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10/08/2013

Plus la politique étrangère des Etats-Unis est criminelle, plus elle s’appuie sur la complicité des médias. (The Guardian)

Mark WEISBROT
L’ancien soldat des forces spéciales guatémaltèques Pedro Pimentel Rios lors du procès pour son rôle dans le massacre de Los Erres, l’un des pires génocides de l’après-guerre.

L’autocensure de nos journalistes rend invisibles aux yeux des américains les sinistres conséquences de la puissance militaire US.

Les dépenses militaires des Etats-Unis, en dollars constants, restent plus élevées qu’elles ne l’étaient au paroxysme de la politique reaganienne d’armement lors de la Guerre froide, plus élevées que pendant la guerre du Vietnam ou celle de Corée. Nous semblons être en état de guerre permanente, et -comme nous l’avons appris récemment- d’espionnage et de surveillance étatiques de masse de nos propres citoyens. Et ce en dépit d’un affaiblissement constant des menaces réelles pesant sur la sécurité physique des Américains. Seules 19 personnes sont mortes d’actes terroristes depuis le 11 septembre 2001, et aucun ou presque de ces décès n’est lié au terrorisme étranger. Par ailleurs, aucun « pays ennemi » ne représente une réelle menace militaire pour les Etats-Unis -si tant est qu’il existe un gouvernement pouvant être qualifié d’ « ennemi ».

Une des raisons de ce décalage est la vision grossièrement déformée qu’offrent les médias de masse de la politique étrangère US. Ils présentent une politique étrangère bien plus inoffensive et légitime que la réalité impérialiste connue dans la plupart des pays de la planète. Dans un article complet et parfaitement documenté publié par le North American Congress on Latin America (NACLA), Keane Bhatt donne un excellent exemple de ce processus.

Bhatt se focalise sur une intéressante émission populaire de la National Public Radio (NPR), ’This American Life’, et plus précisément sur un épisode qui a remporté le Peabody Award. Le Peabody Award est un prix prestigieux qui récompense de brillantes réalisations dans le domaine du journalisme électronique. Ceci rend l’exemple encore plus pertinent.

L’épisode concerné traitait du massacre de 1982 au Guatemala. Il offre, témoignages à l’appui, un récit captivant du terrible massacre de la quasi-totalité de la population du village de Dos Erres, plus de 200 personnes. Les femmes et les jeunes filles sont violées puis tuées, les hommes sont tués par balles ou à coups de masse ; et nombre d’entre eux, y compris des enfants, sont jetés -certains encore vivants- dans un puits qui fait office de fosse commune. L’émission entraîne l’auditeur au cœur d’une enquête héroïque sur ce crime -le premier à avoir débouché sur des condamnations pour ce type d’homicide. Elle fournit le témoignage émouvant d’un survivant âgé de trois ans lors des faits. Trois décennies plus tard, vivant dans le Massachusetts, il découvre ses racines et son père biologique grâce à l’enquête. Le père perdit sa femme et ses huit autres enfants, mais, absent du village ce jour-là, il survécut au massacre.

Le récit insiste sur le fait que ce n’était qu’un bain de sang parmi beaucoup d’autres :

This happened in over 600 villages, tens of thousands of people. A truth commission found that the number of Guatemalans killed or disappeared by their own government was over 180,000.”

(“Celà eut lieu dans plus de 600 villages, des dizaines de milliers de personnes. Une commission pour la vérité a découvert que le nombre de Guatémaltèques disparus ou tués par leur propre gouvernement dépasse 180 000.”)

Mais il y a une étonnante omission : le rôle des Etats-Unis dans ce que la Commission pour la Vérité de l’ONU de 1999 a défini comme un génocide. L’ONU mit l’accent sur le rôle de Washington, et le président Clinton présenta des excuses publiques à ce sujet -les premières et, à ma connaissance, les seules excuses d’un président américain pour l’implication des Etats-Unis dans un génocide. Le rôle des Etats-Unis dans la fourniture d’armes, d’entraînement, de munitions, de couverture diplomatique, de soutient notamment politique aux criminels de masse est bien documentée, et a bénéficié d’un regain de documentation et d’attention à l’occasion du récent procès de l’ancien dictateur militaire, le General Efraín Ríos Montt, qui dirigea le pays en 1982-83. (Comme le note Bhatt, l’émission précise que l’ambassade des Etats-Unis avait entendu parler de massacres durant cette période mais n’avait pas tenu compte de ces informations ; ceci est pour le moins troublant -certains câbles montrent que l’ambassade savait clairement ce qui se passait.)

