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27/07/2017

« quand on dépasse les bornes, il n’y a plus de limites »

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Suite à l’article du Monde Magazine, daté du 1er juillet « Le trésor perdu du PCF », Pierre Laurent a écrit au directeur de rédaction. Voici le contenu de la lettre:

A l’attention de M. le Directeur de rédaction

LE MONDE – M Le Mag

80 Boulevard Auguste Blanqui

75 013 Paris

Monsieur le directeur,

Je sais bien que nous sommes en été et qu’il vous faut cependant remplir les pages de vos journaux. Je sais bien qu’il est devenu aujourd’hui un banal marronnier de se payer la tête du PCF en croyant étriper son histoire. Mais enfin, comme dit le sapeur Camembert, « quand on dépasse les bornes, il n’y a plus de limites ». Et là, dans l’article du Monde Magazine, daté du 1er juillet « Le trésor perdu du PCF », elles ont été allègrement franchies. On pouvait s’attendre à du sérieux, nous n’avons eu que du ridicule et de l’approximatif grotesque ce qui est bien dommage pour la réputation de votre journal. Ce papier ressemble plutôt à une mauvaise copie dans laquelle le potache cherche à épater le correcteur à coups de formules « choc » quand il ne fait qu’étaler son ignorance.

Il serait trop long – et cet article ne le mérite pas – de reprendre point par point erreurs et confusions. Il est en effet comique de voir « La Maison de la pensée française »  située  « au sein de la cantine de l’usine Renault à Boulogne-Billancourt ». Il est tout aussi bouffon qu’ André Fougeron et Édouard Pignon soient déclarés « peintres officiels du parti communiste français » (ils doivent se retourner dans leur tombe). Il est ridicule de présenter Les Lettres françaises comme « une revue » (vos « prodiges » n’en ont sans doute jamais eu un exemplaire sous les yeux !). Autant de perles auxquelles s’ajoutent quelques touches de mauvaise foi, par exemple rendre le PCF responsable du fait que des éditions luxueuses acquises par des bibliophiles soient aujourd’hui revendues (par qui ?) à prix d’or dans les salles des ventes… Encore un effort, et vos folliculaires pourraient peut-être accuser le PCF du prix exorbitant de certaines affiches de mai 1968 qui se vendent aussi très bien aujourd’hui !

Mais cessons là et venons en au fond. L’article cherche en fait à tourner en ridicule de grands artistes qui voulaient – quelle folie ! – « rendre l’art accessible aux classes populaires » et n’auraient été ainsi que des gogos aveugles sinon stupides, et on parle là, je vous le rappelle, de Fernand Léger, Pablo Picasso, Louis Aragon, Paul Eluard, Pablo Neruda, Édouard Pignon, entre autres. Ceux qui dressent ce réquisitoire semblent tout ignorer de l’histoire du XXe siècle et étalent, à peu de frais, leur mépris pour ces grandes figures ! Pour ce qui concerne l’apport des uns et des autres à l’humanité, la lutte est bien inégale, non ?

Je suis tout autant meurtri que vous ayez publié sans barguigner un papier aussi méprisant pour les ouvriers qui semblent, dans vos colonnes, voués à une bêtise indécrottable. Nous sommes décidément là en plein racisme social, délivré par ceux qui se posent comme « élite » éclairée et donneuse de leçons. Peut-être pourriez-vous leur apprendre qu’Édouard Pignon, né dans une famille de mineurs, fut d’abord ouvrier (galibot, puis manœuvre dans le bâtiment), que Fernand Léger naquit dans une famille de paysans, que etc… Et qu’on n’est pas condamné, notamment grâce à l’action d’un parti comme le nôtre, au déterminisme implacable de ses conditions sociales d’origine. Peut-être encore pourriez-vous leur signifier que bien des villes ouvrières doivent notamment aux communistes leur théâtre, leur cinéma, leur médiathèque, leur salle d’exposition… Et que la fameuse formule d’Antoine Vitez « être élitaire pour tous » est toujours aujourd’hui une excellente définition du combat communiste.

