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23/05/2011

Les Indignés : un mouvement né sur le Web

 

 

indignado.jpgDémarrée en Espagne, la contestation touche depuis l’Europe et timidement la France. D’Internet à la rue, il n’y a pas d’intermédiaire. Voici comment est né ce mouvement et comment il s’entretient grâce à un outil : Internet.

Pas de syndicat et encore moins de parti politique. Les rouages traditionnels de la contestation sont dépassés, et même volontairement exclus. Internet, grâce à l’échange en temps réel via réseaux sociaux et chats, a permis l’émergence spontanée d’une contestation franche et radicale, un ras le bol d’une génération.

  • Né d’Internet, pour Internet

Pour trouver une origine à ce mouvement, à l’état d’embryon, il faut chercher du côté de la loi Ley Sinde, l’équivalent de l’Hadopi espagnole. Les grands partis se sont unis pour faire passer le texte, sans entendre la voix des Espagnols, majoritairement contres. Sentiment de dénis de démocratie, et première organisation autour du mot d’ordre « No Les Votes » (ne votez pas pour eux, alors que les élections locales arrivaient). Slogan qui a donné son nom à un mot clé Twitter (1) puis à un site. Cette origine, de la défense d’une liberté totale sur Internet, explique pourquoi on trouve quelques masques d’Anonymous, le groupement d’Hacktiviste, lors des manifestations actuelles.

  • Internet et la « démocratie réelle maintenant»

Ce premier mot d’ordre est rapidement rejoint puis noyé sous le rouleau compresseur de la colère d’une jeune génération écrasée par 45% de chômage, des conditions de vie de plus en plus précaires et le sentiment de ne pas être entendu. Malgré une présence dans la rue de plus en plus importante (Madrid, Barcelone, Saragosse, Valence, Cordoue, Bilbao…) Internet reste au cœur du mouvement. C’est un outil qui permet de se passer complètement des structures habituelles : réunions, tracts, délégués, porte-paroles… Les mots d’ordres s’échangent sur Twitter (#SpanishRevolution, #NoNosVamos , #AcampadaSol, #YesWeCamp) comme sur la page Spanich Revolution de Facebook. Suivie par plus de 132 000 personnes. La communication se fait en ligne, les manifestants ont même installé une Webcam pour suivre en direct les rassemblements de la Puerta del Sol. Le site Democracia Real Ya (démocratie réelle maintenant), créé par une fédération d’associations, s’est imposé depuis le 15 mai comme référence pour suivre le mouvement. Sa page Facebook est suivie par 330 000 personnes.

Internet est ainsi devenu un élément structurel du mouvement. Ce qui s’y exprime est une colère, une envie de changement radical est un rejet de toutes les formes traditionnelles de la politique. Ce qui explique leur refus de toute récupération par des partis ou des syndicats et certains appels à voter blanc ou nul. La confiance envers le système démocratique espagnol est durablement rompue, les indignés ayant l’impression que leur voix n’est jamais entendue. La descente dans la rue s’est faite naturellement, comme un prolongement. C’est là aussi qu’ils veulent être entendus. D’où les principaux slogans : « Nous ne nous tairons pas » ou « la démocratie, maintenant ».

  • En France, une contagion déjà en danger ?

Après une première manifestation la semaine dernière devant l’ambassade d’Espagne, les Indignés français se sont retrouvés Place de la Bastille et comptent bien faire de ce lieu symbolique un rendez-vous quotidien. Le mouvement a ses mots clés Twitter : #frenchrevolution, #démocratieréelle ou #indignezvous. L’invitation d’associations comme Jeudi-Noir et Génération Précaire à rejoindre la mobilisation peut aider au décollage mais aussi participer au flou du message porté. Est-ce que les partis (les deux associations précitées ont à leur tête des élus d’Europe Ecologie Les Verts) et les syndicats traditionnels vont laisser le mouvement enfler seul ? La filiation avec l’opuscule « Indignez-vous » de Stéphane Hessel est en tout cas souvent revendiquée.

Les fils Twitter nous semblent le meilleur moyen pour suivre un éventuel envol de ce mouvement en France. A suivre également le site de Réelle démocratie maintenant, sur le modèle espagnol et en accord avec les mots d’ordre du mouvement, et qui propose un agenda des rassemblements prévus en France.

(1)Twitter est un outil très adapté à ce mouvement. On s’y exprime en temps réel, dans de brefs messages de 140 signes maximums, autour de mots clés (hashtag dans le jargon), précédés par des #.

