21/05/2013
Intervention en Libye : oui, les médias occidentaux ont trompé l'opinion
Dépêché en Libye au début de l'année 2012 par un groupe d'investisseurs asiatiques, Samuel Laurent a pour mission de parcourir le pays afin d'évaluer les risques et les opportunités de cette révolution.
Il découvre alors une nation à l'agonie, rongée par la violence et l'anarchie.
"La couverture des événements par les médias occidentaux a suivi une logique très partiale, depuis le début, en décrivant les mouvements de protestations comme non violents, et en suggérant de façon répétée que les forces du régime massacraient aveuglément des manifestants qui ne présentaient aucun risque pour la sécurité. » Ainsi s'exprime Donatella Rovera au sujet de la Libye, dans le bulletin d'Amnesty International de mars 2012.
Les médias occidentaux ont fait feu de tout bois pour souligner l'urgence de la situation et la nécessité d'une intervention militaire en Libye : ils ont dénoncé la menace des mercenaires étrangers, le Viagra offert aux soldats, les viols en série, la graisse à fusil distribuée en guise de lubrifiant, les massacres et bombardements indiscriminés… Or ils nous ont trompés, comme George Bush avait tenté de le faire pour l'Irak à propos des armes de destruction massive. La propagande qui sous-tend notre entrée en guerre repose sur une série de petits mensonges dont des « conseillers » officieux du président vont s'emparer pour leur donner de l'importance dans les médias. Avec le recul, nous pouvons plus facilement lever le voile sur certains d'entre eux. Que penser, par exemple, des prétendus mercenaires et de leur présence massive sur le territoire ? S'agit-il d'une légende ou d'une réalité ?
En février 2011, au début du soulèvement, Kadhafi promet de faire appel à des renforts venus d'Afrique. La peur s'installe et les médias alimentent l'hystérie collective, renforçant la crédibilité d'une menace qui s'avérera sans le moindre fondement. Peter Bouckaert, de Human Rights Watch, explique comment la rumeur progresse au fur et à mesure de la révolution : « De nombreux journalistes s'introduisent dans les zones de détention. Ils prennent des photos de prisonniers puis les présentent comme des mercenaires dans leurs articles et dans leurs reportages. Mais c'est faux ! […] Jusqu'à présent, nous n'avons pas trouvé le moindre mercenaire dans l'est du pays, après des centaines d'interviews et des semaines d'enquête. » Bouckaert se rend par exemple à Beida1 pour rencontrer cent cinquante-six « mercenaires », arrêtés par les révolutionnaires. En réalité, il s'agit de soldats libyens appartenant aux tribus noires du pays. Aucun d'entre eux ne vient de l'étranger. Il en ira de même tout au long de son périple.
Donatella Rovera, la responsable d'Amnesty International dans ce pays, ne trouvera « aucune information concrète sur la présence de mercenaires ». Selon elle, « au tout début du conflit, quelques ouvriers clandestins venus d'Afrique subsaharienne furent présentés à la presse étrangère comme des mercenaires, avant qu'on les relâche dans la plus grande discrétion. L'absence de toute déclaration publique sur leur innocence a permis au CNT de maintenir l'ambiguïté, en brandissant le spectre du “mercenaire” tout au long de ce conflit, dès que le besoin s'en faisait sentir ». Un ressort commode, tant la haine de l'Africain s'enracine profondément au coeur de la société libyenne : « Les révolutionnaires capitalisent sur la xénophobie ambiante », explique Diana Eltahawy, une autre membre de l'équipe d'Amnesty.