Au milieu de toutes ces fadaises, votre article répand aussi un pseudo-scoop, un peu réchauffé en fait car il a déjà été utilisé dans vos colonnes, mais pour une autre œuvre de Fernand Léger. En 2007, une délégation de la direction du PCF se serait rendue auprès du directeur d’un grand musée d’Art moderne avec l’intention de vendre la tapisserie de Fernand Léger « J’écris ton nom Liberté » qui est évidemment toujours accrochée dans l’immeuble du PCF, place du Colonel Fabien. Ce courageux directeur, qui n’hésite pas à confier à la presse pareille baliverne, souhaite rester anonyme, et on le comprend. Je ne vous demande pas de révéler son nom, car fort légitimement vous protégez vos sources mais je vous mets au défi de donner à vos lecteurs les noms des dirigeants qui composaient cette fantomatique délégation. Là, il ne devrait pas y avoir pour vous de gros problèmes déontologiques, puisque – vos collaborateurs le démontrent – tous les coups sont permis contre le PCF. Mais sachez-le, je dors tranquille !

place colonel fabien.jpgUne dernière remarque : vos « journalistes » évoquent l’immeuble d’Oscar Niemeyer comme « un vrai bijou de famille entretenu comme une vieille Chevrolet cubaine par les derniers communistes ». On mesure la finesse du style et la hauteur de vue. Mais voilà qui ne va pas faire plaisir au ministère de la culture qui a inscrit l’immeuble au « Patrimoine » et aux dizaines de milliers de visiteurs annuels de ce site dont ils apprécient le geste architectural. Oui, le PCF s’honore de faire vivre ce haut lieu culturel au cœur de la capitale.

Monsieur le directeur, vous connaissez la boutade d’Alexandre Dumas : « J’aime mieux les méchants que les imbéciles, car parfois ils se reposent. » Je vous laisse le soin de choisir la catégorie dans laquelle ranger les auteurs de cet article. Mais dites-leur bien de ma part : nous sommes en été, et surtout qu’ils se reposent… Pour conclure, serait-il excessif de vous demander de présenter des excuses à tous les communistes pour ces fariboles que votre journal a publiées ? Je vous laisse juge.

Pierre Laurent

Secrétaire national du Parti communiste français

13/12/2013

Quel est le but de cette campagne contre l’Humanité ?

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Une cohorte déchaînée de la bien pensance radiophonique, en appui de quelques groupuscules de droite, s’attaque violemment depuis quelques jours au Parlement et à l’Humanité.

Pourquoi ? L’Humanité aurait reçu un cadeau de l’Etat qui lui effacerait ses dettes. Rien que ça ! Sans même vérifier de quoi il s’agit exactement, sans même prendre la précaution de nous passer un coup de fil confraternel, une équipée, qui va de Mrs Apathie, Brunet, Morandini et consors, multiplie les chroniques, émissions spéciales, sous-entendus et autre insinuations pour calomnier l’Humanité, souhaiter sa mort tout en accusant l’Assemblée nationale de complicité coupable. Mme Le Pen leur est venue subrepticement en renfort il ya quelques jours. Et voici que de petits groupes liés à des droites extrêmes lancent une pétition demandant à l’Etat de ne pas payer les dettes de l’Humanité. C’est une farce ! Cela fait près de 30 ans qu’on n’avait pas entendu de tels propos haineux à l’encontre de notre journal.