En fait, l’un des soldats ayant participé au massacre de Dos Erres, Pedro Pimentel, condamné plus tard à 6 060 ans de prison, fut hélitreuillé le lendemain du crime de masse vers l’Ecole des Amériques, institut militaire US connu pour avoir entraîné certains des pires dictateurs et violateurs de droits humains de la région.

Il est étonnant que l’un des pires génocides d’après-guerre ait pu se dérouler à quelques heures de vol du sol des Etats-Unis sans que presqu’aucun média n’en fasse état. Ici on peut lire l’interview par le journaliste d’investigation Allan Nairn d’un soldat guatémaltèque de 1982 décrivant la façon dont ses camarades et lui-même assassinèrent des villages entiers, comme à Dos Erres. Pourtant, les médias dominants l’ignorèrent, ce qui permit à Ronald Reagan de présenter Ríos Montt comme ’un homme engagé et d’une grande intégrité’ (’a man of great personal integrity and commitment’). Les oublis de ’This American Life’ sont donc également ironiques dans ce contexte historique.

Il est clair qu’Ira Glass, l’animateur de l’émission, connaissait le rôle des Etats-Unis dans le génocide au Guatemala. Il semble que dans les années 1980 il se soit rendu en Amérique centrale et ait milité contre les guerres et crimes de guerre financés par les Etats-Unis. Dans une correspondance électronique avec Bhatt, il reconnut : ’peut-être avons-nous fait une erreur’ (’maybe we made the wrong call’) en n’évoquant pas le rôle des Etats-Unis.

Il s’agit d’un euphémisme, mais il est salutaire. Pour un programme diffusé en Anglais aux Etats-Unis, c’est certainement la chose la plus importante que les Américains ont besoin de savoir à propos du génocide.

Je ne blâme pas Glass. Il a probablement supposé que s’il avait évoqué le rôle des Etats-Unis, voire interrogé des responsables US, il aurait rencontré des problèmes vis-à-vis de la NPR. Son émission n’aurait certainement pas remporté un Peabody Award.

C’est ce qui fait de cette émission un exemple révélateur de la façon dont la censure et l’autocensure fonctionnent dans les médias US. Cela démontre, dans ce cas particulier, ce que j’ai constaté un nombre incalculable de fois durant 15 années passées à parler de ces problèmes avec des journalistes. Ils savent quelles sont les limites et quelle dose de vérité ils peuvent se permettre. J’ai rencontré beaucoup de bons journalistes qui essaient de dépasser ces bornes, et certains y arrivent -mais ils durent rarement bien longtemps.

Scott Wilson, qui fut un responsable de service étranger au Washington Post et couvrit le Venezuela Durant le court coup d’Etat contre le gouvernement démocratiquement élu du Venezuela en 2002, déclara lors d’une interview que les ’Etats-Unis étaient impliqués’ (’there was US involvement’) dans le coup d’Etat. Pourtant, ce fait important n’apparut pas dans le Post, ni dans aucun des grands médias des Etats-Unis, malgré les preuves remarquables présentes dans des documents gouvernementaux US. Encore une fois, il s’agit de la partie la plus importante de l’histoire pour une audience US -surtout dans la mesure où cela joua un rôle majeur dans la dégradation des relations entre Washington et Caracas durant la dernière décennie, et eut probablement un impact significatif sur les relations avec l’ensemble du continent sud-américain. Cependant, comme dans le récit de Dos Erres, le rôle des Etats-Unis dans ce crime ne peut pas être mentionné.

Il en va de même du rôle des Etats-Unis dans le coup d’Etat qui détruisit la démocratie hondurienne en 2009. Les efforts considérables de l’administration Obama pour soutenir et légitimer le gouvernement putschiste ne furent pas considérés comme dignes d’intérêt par les journalistes US. (Bhatt étudia également une émission de ’This American Life’ sur le Honduras, qui éluda le coup d’Etat soutenu par les Etats-Unis alors qu’il aurait dû y occuper une place centrale.) Mais cela aurait également dépassé les limites des médias US.