Quand le New York Times parle de « relent raciste » chez les rebelles, il est encore bien loin de la vérité. Dans un excellent article du Gardian intitulé : « La spectaculaire révolution libyenne déshonorée par le racisme », Richard Seymour décrit un slogan peint sur les murs de Misrata, saluant « la brigade qui purge le pays de ses esclaves noirs ! ». Au terme de cette révolution censée promouvoir la justice et la liberté, la haine et le rejet de l'autre demeurent plus vivaces que jamais. Le fossé creusé par cette guerre sépare non seulement les Africains des Libyens, mais aussi les Noirs et les Arabes de ce même pays. Il ne s'agit plus seulement de nationalité ou de politique, mais bien d'un problème lié à la couleur de la peau. Un nouvel apartheid se met lentement en place, sous le prétexte fallacieux d'anciennes sympathies kadhafistes plus ou moins avérées. Dans le nouvel ordre du pays, on considère les Noirs comme les ennemis de la révolution. Tous. Sans exception. D'ailleurs, le mythe des mercenaires africains déferlant sur la Libye ne constitue pas le seul mensonge du conflit. L'histoire des viols et des containers de Viagra, plus grotesque encore, révèle une tendance récurrente à la manipulation de la part de la France et de ses alliés libyens, qui exploitent les peurs et l'ignorance de la population des deux côtés de la Méditerranée.
Au mois de juin 2011, le procureur du Tribunal pénal international, Luis Moreno Ocampo1, affirme disposer de preuves concernant l'achat et la distribution de pilules type Viagra par les autorités libyennes, dans le cadre d'une campagne officielle de viol à grande échelle. Quand une institution indépendante comme le TPI adopte une position si tranchée sur un sujet aussi grave, on peut raisonnablement penser qu'elle dispose d'arguments solides pour l'étayer, par exemple des preuves obtenues au terme d'une enquête impartiale et rigoureuse… Mais faut-il vraiment y croire ? En particulier quand les rapports d'Amnesty International ou de Human Rights Watch infirment cette conclusion, au terme d'une investigation nettement plus fouillée que celle du TPI ? En effet, ces deux organisations, difficilement soupçonnables de complaisance envers les soldats de Kadhafi, se pencheront en détail sur ce dossier. Elles dépêcheront des équipes de professionnels sur le terrain, qui recueilleront des centaines et des centaines de témoignages pendant des mois. Pourtant, au terme de leurs enquêtes respectives, elles ne trouveront strictement aucune trace de ces viols à grande échelle. Ainsi, soit le Viagra n'a pas fonctionné, soit le TPI et le CNT ont menti…
À ce sujet, Donatella Rovera explique : « Nous n'avons pu trouver aucune victime [de viol] en trois mois d'enquête sur le terrain. Ni même rencontrer des gens qui en connaissaient une. Sauf la doctoresse libyenne (pro-CNT) qui s'était déjà abondamment exprimée sur le sujet dans les médias. Pourtant, même cette femme a été incapable de nous mettre en contact avec ne serait-ce qu'une seule des victimes qu'elle prétend avoir rencontrées1. » Même son de cloche à l'organisation Human Rights Watch, lorsque Liesel Gerntholtz2, responsable des droits de la femme, déclare qu'elle ne dispose d'« aucune preuve » concernant les viols imputés aux troupes de Kadhafi.
Pourtant, de telles atrocités commises à grande échelle, si elles existent, laissent forcément des traces. Il apparaît donc clairement que ces « viols de masse » et ces « distributions de Viagra » constituent une manipulation de plus dans la guerre de propagande menée par le CNT. Tout comme cette graisse à fusil distribuée par Kadhafi à ses hommes, pour « faciliter » leurs ébats : une rumeur sans le moindre fondement, pourtant reprise par Bernard-Henri Lévy dans son livre !
Extrait de "Sahelistan" (Editions du seuil), 2013.
En savoir plus sur http://www.atlantico.fr/decryptage/intervention-en-libye-oui-medias-occidentaux-ont-trompe-opinion-samuel-laurent-722905.html#RuXbu0I0LpKgKTUv.99
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Extrait de "Sahelistan" (1/2).
En savoir plus sur http://www.atlantico.fr/decryptage/intervention-en-libye-oui-medias-occidentaux-ont-trompe-opinion-samuel-laurent-722905.html#UQsuxjCzDk5gecRc9
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26/04/2013
Journaliste de presse écrite, le pire métier du monde
MEDIAS – Selon une étude du site américain CareerCast, journaliste en presse écrite serait le pire métier parmi des centaines d'autres, aux Etats-Unis en tous cas. Un salaire faible et des conditions de travail stressantes jouent en sa défaveur.