S’il s’agissait de critiquer un vote des députés ou un choix gouvernemental, rien de plus naturel en démocratie. Mais c’est de bien autre chose dont il est question qui se résume en un seul slogan à propos de nous : qu’ils crèvent ! Et tant qu’elle y est, toute cette bonne société qui petit-déjeune, déjeune et dîne dans le beau monde, passant d’un média privé à un autre, négociant ses bons salaires chaque année au moment du mercato télévisuel, en vient à crier haut et fort, que c’est toute la presse écrite qui est trop, bien trop aidée. Que des citoyens, des salariés, des petits patrons qui, actuellement souffrent terriblement de la crise, des fins de mois difficiles, du manque de débouchés pour leurs productions ou de la cherté du crédit, soient offusqués par un tel prétendu cadeau, peut se comprendre. Mais il ne s’agit pas de cela. Et je veux m’en expliquer.

De quoi s’agit-il ? A la fin de l’année 2000 l’Humanité se trouvait en grave difficulté, proche de la cessation de paiement. Un plan de redressement lourd était décidé à la suite de ma nomination. Il comprenait une sévère restructuration sociale, industrielle et économique, sur laquelle je ne reviens pas ici. Pour la mener à bien, il était indispensable de disposer de prêts relais pour faire face à un certain nombre d’échéances impératives. Avec le directeur financier de l’époque, nous avons rencontré au moins 11 dirigeants de banques importantes. Aucune d’entre elles ne voulait aider une PME dans notre situation ; encore moins une entreprise de presse. Et évidemment, encore moins l’Humanité, journal de la gauche de la transformation sociale et écologique. Face au péril qui menaçait, j’ai du, en désespoir de cause, me tourner vers la banque publique, Banque de développement des PME (BDPME) devenue par la suite OSEO. Celle-ci faisant la même analyse que les autres banques refusait d’accorder quelque crédit que ce soit sans garantie. Me tournant vers la structure du CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle), rattachée à Bercy pour traiter de la situation des entreprises en très grande difficulté, notre dossier est devenu encore plus sensible. Au terme de ce parcours du combattant, les pouvoirs publics ont demandé au CIRI et au Fonds de développement économique et social (FDES) de réétudier l’ensemble de notre dossier. C’est là qu’enfin nous avons obtenu trois lots de prêts étalés sur deux années en lien avec le FDES. Le premier, le 24 décembre 2001 pour une valeur de 1,5 millions d’euros. Nous avons remboursé son capital et ses intérêts, soit plus de 2 millions d’euros. Un second au mois de mars 2002 pour un capital de 2,2 millions d’euros pour lequel nous avons remboursé au total une somme dépassant les 3 millions d’euros. Un troisième, le 4 avril 2002 dénommé « prêt participatif », aux taux d’intérêt progressifs, pour une somme de 3,2 millions d’euros. Sur ce prêt, nous avons remboursé environ 20% du capital mais nous payons des intérêts très élevés depuis l’année 2007 puisque pour un emprunt de 3,2 millions d’euros, ils représentent 3,1 millions d’euros. C’est dans ce cadre, et en tenant compte de ces frais financiers exorbitants et pour permettre la reconstitution du capital de l’Humanité que j’ai demandé depuis des années aux gouvernements successifs de reconsidérer notre situation. Tous les gouvernements, sans exception, l’ont toujours admis et sont restés ouverts à nos demandes. En 2009, avait été décidée une solution d’attente transitoire consistant à repousser de 5 ans le remboursement du capital. Mais avec cette formule, les frais financiers ont continué à peser sur notre trésorerie et nos résultats comptables.