Publié par le journal l'Humanité

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29/04/2011

Numérique et papier, la Croix teste le bi-média

journaliste1.jpg« Un saut dans l’histoire » : le quotidien catholique lance  une nouvelle formule « au service des supports papier et numérique ». À rédaction unique, supports multiples.

«Le journal devient totalement bi-média », a indiqué Georges Sanerot, PDG du directoire du groupe Bayard, éditeur de la Croix, en présentant sa nouvelle formule. La dernière « nouvelle formule » datait de 2006. Mais comme le dira le rédacteur en chef, François Ernenwein : « Nous faisons un saut dans l’histoire. » Un saut numérique. Autrement dit, la rédaction entière du quotidien est, dès aujourd’hui, tournée aussi bien vers le support papier que vers le numérique. Toute la journée, le site va être alimenté par des informations courtes, essentielles, provenant de tous les services, et des articles exclusivement réservés au Web. Une nouvelle organisation qui a nécessité de longs mois de travail avec la rédaction. « Le groupe est très engagé dans cette mutation numérique. Nous sommes à un tournant », a-t-il prévenu. Jusqu’au 31 décembre, les équipes rédactionnelle et commerciale de la Croix vont expérimenter le bi-média et en tireront à ce moment les enseignements.

«Avec le bi-média, nous avons le désir de rencontrer de nouveaux publics, commente Dominique Quinio, la directrice de la Croix. Nous croyons à l’écrit et au temps nécessaire pour entrer dans la compréhension des événements. » Manière avec cette formule de signifier que le quotidien catholique ne fait pas une… croix sur le papier. Pour preuve, la Croix étrenne aujourd’hui une nouvelle maquette papier avec dans son offre la quadri sur toutes les pages. « J’ai le sentiment que la Croix est important dans le paysage de la presse, nécessaire dans le débat public alors que les relations se tendent. Nous voulons apporter un regard chrétien sur l’actualité, être un trait d’union, permettre le dialogue et le débat », ajoute la directrice. Aujourd’hui, 88 % des lecteurs de la Croix (95 000 exemplaires) sont des abonnés, la vente en kiosque est faible et le contexte général est difficile pour la presse. « On se doit d’inventer de nouveaux lecteurs », souligne Georges Sanerot.

La nouvelle formule papier de la Croix se veut « centrée sur l’actualité, sans crainte d’être hors du courant ou à contre-courant ». La fin de semaine va être étoffée. Le journal daté de samedi-dimanche est adressé aux abonnés avec le quotidien du vendredi. Mais au fond il s’agit d’un seul journal avec deux supports. Et bientôt plus puisque, dès le début mai, des applications iPad, iPhone et autres smartphones vont être lancées. Pour accompagner cette mutation numérique, différentes offres commerciales allant de 28 euros par mois pour l’intégralité des contenus la Croix sur tous les supports, 15 euros pour les seuls supports numériques pour les deux offres principales (cinq au total). Et Arnauld de La Porte, directeur adjoint, de rappeler : « Notre ambition, c’est de rajeunir notre public. On peut faire beaucoup mieux que résister. »

Claude Baudry, l'Humanité

 

 

 

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01/03/2011

Cyberrévolutions « L’élément déterminant, c’est l’existence d’un profond sentiment d’injustice sociale»

egypteplace.jpgPar Farhad Khosrokhavar, sociologue, directeur d’études à l’EHESS.

Entretien

Les mobilisations populaires dans 
les pays arabes ont-elles été déclenchées par les blogueurs et les usagers des réseaux sociaux, comme on peut le lire 
ou l’entendre dans certains médias ?

