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23/01/2018

Offensive à Afrine : le gouvernement turc donne une leçon de “journalisme patriotique” aux médias

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Directives officielles incitant les médias au “journalisme patriotique”, arrestation de journalistes critiquant l’opération militaire… Reporters sans frontières (RSF) dénonce le regain de censure qui accompagne l’offensive turque au Kurdistan syrien.

L’offensive militaire turque dans la région d’Afrine, au nord de la Syrie, s’accompagne d’une nouvelle offensive contre les médias. Les rédacteurs en chef des principaux titres turcs ont été convoqués le 21 janvier à une réunion au sommet sur la couverture des opérations militaires. Accompagné du vice-Premier ministre, du ministre de la Défense et du porte-parole du parti au pouvoir AKP, le premier ministre Binali Yıldırım leur a livré quinze “recommandations” à suivre pour faire du “journalisme patriotique”.

La leçon de “journalisme patriotique” du gouvernement

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Les journalistes sont incités à “tenir compte des intérêts nationaux lorsqu’[’ils] reprennent des sources d’information internationales critiquant la Turquie”, “rappeler le soin que prennent les forces armées à ne pas toucher les civils”, “ne pas donner de visibilité aux manifestations et déclarations de structures politiques [...] proches du PKK”...

L’essentiel de ces directives soumettent les médias au contrôle du gouvernement et à ses buts de guerre. Le Premier ministre leur demande d’éviter “les nouvelles susceptibles de remonter le moral du PKK/PYD”, de contacter les représentants du gouvernement et de l’AKP “pour obtenir la bonne information”... et même de se méfier des informations rapportées par la presse internationale, affirmant que le PYD utilise de nombreux journalistes étrangers, notamment aux Etats-Unis et en Europe.

“Ce nouveau déluge de propagande, l’intensification de la chasse aux voix critiques et la quasi-absence de débat sur l’opération militaire illustrent le degré de délabrement atteint par le pluralisme en Turquie, dénonce Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Non content de sa mainmise sur le paysage médiatique, le gouvernement cherche à asseoir un contrôle total sur l’information. Au risque de saper la confiance de l’opinion publique et d’attiser les tensions.”

Coup de filet contre les voix critiques

Plus d’une centaine de mandats d’arrêts ont été lancés contre des personnes suspectées de “propagande terroriste” depuis le 22 janvier. Parmi elles, l’écrivaine et éditorialiste du site d’information T24 Nurcan Baysal, placée en garde à vue par la police antiterroriste à Diyarbakır, dans le sud-est anatolien à majorité kurde. D’après son avocat, son arrestation est liée à ses tweets critiquant l’opération militaire à Afrine.

İshak Karakaş, rédacteur en chef du journal Halkın Nabzı et éditorialiste du site d’information en exil Artı Gercek, a lui aussi été interpellé dans la nuit du 21 au 22 janvier à Istanbul. La correspondante d’Arti TV à Ankara, Sibel Hürtaş, et les reporters de l’agence prokurde Mezopotamya, Hayri Demir et Seda Taşkın, ont été arrêtés à leur tour dans la soirée du 22 janvier.

Cette nouvelle vague d’intimidation a des répercussions au-delà des frontières turques : des centaines de manifestants hostiles s’en sont pris à la rédaction du journal Afrika à Nicosie (Chypre Nord) le 22 janvier, brisant les fenêtres à coups de pierre et démantelant le panneau portant le nom du journal sous l’oeil indifférent de la police. La veille, Recep Tayyip Erdogan avait dénoncé publiquement la une “immorale” d’Afrika, qui qualifiait l’intervention à Afrine de “nouvelle occupation par la Turquie” après celle de Chypre Nord en 1974. “Ils devront en répondre à mes frères et soeurs”, avait menacé le président turc.