A la suite de ces différents examens, l’actuel gouvernement a décidé, en toute transparence et au nom du pluralisme de la presse, de proposer au Parlement de nous délivrer de ce fardeau qui, comme pour d’autres petites entreprises, nous asphyxie à cause des frais financiers. Du reste, c’est contre cette logique que l’Humanité, avec le Front de gauche et d’autres, mène campagne contre les coûts du capital et non pour accuser ceux du travail, comme le font quotidiennement nos censeurs médiatiques, bien moins regardant quand il s’agit du cadeau de 20 milliards d’euros fait au grand patronat ou encore des faramineuses retraites-chapeaux. L’Etat n’est en rien spolié puisque les frais financiers dont nous nous sommes acquittés remboursent largement le capital. Il est ici dans son rôle républicain de garant de la démocratie, de la libre expression des opinions et des idées et donc du pluralisme de la presse écrite d’information générale et politique. Un pluralisme bien utile. Nous sommes à un moment où le monde entier, toute la presse, rend hommage et célèbre Nelson Mandela. Nous nous en réjouissons. Mais, nous ne pouvons oublier que l’Humanité a été bien seule pour faire connaître le sort du dirigeant sud-africain qualifié de « terroriste » pour justifier sa détention par le régime d’apartheid. Rappelons également les campagnes d’information et de décryptage de l’Humanité anticipatrices lorsqu’elles montraient que le traité de Maastricht puis celui de Lisbonne conduisaient l’Union européenne et les peuples dans le mur. On pourrait ainsi multiplier les exemples. Faire taire la voix de l’Humanité conduirait à désarmer des forces sociales, syndicales, culturelles de leur action pour l’émancipation humaine. Peut-être est-ce d’ailleurs l’objet des actuelles campagnes ?

Enfin, nos procureurs brandissent devant nous une étude bien commode de la Cour des comptes qui, par de savants calculs, a décrété que l’Humanité est le journal le plus aidé. Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage ! Je suis prêt, bien sûr, à produire des chiffres, notamment dans le cadre de débats contradictoires avec nos accusateurs que les stations qui les emploient auront à cœur, j’en suis sûr, d’organiser.

La prétendue aide dont bénéficie l’Humanité reste au tiers inférieur de celle allouée à certains confrères. Elle répond tout à fait à ce que prévoit la loi pour les quotidiens à faibles ressources publicitaires. De surcroît, depuis l’année 2000, cette aide a été diminuée de 1 million d’euros qui nous aurait été bien utile.

Autre argument de nos grands maîtres à penser, notre diffusion. Comme si l’Humanité était le seul journal à perdre des lecteurs ! Même si nous ne distribuons aucun journal dans les chaînes d’hôtel, de parking ou dans les premières classes de la SNCF.

Je remarque au passage, qu’aucun confrère de la presse écrite qui vit les mêmes difficultés que l’Humanité, n’a ouvert ses colonnes à ces zorros en peau de lapin. S’il en est ainsi, c’est qu’à l’exception de nos amis de La Croix, tous les journaux perdent des lecteurs et aucun ne vit de la vente de ses titres. La diffusion de l’ensemble de la presse payante a diminué de 180% depuis la Libération. Cela ne doit réjouir personne. Affaiblir un organe de presse ou le fermer comme cela a été malheureusement le cas pour France Soir, Infomatin, Le Matin de Paris ou la réduction de la voilure de La Tribune revient à mettre à chaque fois des centaines de salariés, dont de nombreux journalistes, au chômage. Au-delà, ce sont des milliers de chômeurs supplémentaires dans l’ensemble de la chaîne de production et de distribution des journaux. Et ce qui se passe depuis plusieurs mois dans le monde entier est inquiétant pour toutes et tous sauf évidemment pour les intégristes, les simplistes populistes et l’extrême-droite qui rêvent d’un peuple asservi sans livre, sans théâtre, sans cinéma, sans maisons de la culture, sans journaux mais peut-être truffé d’écoles privées.

Dans un tel monde, toute la presse et la télévision seraient aux mains des puissances d’argent au service d’une pensée unique. Aucun démocrate, aucun républicain qu’il soit de droite ou de gauche ne peut le souhaiter. C’est la question essentielle. A quelle valeur chiffre-t-on la démocratie, le pluralisme des idées, le débat, l’accès à la culture dans une société ? Evidemment, les forces de l’argent et leurs perroquets n’ont pas encore inventé des agences de notation pour cela. Pluralisme, démocratie, respect mutuel, autant de conditions qui vaillent pour faire société et monde ensemble dans cette période de crise qui bouleverse tout, fracture les vies et déchire les repères.