A quoi ressemblerait la politique étrangère, militaire et de soi-disant ’sécurité nationale’ des Etats-Unis si les medias en rapportaient les faits les plus importants ? Il y aurait beaucoup moins de cadavres de part et d’autre. Et nous n’aurions pas besoin d’effectuer des coupes dans “meals on wheels” ("soupes populaires" - NdR) ou d’autres programmes d’aide alimentaire aux populations pauvres ou âgées dans le but de maintenir le budget militaire le plus incroyablement démesuré du monde.

Mark Weisbrot

Traduction Erwin pour le Grand Soir

* http://www.theguardian.com/commentisfree/2013/aug/05/medi...

21/05/2013

Intervention en Libye : oui, les médias occidentaux ont trompé l'opinion

libye.jpgDépêché en Libye au début de l'année 2012 par un groupe d'investisseurs asiatiques, Samuel Laurent a pour mission de parcourir le pays afin d'évaluer les risques et les opportunités de cette révolution.

Il découvre alors une nation à l'agonie, rongée par la violence et l'anarchie.

"La couverture des événements par les médias occidentaux a suivi une logique très partiale, depuis le début, en décrivant les mouvements de protestations comme non violents, et en suggérant de façon répétée que les forces du régime massacraient aveuglément des manifestants qui ne présentaient aucun risque pour la sécurité. » Ainsi s'exprime Donatella Rovera au sujet de la Libye, dans le bulletin d'Amnesty International de mars 2012.

Les médias occidentaux ont fait feu de tout bois pour souligner l'urgence de la situation et la nécessité d'une intervention militaire en Libye : ils ont dénoncé la menace des mercenaires étrangers, le Viagra offert aux soldats, les viols en série, la graisse à fusil distribuée en guise de lubrifiant, les massacres et bombardements indiscriminés… Or ils nous ont trompés, comme George Bush avait tenté de le faire pour l'Irak à propos des armes de destruction massive. La propagande qui sous-tend notre entrée en guerre repose sur une série de petits mensonges dont des « conseillers » officieux du président vont s'emparer pour leur donner de l'importance dans les médias. Avec le recul, nous pouvons plus facilement lever le voile sur certains d'entre eux. Que penser, par exemple, des prétendus mercenaires et de leur présence massive sur le territoire ? S'agit-il d'une légende ou d'une réalité ?

En février 2011, au début du soulèvement, Kadhafi promet de faire appel à des renforts venus d'Afrique. La peur s'installe et les médias alimentent l'hystérie collective, renforçant la crédibilité d'une menace qui s'avérera sans le moindre fondement. Peter Bouckaert, de Human Rights Watch, explique comment la rumeur progresse au fur et à mesure de la révolution : « De nombreux journalistes s'introduisent dans les zones de détention. Ils prennent des photos de prisonniers puis les présentent comme des mercenaires dans leurs articles et dans leurs reportages. Mais c'est faux ! […] Jusqu'à présent, nous n'avons pas trouvé le moindre mercenaire dans l'est du pays, après des centaines d'interviews et des semaines d'enquête. » Bouckaert se rend par exemple à Beida1 pour rencontrer cent cinquante-six « mercenaires », arrêtés par les révolutionnaires. En réalité, il s'agit de soldats libyens appartenant aux tribus noires du pays. Aucun d'entre eux ne vient de l'étranger. Il en ira de même tout au long de son périple.

Donatella Rovera, la responsable d'Amnesty International dans ce pays, ne trouvera « aucune information concrète sur la présence de mercenaires ». Selon elle, « au tout début du conflit, quelques ouvriers clandestins venus d'Afrique subsaharienne furent présentés à la presse étrangère comme des mercenaires, avant qu'on les relâche dans la plus grande discrétion. L'absence de toute déclaration publique sur leur innocence a permis au CNT de maintenir l'ambiguïté, en brandissant le spectre du “mercenaire” tout au long de ce conflit, dès que le besoin s'en faisait sentir ». Un ressort commode, tant la haine de l'Africain s'enracine profondément au coeur de la société libyenne : « Les révolutionnaires capitalisent sur la xénophobie ambiante », explique Diana Eltahawy, une autre membre de l'équipe d'Amnesty.

