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04/07/2015

Grèce : quand les médias privés font la propagande du oui au référendum

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Des images bidonnées, des spots terrorisants, une répartition des temps de parole ubuesque... les télés privées plaident lourdement pour l'approbation du nouveau plan d'austérité. La contestation s'exprime sur le net.

« Il faudra penser à prendre en photo le bulletin Non en sortant de l'isoloir, pour bien montrer à nos chefs qu'on a laissé le “Oui" dans l'urne », ironisait en direct un animateur de la chaîne privée Skaï, il y a quelques jours. Que sous-entendait-il ? Que sa direction lui imposait son vote au référendum? Evidemment non, mais qu’en tout cas, sur sa chaîne, comme sur toutes les autres télés privées du pays, il n’existe ces jours-ci qu’une ligne éditoriale possible : le oui au référendum et à l’application des mesures d’austérité de la Troïka.

Depuis le 26 juin et l’annonce, par le premier ministre Alexis Tsipras, de la tenue d’un référendum sur un nouveau plan d’austérité, c'est peu dire que, sur Skaï comme chez ses concurrentes Antenna, Mega et les autres, le non et ses défenseurs n'ont pas droit de cité. « A grands coups d'émissions spéciales et de débats totalement orientés, c'est une propagande pro-oui que les six chaînes privées du pays déploient à longueur de journée », explique Marianna Karakoulaki, journaliste indépendante. Elle, comme nombre de journalistes et de citoyens, n'ont de cesse de dénoncer depuis plusieurs jours, sur les réseaux sociaux (surtout Twitter), cette désinformation assumée.

En face, les méthodes employées sont dignes des médias de républiques bananières. Pour illustrer un reportage sur la prétendue panique des citoyens dans les banques, la chaîne Mega n’hésite pas à utiliser des images vieilles de trois ans, tournées à l'étranger. Mis face à l'énormité de la chose par des internautes, Michael Laganis, l'un des auteurs du reportage, s'est excusé avec désinvolture : « Comme vous voudrez madame. Nous faisons tous des erreurs. Merci pour votre remarque. » Alors qu'elles devraient offrir une campagne équitable, comme elles y sont légalement obligées, les chaînes privés ont complètement banni le non de leurs programmes. On n'aura pu y voir quasiment aucune image des nombreuses manifestations qui, à Athènes ou à Thessalonique, ont conspué le texte de la Troïka.

Un internaute a comptabilisé les temps d'antenne, sur les journées des 29 et 30 juin, sur cinq chaînes privées (Mega, Skaï, Antenna, Star et Alpha TV). Le résultat est tellement déséquilibré qu'il prête à rire. Au total, huit minutes sur l'ensemble des cinq canaux pour le non (cercle de gauche), contre quarante-sept minutes pour le oui (cercle de droite).

"AMention spéciale à la chaîne Skaï qui a réussi l’exploit ne pas dédier une seule seconde au non, et appelle ouvertement à voter pour le oui sur son compte Twitter, à grands renfort de spots vidéos catastrophistes. A l’appui de cette cécité, toute la journée, le mot « terreur » revient dans la bouche des animateurs et des intervenants, qui agitent le spectre d'une sortie de la zone euro et des conséquences désastreuses qu'elle aurait, selon eux, sur le pays. Alors même qu'Alexis Tsipras a rappelé que « le référendum de dimanche ne porte pas sur la place du pays dans la zone euro » mais sur la volonté des Grecs d'adopter ou non le nouveau plan d'austérité de la Troïka, les chaînes privées s'entêtent à réduire la consultation à cette interprétation grossière du problème.

Pourquoi ? « Tous les propriétaires des chaînes privées en Grèce sont des hommes d'affaires qui possèdent des entreprises dans tous les secteurs, du bâtiment aux mines d'or, en passant par des compagnies maritimes, explique Nikos Smyrnaios, universitaire et spécialiste des médias grecs. Tous ont des intérêts à sauvegarder et ont beaucoup à perdre en cas de sortie de la zone euro. » 

Une manière de faire chuter le gouvernement Tsipras

Depuis des semaines, le « Grexit » – une sortie de la Grèce de la zone euro et le retour à la drachme –, est agité comme une menace par la Troïka dans ses négociations avec Athènes pour imposer à la Grèce son plan d'austérité. Mais les magnats à la tête des chaînes privées voient aussi là une manière de faire chuter le gouvernement Tsipras – qui a promis de remettre sa démission en cas de victoire du oui. Tsipras est très hostile à leur égard, contrairement aux gouvernements précédents avec qui ils avaient l'habitude d'avancer main dans la main.