Première victime de l’offensive militaire parmi les journalistes

RSF a appris que Zekeriya Şêxo, cameraman de la chaîne Ronahi TV, avait été blessé par des tirs provenant de l’armée turque en couvrant les affrontements dans le district de Rajo (Kurdistan syrien). Touché au ventre et aux jambes, le journaliste a été transféré à Afrine. Ses jours ne sont pas en danger. RSF appelle les belligérants à respecter le travail et le statut de civils des journalistes. L’organisation tient à la disposition de ces derniers un guide pratique destiné à améliorer leur sécurité en zone de conflit.

La Turquie est classée 155e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2017 par RSF. Déjà très préoccupante, la situation des médias est devenue critique sous l’état d’urgence proclamé à la suite de la tentative de putsch du 15 juillet 2016 : près de 150 médias ont été fermés, les procès de masse se succèdent et le pays détient le record mondial du nombre de journalistes professionnels emprisonnés.

Sources Reporter sans frontières

12:20 Publié dans Informations, Journaliste, Manipulation | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : turquie, erdogan, journalistes, kurdes | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |

08/03/2013

Journalistes / syndicalistes : un mépris de classe ?

goodyear, libres-échanges, journalistesPar Romain Geoffroy, 22 ans, Strasbourg, jeune correspondant de l'Humanité.

"Avec moi aujourd’hui, trois stars du syndicalisme de combat", le 5 février dernier, Jean-Pierre Elkabbach reçoit sur Europe 1, trois syndicalistes : Jean-Pierre Mercier (CGT Aulnay PSA), Mickael Wamen (CGT Goodyear Amiens Nord), Edouard Martin (CFDT ArcelorMittal. Décryptage.

Jean-Pierre Mercier vante l’ampleur de la mobilisation à Aulnay, « grâce à nous ce sont zéro voitures qui sortent depuis trois semaines ». Le « matinalier » d’Europe 1 s’insurge alors : « Et vous en êtes fiers ? » L’expression reflète bien le ton paternaliste que prendra Elkabbach tout au long de l’interview. Il faut dire qu’il est plus habitué aux bancs d’HEC, qu’il fréquente lors de l’université du Medef, qu’aux barricades dans les usines en grève.

Dans Les Nouveaux Chiens de Garde, documentaire de Yannick Kergoat et Gilles Balbastre récemment nommé aux César, Michel Naudy (ancien rédacteur en chef chargé de missions à France 3) remarquait : « Les ouvriers sont une réserve d’indiens pour les journalistes. Ils ne viennent pas de ces milieux, ne les connaissent pas. Ils n’en connaissent pas les codes, les conditions de vie, la culture, les traditions. Dès qu’ils rompent avec le consensus mou de la démocratie molle, ils rompent avec la règle du jeu. »

 


Mercier : "Montebourg fait cause commune avec... par Europe1fr

Un traitement médiatique inégal

Comment réagirait un patron traité comme ces syndicalistes ? Philippe Varin (PSA), Henry Dumortier (Goodyear France) et Lakshmi Mittal (ArcelorMittal) bénéficient, comme tous les « grands », de l’aide d’une équipe de communicants. Chaque intervention est préparée, le ton est mesuré. Ils sont d’ailleurs bien plus habitués aux projecteurs que des ouvriers, invités uniquement lors des grandes crises industrielles. En 1996, Pierre Bourdieu s’attaquait au monde médiatique dans Sur la Télévision.

Il écrivait alors « Il est évident que tous les locuteurs ne sont pas égaux sur le plateau. Vous avez des professionnels de la parole et du plateau, et en face d’eux des amateurs (…), c’est d’une inégalité extraordinaire. Et pour rétablir un tout petit peu d’égalité, il faudrait que le présentateur soit inégal, c’est-à-dire qu’il assiste les plus démunis relativement. » Il s’étonnait alors de voir à quel point ce n’était pas le cas dans les médias de masse, avec des présentateurs qui non seulement n’aident pas les défavorisés, mais les enfoncent.

19 ans plus tard, la situation n’a pas évolué, les chiens de garde du système occupent les plus hautes sphères médiatiques. Les micros, les caméras, les colonnes des journaux leur sont grands ouverts. Alors que tous les sondages montrent la méfiance de plus en plus croissante du public face aux journalistes, aucune instance de déontologie compétente n’a encore été mise en place.