Quand le New York Times parle de « relent raciste » chez les rebelles, il est encore bien loin de la vérité. Dans un excellent article du Gardian intitulé : « La spectaculaire révolution libyenne déshonorée par le racisme », Richard Seymour décrit un slogan peint sur les murs de Misrata, saluant « la brigade qui purge le pays de ses esclaves noirs ! ». Au terme de cette révolution censée promouvoir la justice et la liberté, la haine et le rejet de l'autre demeurent plus vivaces que jamais. Le fossé creusé par cette guerre sépare non seulement les Africains des Libyens, mais aussi les Noirs et les Arabes de ce même pays. Il ne s'agit plus seulement de nationalité ou de politique, mais bien d'un problème lié à la couleur de la peau. Un nouvel apartheid se met lentement en place, sous le prétexte fallacieux d'anciennes sympathies kadhafistes plus ou moins avérées. Dans le nouvel ordre du pays, on considère les Noirs comme les ennemis de la révolution. Tous. Sans exception. D'ailleurs, le mythe des mercenaires africains déferlant sur la Libye ne constitue pas le seul mensonge du conflit. L'histoire des viols et des containers de Viagra, plus grotesque encore, révèle une tendance récurrente à la manipulation de la part de la France et de ses alliés libyens, qui exploitent les peurs et l'ignorance de la population des deux côtés de la Méditerranée.

Au mois de juin 2011, le procureur du Tribunal pénal international, Luis Moreno Ocampo1, affirme disposer de preuves concernant l'achat et la distribution de pilules type Viagra par les autorités libyennes, dans le cadre d'une campagne officielle de viol à grande échelle. Quand une institution indépendante comme le TPI adopte une position si tranchée sur un sujet aussi grave, on peut raisonnablement penser qu'elle dispose d'arguments solides pour l'étayer, par exemple des preuves obtenues au terme d'une enquête impartiale et rigoureuse… Mais faut-il vraiment y croire ? En particulier quand les rapports d'Amnesty International ou de Human Rights Watch infirment cette conclusion, au terme d'une investigation nettement plus fouillée que celle du TPI ? En effet, ces deux organisations, difficilement soupçonnables de complaisance envers les soldats de Kadhafi, se pencheront en détail sur ce dossier. Elles dépêcheront des équipes de professionnels sur le terrain, qui recueilleront des centaines et des centaines de témoignages pendant des mois. Pourtant, au terme de leurs enquêtes respectives, elles ne trouveront strictement aucune trace de ces viols à grande échelle. Ainsi, soit le Viagra n'a pas fonctionné, soit le TPI et le CNT ont menti…

libye,médias,manipulation,sahelistanÀ ce sujet, Donatella Rovera explique : « Nous n'avons pu trouver aucune victime [de viol] en trois mois d'enquête sur le terrain. Ni même rencontrer des gens qui en connaissaient une. Sauf la doctoresse libyenne (pro-CNT) qui s'était déjà abondamment exprimée sur le sujet dans les médias. Pourtant, même cette femme a été incapable de nous mettre en contact avec ne serait-ce qu'une seule des victimes qu'elle prétend avoir rencontrées1. » Même son de cloche à l'organisation Human Rights Watch, lorsque Liesel Gerntholtz2, responsable des droits de la femme, déclare qu'elle ne dispose d'« aucune preuve » concernant les viols imputés aux troupes de Kadhafi.

Pourtant, de telles atrocités commises à grande échelle, si elles existent, laissent forcément des traces. Il apparaît donc clairement que ces « viols de masse » et ces « distributions de Viagra » constituent une manipulation de plus dans la guerre de propagande menée par le CNT. Tout comme cette graisse à fusil distribuée par Kadhafi à ses hommes, pour « faciliter » leurs ébats : une rumeur sans le moindre fondement, pourtant reprise par Bernard-Henri Lévy dans son livre !

Extrait de "Sahelistan" (Editions du seuil), 2013.

En savoir plus sur http://www.atlantico.fr/decryptage/intervention-en-libye-oui-medias-occidentaux-ont-trompe-opinion-samuel-laurent-722905.html#RuXbu0I0LpKgKTUv.99

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Extrait de "Sahelistan" (1/2).