Le métier de journaliste perd de sa superbe. Il serait même le pire métier du monde, parmi des centaines d'autres passés en revue, selon une étude de Careercast, qui publie son classement pour la 25e année consécutive. Basée sur les données du Bureau des statistiques du travail, l'étude montre que le métier de journaliste de presse écrite se retrouve en bas du tableau pour plusieurs raisons.
Un salaire moyen faible avoisinant 36 000 dollars soit presque 28 000 euros, des perspectives professionnelles quasi inexistantes et un stress important. Un métier qui, selon Paul Gillin, "s'effondre en raison du modèle non durable de la presse écrite. Un modèle qui disparaîtra sûrement complètement d'ici dix ans".
Une évolution des technologies qui met à mal le métier
Selon Rochelle Gilken, une ancienne journaliste, faire ce métier était un rêve mais cela s'est transformé en un calvaire au fil des ans en raison d'une paye trop faible et d'un stress grandissant. Elle ajoute que ce média doit faire face à toujours plus de réductions budgétaires et surtout la concurrence accrue de la presse online : "avec l’évolution des technologies, les contenus sont accessibles en lignes de n’importe où et menacent les journaux papiers".
Si vous cherchez une reconversion, préférez plutôt le métier d'actuaire –spécialiste de l'application du calcul des probabilités et des statistiques aux questions d'assurance et de finance– qui arrive en tête du classement, ou encore celui d'ingénieur biomédical.
Article publié par Métro
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08/03/2013
Journalistes / syndicalistes : un mépris de classe ?
Par Romain Geoffroy, 22 ans, Strasbourg, jeune correspondant de l'Humanité.
"Avec moi aujourd’hui, trois stars du syndicalisme de combat", le 5 février dernier, Jean-Pierre Elkabbach reçoit sur Europe 1, trois syndicalistes : Jean-Pierre Mercier (CGT Aulnay PSA), Mickael Wamen (CGT Goodyear Amiens Nord), Edouard Martin (CFDT ArcelorMittal. Décryptage.
Jean-Pierre Mercier vante l’ampleur de la mobilisation à Aulnay, « grâce à nous ce sont zéro voitures qui sortent depuis trois semaines ». Le « matinalier » d’Europe 1 s’insurge alors : « Et vous en êtes fiers ? » L’expression reflète bien le ton paternaliste que prendra Elkabbach tout au long de l’interview. Il faut dire qu’il est plus habitué aux bancs d’HEC, qu’il fréquente lors de l’université du Medef, qu’aux barricades dans les usines en grève.
Dans Les Nouveaux Chiens de Garde, documentaire de Yannick Kergoat et Gilles Balbastre récemment nommé aux César, Michel Naudy (ancien rédacteur en chef chargé de missions à France 3) remarquait : « Les ouvriers sont une réserve d’indiens pour les journalistes. Ils ne viennent pas de ces milieux, ne les connaissent pas. Ils n’en connaissent pas les codes, les conditions de vie, la culture, les traditions. Dès qu’ils rompent avec le consensus mou de la démocratie molle, ils rompent avec la règle du jeu. »
Mercier : "Montebourg fait cause commune avec... par Europe1fr
Un traitement médiatique inégal
Comment réagirait un patron traité comme ces syndicalistes ? Philippe Varin (PSA), Henry Dumortier (Goodyear France) et Lakshmi Mittal (ArcelorMittal) bénéficient, comme tous les « grands », de l’aide d’une équipe de communicants. Chaque intervention est préparée, le ton est mesuré. Ils sont d’ailleurs bien plus habitués aux projecteurs que des ouvriers, invités uniquement lors des grandes crises industrielles. En 1996, Pierre Bourdieu s’attaquait au monde médiatique dans Sur la Télévision.