Farhad Khosrokhavar. Le mot « déclencher » est très ambigu. Il y a énormément de pays dans le monde où des blogueurs protestent et où rien ne se passe. Donc, dire que la cause serait dans les nouvelles technologies de la communication, c’est aller un peu vite en besogne. Pour que de tels mouvements se déclenchent, il faut d’abord qu’il y ait des problèmes sociaux et que les acteurs sociaux aient le sentiment que le régime ne répond pas de manière satisfaisante à leurs revendications. En Tunisie, par exemple, tout a commencé avec l’histoire de ce jeune homme, diplômé de l’université, qui ne trouvait pas de travail et s’adonnait à de la vente ambulante pour vivre. Arrêté par la police, sa marchandise confisquée, il s’est immolé par le feu, en guise de protestation. C’est cet événement à forte charge symbolique qui est à l’origine des événements en Tunisie. Que l’influence des blogueurs, surtout de Facebook, pour ce qui est de l’Égypte ou 
de la Libye, soit essentielle, personne ne le 
nie. Mais ce ne sont pas les instruments de communication qui créent l’événement. À une époque, on disait que la presse était à l’origine des mouvements sociaux de contestation. Or, la presse peut amplifier, donner l’occasion de certains liens entre différents pans de la société civile. Mais ni la presse ni les nouveaux moyens de communication ne créent les événements sociaux. En Tunisie, il y avait des facteurs structurels : une grande disparité entre des régions côtières à l’économie plutôt florissante et les régions de l’intérieur ; l’apparition d’une nouvelle classe moyenne qui, mentalement, se reconnaît bien comme appartenant aux classes moyennes, mais qui, socialement, est plus proche de la classe ouvrière, subissant de plein fouet chômage et précarité. Donc, l’élément déterminant, c’est l’existence d’un profond sentiment d’injustice sociale.

La focalisation de certains commentateurs occidentaux sur le rôle de ces nouveaux médias 
n’a-t-elle pas aussi pour effet, plus ou moins 
voulu, d’éclipser la dimension sociale (revendication d’égalité, de justice sociale, droit à un travail…) de ces révolutions ?

Farhad Khosrokhavar. Je ne pense pas que ce soit volontaire. Je dirais plutôt qu’il y a une sorte de frivolité des médias. Ils sont toujours séduits par ce qui est nouveau. Or, je le répète, les gens ne se mobilisent pas simplement parce qu’on leur envoie des messages sur Internet. L’élément déterminant, c’est la présence de revendications fortes dans la population, du fait des problèmes sociaux endurés. Ce qui est vrai, c’est que ces nouveaux moyens de communication facilitent les relations entre les gens d’une région à l’autre, d’une ville à l’autre, d’un quartier à l’autre… Des mouvements spontanés se font jour, dans des endroits où le pouvoir ne s’y attend pas. Par exemple, en Iran, le « mouvement vert » a été très aidé par Internet : par cet outil, les gens pouvaient se mobiliser à l’abri de l’espionnage du pouvoir. Ou du moins, ils pouvaient prendre de court le pouvoir. Quand celui-ci a compris ce qui se passait, qu’a-t-il fait ? Il a ralenti le débit de l’Internet, coupé les communications, le réseau de téléphonie mobile, etc. En Libye, le régime a recours aux mêmes méthodes. Mais malgré cela, on voit bien que les mouvements continuent d’exister. C’est donc bien qu’ils ont un soubassement social. Ce n’est pas une question de moyens de communication.

La spontanéité dont vous parliez a-t-elle des contreparties au niveau des perspectives politiques ? N’est-elle pas aussi une faiblesse ?

Farhad Khosrokhavar. Ce qui fait la force de ces mouvements fait aussi leur faiblesse. Leur force, c’est de ne pas avoir de structures, de hiérarchie, de cadre idéologique arrêté… Il s’agit bien là d’atouts. Car si les mouvements étaient, au contraire, structurés, ils ne pourraient tenir face à des pouvoirs souvent dictatoriaux, despotiques, comme en Libye, en Égypte ou d’autres sociétés de la région. Ils auraient été réprimés avant même de se développer. Or, aujourd’hui, on voit bien que lorsque le mouvement se lance, le pouvoir se trouve démuni, car il ne sait pas qui réprimer. Mais c’est évident que, par la suite, quand se pose la question du passage au politique, ces mêmes atouts deviennent des manques. Ce qui se passe actuellement en 
Tunisie ou en Égypte l’illustre bien. Reste que la forme de ces mouvements est déterminée par le contexte : des pouvoirs despotiques. Et il faut rappeler ici qu’une grande partie de ceux-ci ont bénéficié de la complaisance, si ce n’est plus, des gouvernements occidentaux. Le régime de Moubarak, en Égypte, arrangeait beaucoup les États-Unis et l’Europe. Parce que cela leur permettait de s’entendre sur les grands enjeux stratégiques, notamment par rapport à Israël, dans le dos du peuple égyptien. De même pour la Libye de Kadhafi, avec son pétrole et les grands marchés que cela offrait à l’Occident. On pourrait poursuivre la liste des exemples de cette complicité de fait.

Entretien réalisé par 
Laurent Etre, pour l'Humanité

19:09 Publié dans Blog, Web | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réseaux sociaux, révolutions | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |