde, du trio Pigasse-Niel-Bergé, acquiert l’Obs. TF1, de Bouygues, vend Metronews ; et Libération, désormais dans le même groupe que l’Express de Drahi, se « réinvente » avec une formule privilégiant le numérique…
La presse écrite est en ébullition. Les experts préfèrent parler de consolidation du marché. Fini le temps des propriétaires familiaux. L’heure est à la concentration entre les mains de groupes financiers et d’actionnaires fortunés.
Le groupe Amaury vient de décider de vendre le Parisien, Aujourd’hui en France et sa filiale de distribution Proximy au groupe LVMH de Bernard Arnault. « Les deux titres sont complémentaires. Le lectorat du Parisien-Aujourd’hui en France est très large et touche notamment les cadres et PME de province, qui lisent également les Échos. 60 % de notre lectorat se trouve en dehors de la région parisienne ! » a expliqué Francis Morel dans les colonnes du… Figaro, qu’il a dirigé avant de rejoindre les Échos. « Cela devrait nous permettre de capter davantage d’opérations publicitaires, notre puissance étant décuplée en papier et surtout sur le digital », précise-t-il, relevant que LVMH « est prêt à investir davantage sur le digital ». Amaury garde sa partie sportive autour de l’Équipe et de la lucrative société d’organisation d’événements sportifs ASO (Tour de France, Paris-Roubaix…).
Les rachats se multiplient
Le cap sur le Net, c’est aussi ce que vient de décider TF1 en annonçant la vente du gratuit Metronews pour privilégier son offre digitale élargie MyTF1, lancée le 26 mai. Le lendemain, le belge Rossel, propriétaire de titres de presse régionale en France comme la Voix du Nord, a, lui, annoncé qu’il rejoignait le Groupe Sipa-Ouest-France au capital de la société 20 Minutes France, dont il reprendrait le co-contrôle à la place du groupe média norvégien Schibsted, fondateur historique du titre. Les deux groupes sont entrés en négociation exclusive. On ne traîne pas.
Ces rachats se multiplient et réorganisent le paysage de la presse nationale autour de plusieurs grands pôles dans la lignée de ce que préconisaient les états généraux de la presse écrite organisés en 2008 par Nicolas Sarkozy, lequel voulait ses « champions nationaux ».
Ces pôles sont en train de se constituer. Le Figaro, propriété du groupe Dassault, le Point du groupe Artemis de François Pinault ne sont plus seuls. Le développement du groupe Le Monde libre (le Monde, Télérama, l’Obs, Courrier international, la Vie, etc.) du trio Pierre Bergé-Xavier Niel-Matthieu Pigasse et, plus récemment, la formation du groupe Altice Media (Libération, l’Express, l’Expansion, l’Étudiant, Point de vue…). Au total, une vingtaine de titres auxquels s’ajoutent Numericable-SFR et la chaîne israélienne I24news. Dans ce contexte, des titres comme l’Humanité font avec leurs moyens.
Le quotidien Libération, après avoir été sauvé de la faillite par son nouvel actionnaire, traversé une crise interne sans précédent et enregistré le départ d’une centaine de ses journalistes, se « réinvente » avec une nouvelle formule privilégiant le numérique. C’est Laurent Joffrin, directeur de la rédaction, qui l’écrit à ses abonnés. « Dans un monde bouleversé par la révolution numérique, les journalistes de Libération ont décidé de se réinventer.
Désormais une équipe de 130 journalistes donnera tous les jours et à tout instant sa vision de l’actualité sur un quotidien repensé et un site rénové. » Nouvelle maquette, nouvelles rubriques et surtout une autre voie. « Libération était un quotidien qui publiait une version numérique, Libération sera un site qui publie un quotidien », résume Joffrin. En clair, l’information privilégiée sera celle du site et sa version mobile, « premier point de contact avec le lecteur ».
Le quotidien papier vendu 2 euros à partir d’aujourd’hui reprend ainsi des articles du site dans une séquence de 4 pages baptisée « Expresso ». « Aujourd’hui, Libération ouvre un nouveau chapitre de son histoire pour relever les défis du siècle nouveau », commente Joffrin. « Nouveau chapitre » est un euphémisme. Les équipes de Libération devraient bientôt emménager dans les locaux de l’Express… Changement d’époque en effet.
20:00 Publié dans Actualités, Eclairage, Informations, Journal, Journaliste | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : presse, fusion, rachat, libération, le parisien | |
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