En savoir plus sur http://www.atlantico.fr/decryptage/intervention-en-libye-oui-medias-occidentaux-ont-trompe-opinion-samuel-laurent-722905.html#UQsuxjCzDk5gecRc9

17/03/2013

L'assourdissant silence des médias français sur la répression à Djibouti

djibouti-les-forces-francaises-ffdj-rehabilitent-l-ecole-de-dorra.jpgLes médias français se taisent-ils lorsqu’il s’agit de dénoncer la répression à Djibouti, cet Etat de la Corne de l’Afrique où la France a des intérêts, notamment en terme de défense, puisqu'elle accueille la plus grande base militaire française?

A l'occasion des élections législatives djiboutiennes de février 2013, trois grands connaisseurs de la région, l’écrivain Abourahman Waberi, lui même Djiboutien, le philosophe Dimitri Verdonick et Ali Deberkale, représentant auprès de l’Union européenne de l’USN, la coalition d’opposition djiboutienne, livrent une tribune qui critique l'absence de critique des médias français à l'égard du pouvoir djiboutien, publiée par le site La Règle du jeu.

A Djibouti, la répression et l'absence de liberté d’opposition et d’expression ne datent pas d’hier. Et les Djiboutiens sont encore loin d'être libres, nous disent les trois auteurs, contrairement à ce qui transparaît dans les médias français. C’est une déception car, en cette année électorale —des élections législatives ont eu lieu le 22 février 2013— le pays semblait, enfin, s’ouvrir au jeu démocratique:

«Pour la première fois depuis dix ans, les opposants réunis au sein d’une coalition inédite de six partis d’opposition- l’Union pour le Salut National (UNS)», avaient ainsi pris la décision historique de se présenter aux élections.

Pour la première fois aussi, l’opposant exilé en Belgique Daher Ahmed Farah, porte-parole de la coalition d'opposition, est rentré au bercail, conscient pourtant du risque pris. Il a depuis été arrêté. Et «de ce retour d’exil acclamé par la population djiboutienne, les médias français n’ont dit mot».

Une ouverture tout de même relative, puisque face à la mobilisation massive de la population et de l’opposition, «le régime a multiplié les provocations». Un écolier de 14 ans a ainsi trouvé la mort, tué par balles par les services secrets du président Ismaël Omar Guelleh, alors qu’il manifestait avec un groupe d’adolescents à la veille des élections législatives.

Peu de lecteurs de médias français savent que des élections viennent de se tenir à Djibouti. Et les rares informations relayées par les médias français sont loin de tout dire:

«Dès le lendemain des élections, reprenant en chœur une dépêche de l’AFP, certains médias ont annoncé – sans les interroger – les chiffres avancés par le régime et noté que les élections s’étaient déroulées dans le calme.»

«Aucun n’aura appris que l’opposition a proclamé sa propre victoire, ce qui ne revient pas du tout au même que de contester la victoire de son adversaire. Aucun n’aura été informé que, dès le lendemain des élections, le régime djiboutien a renoué avec ses bonnes vieilles habitudes, en arrêtant massivement les manifestants, en enfermant les plus gênants d’entre eux (300 personnes dont 37 femmes et un enfant à l’heure où nous écrivons ces lignes) et en tentant par tous les moyens de réduire au silence les voix de l’opposition politique assignée à résidence et de la contestation populaire d’une ampleur inédite à Djibouti»

«C’est ce qui se passe à Djibouti en période pré-électorale: des balles et du sang pour tous ceux qui réclament des élections libres, transparentes et équitables. ». C’est ce qui s’était déjà produit lors de la présidentielle d’avril 2011: plusieurs dizaines de jeunes manifestants avaient été tués, et des centaines d’arrestations et détentions arbitraires avaient eu lieu.

«Une fois encore, les grands médias français n’ont pas jugé intéressant d’interroger cette situation, malgré les intérêts de la France sur place» constatent les trois auteurs avec colère.

11:20 Publié dans Actualités, Eclairage, Informations, Manipulation | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : djibouti, silence, médias | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |

10/03/2013

MEDIAS VENEZUELA : LE MONDE-L’HUMANITE : QUI MENT ?

hugo chavez,vénézuéla,médiasPratiquement le même jour deux articles ont été publié sur les médias au Vénézuela par le Monde et l’Humanité aux conclusions totalement différentes. Le journal le Monde reprend pratiquement mot pour mot la totalité de l’argumentation de l’association américaine Human Rights Watch (HRW) financée par les USA et dont les campagnes menées dans le monde sont partout très controversées tellement elles sont calquées sur la politique internationale des Etats Unis et justifie de manière systématique cette politique.