Dans ce marasme, la presse papier grecque ne sort pas du lot, bien au contraire. L'Espresso Star, un tabloïd appartenant au même propriétaire que la chaîne privée Star, s’est fait largement brocarder pour avoir publié la semaine dernière, à la une, une image archirebattue du séisme de 1999 en Turquie.

Hormis les titres pro-Syriza, il ne faut pas compter sur les autres journaux de la presse papier comme To Vima, Ta Nea (de droite) ou Protothema (populiste) pour pointer ces aberrations. Au final, seule la chaîne publique Ert, récemment rouverte par Syriza, respecte un réel pluralisme : 4 minutes 50 pour le oui, contre 4 minutes 37 pour le non.

Pour échapper à cette propagande, il faut se tourner vers le Net. Sur Twitter, des citoyens réunis depuis plusieurs jours autour du hashtag #greekmediapropaganda répertorient et dénoncent quotidiennement la désinformation en marche. Un Tumblr sur le même thème a été créé. Mais ces citoyens, pas dupes, sont pour la plupart des jeunes. « Or, cette propagande vise essentiellement les personnes âgées ou isolées, qui ne s'informent qu'à travers la télévision », explique Marianna Kala.

Un sondage réalisé par un institut grec, Alco, donne le oui gagnant à 44,8% contre 43,5% pour le non pour le référendum de dimanche. Dans le même temps, Bloomberg donne à l'inverse le non gagnant à 43%, contre 42,5% pour le oui. Entre les deux, le taux d'indécis oscille entre 12 et 15 %. « L'influence qu'aura la propagande des chaînes privées sur les indécis, voilà la principale question pour le peuple grec aujourd'hui », conclut Marianna Karakoulaki. 

Jean-Baptiste Roch, Télérama

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19/06/2015

LA MANIPULATION 2.0

cynthia_fleury.jpgLa chronique de Cynthia Fleury (1) dans l'Humanité.
 
"Les tactiques sont vieilles comme le monde, simplement ajustées au monde digital."

Taper Ryan Holiday sur Google.fr, et le nombre d’occurrences est surréaliste : 93 500 000. Certes, il doit y avoir plusieurs Ryan Holiday. Mais pour simple comparaison, tapons François Hollande : 22  700 000. Bien sûr, vous ne connaissez pas Ryan Holiday. Moi aussi, j’ignorais cet homme à la notoriété planétaire, qui s’avère être à la ville l’actuel ou l’ancien directeur de la communication d’American Apparel. Il vient de produire un livre, Croyez-moi, je vous mens. Confessions d’un manipulateur des médias (Éditions Globe, 2015), dans lequel il narre son expertise en webmarketing, en un mot comment créer du buzz, du clic, de l’influence, du trafic, et au final beaucoup d’argent.

Le système viral fonctionne comme une pyramide de Ponzi, avec au cœur de ce dispositif principalement des blogs américains : Gawker, Business Insider, Politico, Huffington Post, Drudge Report, BuzzFeed, Reddit, BoeingBoeing, Laughing Squid, FFFFound, Videogum, Mediabistro, Slate.com, Curbed, TechCrunch, Mashable, Freakonomics, FiveThirtyEight, Nate Silver, TreeHugger – sans oublier en amont et en aval Youtube et Wikipédia, qui jouent un rôle plus structurel encore d’accréditeur –, la liste est plus longue encore et s’update régulièrement.

Ce cher jeune homme de 28 ans nous explique ainsi comment, à partir d’une information qui n’en est pas une, il crée une circulation et une diffusion exponentielles, se traduisant en espèces sonnantes et trébuchantes pour ces clients. Le jeu étant principalement de manipuler les blogs institutionnels ou les médias traditionnels en leur laissant croire qu’ils ont trouvé, grâce à leur investigation qualitative, la perle rare dans leurs pérégrinations numériques, alors qu’ils ne font que suivre le petit itinéraire concocté par le dircom adulescent.

Les tactiques sont vieilles comme le monde, simplement ajustées au monde digital : il s’agit d’organiser de fausses fuites, de rédiger de faux mails avec de fausses adresses, de créer des « sources » de toutes pièces, d’offrir des produits aux blogueurs pour acheter leur bienveillance, d’organiser son autopromotion via des commentaires inventés sur les sites, d’avoir l’art de la titraille, de polémiquer inutilement, d’user abusivement de l’image, de manier le chaud et le froid (en soutenant de façon ostentatoire les causes perdues d’avance et en couvrant les faits et gestes de la haute société), de faire croire à une rumeur pour rendre l’information plus attractive, d’être très rapide – partant les modérateurs des sites ne font jamais d’erreurs mais des « mises à jour », cela permet d’écrire du faux, en expliquant que la vérification est en cours de route, etc.