Si nos procureurs ont terminé leur plaidoirie et sont prêts au débat, je suis à leur disposition.

Patrick Le Hyaric, directeur de l'Humanité

PS : Aurélie Filippeti ministre de la culture a donné les précisions suivantes sur l'aide aux journaux par l'Etat :

- Le Figaro et le Monde sont les journaux les plus aidés avec 18 millions d'€ chacun,

- Ouest France : 12 millions d'€

- La Croix : 11 millions d'€

- L'Humanité lui n'a obtenu que 6 millions d'€

03/10/2013

Islam : Plantu dérape, la CGT « déshonorée »

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« Indécent », « anti-républicain » : c’est par ces mots que le secrétaire général de la CGT, Thierry Lepaon, a qualifié le dessin de Plantu, paru dans Le Monde daté du mardi 1er octobre, en plein débat sur le travail dominical. Le dessin représente un militant de la CGT interdisant à une salariée de Castorama d'aller travailler le dimanche, placé sur le même plan qu’un intégriste musulman interdisant à une petite fille d'aller à l'école.

Dans une lettre à la directrice du Monde Nathalie Nougayrède, il affirme avoir « pris connaissance avec consternation, dégoût et tristesse » de ce dessin qui « nous déshonore tous ».

« Que la posture de la CGT soit remise en cause, moquée, voire ridiculisée ne nous a jamais choqués, c'est la règle du jeu de la presse dans une société démocratique. Le miroir que celle-ci nous renvoie parfois peut même s'avérer salutaire. (…) Mais le parallèle que fait le dessin de Plantu entre la CGT et la face la plus violente d'un extrémisme politique liberticide ne relève pas de ce registre-là », a écrit le leader du syndicat.

21:31 Publié dans Actualités, Dessin, Manipulation, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cgt, le monde, plantu, travail de nuit | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |

01/09/2013

MADAME LA DIRECTRICE DU "MONDE", VOILÀ POURQUOI VOTRE EDITORIAL M'A SCANDALISE

Syrie : JEAN-FRANÇOIS KAHN A LA DIRECTRICE DU "MONDE".

Les directeurs de journal ne devraient jamais prendre le risque de commettre des articles qui seraient refusés si un rédacteur de base les avait écrits.
 
Ainsi l'éditorial en une signé, l’autre lundi, par la directrice du Monde, Natalie Nougayrède, s'aligne, certes, sur les positions de Bernard-Henri Lévy mais pas, hélas, sur son style.
 
 Que claironne cette excellente personne dans cet article interminable (un édito se devrait, pourtant, d’être court) ? Qu’il faut absolument intervenir militairement en Syrie, même sans aval des Nations unies, ce qui fut, rappelons-le, le cas quand la coalition bushiste envahit l’Irak.
 
A l'évidence, l'avis contraire ne lui inspire aucun respect (elle a d’ailleurs refusé tout débat, c’est plus simple) puisqu’elle l’assimile à une complicité « avec les assassins (pourquoi pas une « complicité objective », comme au bon vieux temps !).
 
Ainsi le pape, qui condamne toute intervention, est complice. Ne rendons pas la pareille à Mme la Directrice. La prise en compte démocratique des arguments de l’autre nous l’interdit. Donc, on ne saurait a prioridiaboliser la position interventionniste.
 
Nous devons admettre qu’elle est bien intentionnée. Et peut-être même juste. A cette condition, cependant : Natalie Nougayrède assumera-t-elle les éventuelles conséquences de ses recommandations ?
 
Car, enfin, nous traînons derrière nous un sacré arriéré de folies passées ensuite par profits et. pertes. Ça a mal tourné ? On n’y est pour rien !
 
irakterr.JPGLa catastrophe cataclysmique irakienne ? Aucun regret, aucune autocritique. Les retombées maléfiques de l’aventure libyenne ? BHL est prêt à remettre ça. L’évacuation lamentable de l’Afghanistan à feu et à sang, Al-Qaida confortée ? De l’histoire ancienne Par pitié, ne nous répétez pas, comme ce juge de l'affaire Dreyfus : « Ces questions ne seront pas posées.
 