Le Monde oublie dans son article de préciser que Hugo Chavez et son gouvernement avait la quasi-totalité de la presse contre lui, 79 chaines de télévision sur 81, 706 radios sur 709, et la quasi-totalité de la Presse écrite. Petit oubli qui en dit long sur l’objectivité de ce journal qui depuis des années mène une véritable croisade, comme la quasi-totalité de la presse française, les partis politiques de droite, les Etats Unis, contre Hugo Chavez et sa politique.

La conclusion donnons là à Fidel Castro qui a déclaré : « Si vous voulez savoir qui était Chavez, regardez qui pleure sa disparition, et regardez qui s’en réjouissent, là vous aurez votre réponse ».

 A vous de juger

LE MONDE

Comment Chavez a utilisé les médias pendant sa présidence

Trois mois sans un mot, sans une apparition. La disparition publique du président venezuélien, Hugo Chavez, depuis le 8 décembre, constituait à elle seule un mauvais présage, qu'est venu confirmer l'annonce, mardi 5 mars, de la mort du "Comandante", dont les quatorze années à la tête du Vénézuela ont été vantées par une médiatisation sans commune mesure. Orateur hors pair, ayant un vrai sens du spectacle, le président Chavez a mis les médias au service du culte de sa personne.

L'Etat dispose de sept chaînes de télévision et de trois radios nationales que Chavez a mobilisées pour rallier le peuple venezuélien à sa "révolution bolivarienne" ou orchestrer un véritable show autour de sa santé, dès sa première hospitalisation en juin 2011. Lors de la campagne électorale pour sa réélection en 2012, après une absence due à son cancer de la zone pelvienne, le président Chavez a opéré un véritable matraquage médiatique, déjouant la régulation sur le temps d'antenne autorisé à chaque candidat en parlant en qualité de chef d'Etat.

MATRAQUAGE MÉDIATIQUE

Dans un rapport publié en août 2012, Reporters sans frontières critiquait ainsi la "confiscation de la parole publique, la perturbation volontaire de la programmation audiovisuelle" et une "forme de censure" représentées par les discours du président – les "cadenas" ("chaînes") imposées à l'ensemble des antennes, à tout moment et sans limite de durée. Entre son investiture en 1999 et le 3 février 2010, on enregistre 2 000 interventions de ce type, pour une durée équivalente à deux mois pleins sans interruption, sans compter le programme dominical Aló Presidente ("Allo Président") qu'animait M. Chavez.

Depuis la création de Alo Presidente, en mai 1999, le président Chavez a animé ce show hebdomadaire à rallonge au gré de ses humeurs, racontant des histoires, chantant des chansons, moquant ses ennemis ou annonçant des décisions politiques, comme la nationalisation de grandes compagnies. Ces monologues interminables, pouvant durer jusque six ou sept heures, ont donné leur lot de "moments-culte". "Tu es un âne, mister Danger", avait-il ainsi invectivé le président américain George W. Bush dans son émission du 19 mars 2006.

DES MÉDIAS MIS AU PAS

Amendes contre la chaîne Globovision pour avoir "suscité l'angoisse au sein de la population", fermeture de la plus ancienne chaîne privée, RCTV, réduction de la publicité privée : Hugo Chavez a mis les médias au pas. "Sous le régime Chavez, le gouvernement a étendu de manière spectaculaire ses moyens de contrôle des informations diffusées par les médias audiovisuels et la presse écrite du pays", pointe ainsi l'organisation Human Rights Watch (HRW).

L'organisation cite ainsi les lois qu'il a faites adopter pour élargir et durcir les sanctions pour la diffusion de propos "offensants" à l'égard des responsables du gouvernement, pour interdire la diffusion de messages susceptibles de "susciter l'anxiété au sein de la population" et permettre la suspension arbitraire de chaînes de télévision, de stations de radio et de sites Internet. Par cette politique, présentée comme nécessaire pour "démocratiser" les ondes dans le pays, "le gouvernement a abusé de sa compétence réglementaire pour intimider et censurer ses détracteurs", commente HRW.