Il écrivait alors « Il est évident que tous les locuteurs ne sont pas égaux sur le plateau. Vous avez des professionnels de la parole et du plateau, et en face d’eux des amateurs (…), c’est d’une inégalité extraordinaire. Et pour rétablir un tout petit peu d’égalité, il faudrait que le présentateur soit inégal, c’est-à-dire qu’il assiste les plus démunis relativement. » Il s’étonnait alors de voir à quel point ce n’était pas le cas dans les médias de masse, avec des présentateurs qui non seulement n’aident pas les défavorisés, mais les enfoncent.
19 ans plus tard, la situation n’a pas évolué, les chiens de garde du système occupent les plus hautes sphères médiatiques. Les micros, les caméras, les colonnes des journaux leur sont grands ouverts. Alors que tous les sondages montrent la méfiance de plus en plus croissante du public face aux journalistes, aucune instance de déontologie compétente n’a encore été mise en place.
17:26 Publié dans Actualités, Dossier, Informations, Journal, Réflexions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : goodyear, libres-échanges, journalistes | |
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13/02/2011
Médias: la défiance gagne du terrain
Le 24e baromètre annuel La Croix-TNS Sofres confirme un nouvel effritement de la confiance des français pour leurs médias (radio, presse écrite, télévision et internet).
Les Français aiment l’information mais peut-être pas celle que leur fournissent les médias à qui ils reprochent globalement leur manque d’indépendance à l’égard des pouvoirs (politique et économique) et leur goût pour le spectaculaire. Un chiffre résume ce décalage : seuls 24 % des Français ont entendu parler de Wikileaks et ont été intéressés par cette affaire. 36 % en ont entendu parler sans que cela ne les intéresse vraiment et 37 % (52 % des ouvriers) n’en ont même pas entendu parler…
La Croix rapporte que, selon Wikileaks, la diplomatie américaine juge que « le secteur privé des médias en France, journaux, TV et radios, continue d’être dominé par un petit groupe de conglomérats. »
Selon ce 24e baromètre, ils jugent que leur qualité est globalement moins bonne sur les dix dernières années. La radio est toujours le média auquel les Français font le plus confiance (57 %), soulignant sa qualité dans la restitution de l’information. Mais ce chiffre est en repli de 3 points par rapport à 2010. La confiance dans la presse écrite recule de 6 points (49 %). Quant à la télévision, elle baisse dans une proportion moindre (– 2 points à 46 %).
Quelque 35 % des Français font confiance à Internet, un chiffre stable par rapport à l’an dernier. L’intérêt des Français pour les informations données par les médias reste fort mais baisse légèrement : 69 % suivent l’actualité contre 71 % en 2010 et 79 % en 2009. Quelque 40 % estiment que la qualité des médias s’est détériorée depuis dix ans, contre 35 % qui estiment qu’elle est restée la même. Seuls 21 % des Français estiment qu’elle s’est améliorée.
Pour 63 % des sondés, les journalistes ne sont pas indépendants face aux pressions des partis politiques et du pouvoir (– 3 par rapport à 2010). De même, 58 % des Français sont méfiants à l’égard de la liberté des journalistes face aux pressions de l’argent (– 2 par rapport à 2010). Enfin, 56 % des Français estiment que les médias ne sont favorables ni à la droite ni à la gauche.
Le média jugé le plus neutre est Internet (pour 60 % des Français), suivi par la radio (59 %), la presse nationale (54 %) et locale (52 %). La télévision n’est favorable ni à la droite ni à la gauche pour 49 % des Français quand 33 % estiment qu’elle est favorable à la droite. Sans doute faut-il y voir aussi l’absence de pluralisme qui touche en particulier l’information télévisée.
Quant aux grands sujets de l’année écoulée, 80 % des Français estiment qu’on a trop parlé de l’affaire Bettencourt. L’affaire Woerth a été également surmédiatisée pour 59 % des sondés. Même avis à 79 % sur la Coupe du monde de football et la défaite des Bleus.
A l’inverse, 45 % des personnes interrogées pensent qu’on n’a pas assez parlé du sommet de Cancun sur le climat et 44 % des Français auraient souhaité être plus informés sur le déficit public et la dette de la France. Bref ce qui concerne leur quotidien.
12:59 Publié dans Blog, Dossier, Radio, Télévision | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : médias, confiance, manipulation | |
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