Quelles questions ? Celles-là : si une intervention fait sauter le chaudron syrien ; si les jihadistes radicaux en profitent pour envahir l'espace ainsi dégagé et régler leurs comptes à leur façon ; si on assiste à un massacre généralisé des alaouites, des chrétiens, des laïcs et des Kurdes ; si Al-Qaida, comme elle l'a annoncé, se joint à l’offensive occidentale ; si cette horreur provoquait un sauve-qui-peut de millions de civils, comme aujourd'hui de ces Kurdes que les islamistes radicaux égorgent ; si un affrontement général entre sunnites et chiites embrasait la région et faisait voler le Liban en éclats...
 
Dans ce cas, madame la Directrice, assumerez-vous ? Ou vous en laverez-vous les mains Une chute de Bachar al-Assad, de l'affreux Bachar al-Assad, nous sommes prêts à en fêter l'annonce avec vous. Champagne !
Mais vous fêteriez-vous, tout autant le succès des Saoudiens et des Qataris, à qui on ne refuse plus rien quoique leur régime soit aussi totalitaire que le syrien et plus rétrograde : l'éradication régionale de toute alternative démocratique et laïque.
 
A l'inverse, si ce que vous recommandez permet de pacifier la région, apporte le bonheur aux Syriens et conforte les idées de démocratie et de laïcité, je vous jure que je vous rendrai hommage. Que je ne cesserai de vous rendre hommage. Une chance de vous convaincre ? Aucune.
 
Voilà, en effet, ce que vous écrivez : L'emploi d’armes chimiques à grande échelle par le régime syrien le 21 août ne fait aucun doute » et, plus loin, «Nul ne-doute que si, sur place, les inspecteurs de L’ONU ne trouvent pas de preuves, c’est que le régime syrien s'est employé à les détruire ». Aucun doute !
 
Nul ne doute ! Dans le Monde ! Notre modèle, l’incitation permanente, et cartésienne, à conforter nos opinions par le doute. Que se passe-t-il ? Aucun doute ? Bachar al-Assad est absolument capable d'un tel forfait. Quand ? Au moment, juste au moment, où les inspecteurs de l'ONU arrivent à Damas, et cela à 10 km de la capitale syrienne ? Aucun doute ? Admettons...
 
Quand des obus sont tombés sur l’université d’Alep, faisant 70 victimes parmi les étudiants, cela ne faisait aucun doute, y compris pour le Monde, qu’il s’agissait d’un crime de plus des séides de Bachar. Mais, en l’occurrence, c’était les rebelles. Peut-être non volontairement.
 
 Le journaliste français tué par un sniper ? Victime de la soldatesque du régime : aucun doute ! Mais c’était les rebelles. Par inadvertance.
 
Dans les années 50, l’Humanité, le journal- nous décrivait une guerre de Corée manichéenne, en noir et blanc, les anges face aux démons, et seuls les démons, ces salauds d’Américains, pouvaient utiliser des armes bactériologiques.
 
Mais le Monde ? Notre boussole ? Les armes de destruction massive de Saddam Hussein ? Aucun doute ! Timisoara ? Aucun doute ! Les horreurs qu’une officine mise sur pied par Tony Blair inventa pendant la guerre des Balkans (la presse anglaise, elle, s’en est excusée) : aucun doute !
 
D’ailleurs, rappelez-vous, madame Nougayrède... Que le président géorgien. Mikheil Saakachvili, fut un démocrate libéral exemplaire, cela non plus ne faisait aucun doute.
 
 Eh bien, moi, je doute. Je doute beaucoup. Et je considère « l’enquête » comme une façon d’affronter et de transcender ce doute. D’ailleurs, si je ne doutais pas - je serais alors un militant -, je me serais abstenu de donner dans le journalisme.