Les chaînes de télévision gouvernementales sont passées de une à six, tandis que les chaînes privées critiques à l'égard du gouvernement étaient menacées. "Les sanctions et la censure imposées aux médias privés sous le régime Chavez ont eu un fort impact sur les organismes de radio ou de télévision et les journalistes (...) La crainte de représailles gouvernementales a fait de l'autocensure un grave problème", indique encore HRW.

DEUX CAS D'ÉCOLE : RCTV ET GLOBOVISION

La plus ancienne chaîne de télévision privée vénézuélienne, RCTV, en a fait les frais. Après avoir diffusé en novembre 2006 une séquence vidéo où le ministre de l'énergie vénézuélien disait aux employés de la compagnie pétrolière nationale que, s'ils ne soutenaient pas le président, ils devaient quitter leur travail, Chavez a prévenu publiquement RCTV et d'autres chaînes qu'elles pourraient perdre leur licence. Un mois plus tard, le président a décidé unilatéralement que RCTV ne serait plus "tolérée" sur les fréquences publiques dès l'année suivante. En mai 2007, RCTV a cessé d'émettre sur les fréquences ouvertes mais a continué sa diffusion sur le câble. Trois ans plus tard, il a également exclu RCTV du réseau câblé, en forçant les opérateurs de ce réseau à cesser de transmettre ses programmes.

Devenue la seule chaîne de télévision nationale critique à l'égard des politiques du régime, Globovision s'est dès lors retrouvée dans le viseur du régime. Sa couverture, en juin 2011, d'une émeute dans une prison, où des familles de détenus accusaient les forces de sécurité de les tuer, a été vilipendée par le président vénézuélien comme une tentative de "mettre le feu au pays... dans le seul but de renverser ce gouvernement".

Les pouvoirs publics ont rapidement lancé une enquête administrative sur le traitement de la violence par Globovision et, en octobre, ont décidé que la chaîne avait "encouragé à la haine pour des raisons politiques et engendré l'angoisse dans la population", exigeant une amende de 2,1 millions de dollars, soit 7,5% des revenus de la société en 2010. Actuellement, Globovision fait l'objet de sept autres enquêtes administratives.

 

L’HUMANITE

L’armada médiatique de la droite

Il avait contre lui la quasi-totalité des chaînes de télé, des radios, des journaux, et pourtant…

Hugo Chavez est parti. La maladie a eu raison d’un dirigeant que les médias, tant occidentaux que vénézuéliens, ont critiqué, raillé, moqué et accusé de tous les maux.

Au Venezuela, il avait contre lui la quasi-totalité des médias audiovisuels et de la presse écrite. Sur les 81 chaînes de télévision du pays, 79 sont privées et majoritairement aux mains de l’opposition.

Quatre d’entre elles, RCTV qui diffuse par le câble et par satellite, Globovision, Televen et Venevision, contrôlent pratiquement l’espace médiatique. Pire, ces médias télévisés avaient soutenu le putsch militaire du 11 avril 2002 contre Hugo Chavez.

Mieux, le patron de RCTV, Marcel Garnier, qui possède en plus 40 chaînes de télévision locales, et qui avait ouvertement soutenu le coup d’État, n’a pas été emprisonné : il est resté libre et a poursuivi son activité. Or, dans n’importe quel pays démocratique, il aurait été poursuivi en justice et condamné.

Poursuivons : sur les 709 radios du pays, 706 sont privées et majoritairement aux mains des opposants à Chavez. Enfin, tous les journaux sont privés, et les grands titres de la presse du pays El Universal et El Nacional, lesquels avaient également soutenu le coup d’État d’avril 2002 (sans être poursuivis), ainsi que la majorité des titres privés ont continué de tirer à boulets rouges contre le leader vénézuélien.

Malgré cette armada médiatique et en dépit de sa maladie, Chavez l’avait emporté en octobre dernier avec plus de 54 % des suffrages face à son rival de droite Henrique Capriles Radonski.

Enfant de la grande bourgeoisie vénézuélienne, encensé par les médias occidentaux, Capriles avait pourtant un passé de putschiste : en 2002, lors du coup d’État avorté contre Chavez, il s’était illustré en attaquant l’ambassade de Cuba et avait été condamné à cent dix-neuf jours de prison. C’est moins qu’un loubard de la banlieue parisienne.

Hassane Zerrouky