Oubliez la déontologie, l’éthique, cela n’a aucun sens et n’est nullement l’enjeu. L’enjeu, c’est de générer du clic : nulle lecture, nulle compréhension de ce qui est écrit. Simplement du clic. La crédibilité ne fait pas le business model, clame Ryan Holiday ; il faut raconter aux lecteurs ce qu’ils veulent entendre. Cessez de « nourrir le monstre », dit le gaillard, qui s’est bien gavé, et qui malgré la nausée et l’apparence de la dénoncer, n’est pas près de lâcher l’affaire.

(1) - Cynthia Fleury (civilement Fleury-Perkins), née en 1974, enseigne la philosophie politique (en qualité de research fellow et associate professor) à l'American University of Paris, chercheur associé au Muséum national d’histoire naturelle, maître de conférences (vacataire) à l'Institut d'études politiques de Paris, psychanalyste et enseignante à l'École polytechnique.

Elle tient une tribune libre, hebdomadaire, dans L'Humanité depuis 2003. Auteur de nombreux articles, elle est fréquemment invitée sur les plateaux de télévisions pour parler de thèmes tels que la politique, la religion ou l'imagination.

 

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16/06/2015

La commission européenne JURI adopte la directive liberticide dite « Secret des affaires »

lucet.jpgLa pétition européenne lancée par la journaliste française Elise Lucet contre un projet de directive européenne sur le secret des affaires a recueilli plus de 300 000 signatures en dix jours, l'un des records du site de pétitions en ligne Change.org.

La pétition « Ne laissons pas les entreprises dicter l'info - Stop à la Directive Secret des Affaires ! » a été lancée sur le site change.org. Mardi 16 janvier à midi, elle rassemblait plus de 305.000 signatures.

Chassez une directive liberticide par la porte, elle essaie de revenir par la fenêtre. Fin janvier,  le gouvernement français comptait introduire un amendement à la loi Macron qui anticipait cette directive europénne, avant de renoncer face à une forte opposition des médias. Avec le « Collectif Informer n’est pas un délit » rassemblant des journalistes de multiples rédactions, dont l’Humanité. Le 4 juin, à l’intiative d’Elise Lucet « Cash Investigation » sur France 2), une pétition « Ne laissons pas les entreprises dicter l'info - Stop à la Directive Secret des Affaires ! » a été lancée sur le site change.org. Mardi 16 janvier à midi, elle rassemblait plus de 305.000 signatures. Un record depuis la création du site de pétitions en ligne en 2012. 
 
 
Les  membres de la commission Juri a qui a été adressée la pétition ont mardi 16 juin ignoré les signatures et fait fi des de la mobilisation. 
« C'est une honte, et nous devons réagir a aussitôt indiqué Elise Lucet. Car tout n'est pas perdu, bien au contraire : le texte va maintenant être discuté entre des représentants de la commission, du conseil et du Parlement Européen. C’est maintenant que nous devons les convaincre de répondre à notre appel, mais nous allons devoir taper encore plus fort.
 
Soyons des milliers à partager cette vidéo que j'ai réalisée avec d'autres journalistes pour dénoncer cette directive liberticide. Cliquez pour voir la vidéo et partagez-la autant que possible :
 
Il faut maintenant, plus que jamais faire entendre notre voix pour que s’arrête le parcours de ce texte liberticide et qu’il soit retiré. » 
"Nous craignons mardi que la directive soit adoptée en commission", avait indiqué l'avocate du collectif  Informer n’est pas un délit, Virginie Marquet. Cette pétition avait lundi recueilli 30.000 en Belgique, Allemagne, Espagne et Royaume-Uni. Des versions locales ont été lancées dans ces trois derniers pays.
Elise Lucet, présentatrice du JT de 13H00 sur France 2 et rédactrice en chef de l'émission d'enquêtes "Cash Investigation", a lancé cette pétition avec le collectif "Informer n'est pas un délit".
Des lanceurs d'alerte comme Stéphanie Gibaud (affaire UBS), Antoine Deltour (LuxLeaks) et Hervé Falciani (HSBC) ont apporté leur soutien à la pétition.
 
"Sous couvert de lutte contre l'espionnage industriel, le législateur européen prépare une nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme, le +secret des affaires+", souligne la pétition.
"Si une source ou un journaliste viole ce secret des affaires, des sommes colossales pourraient lui être réclamées, pouvant atteindre des millions voire des milliards d'euros (...) On pourrait même assister à des peines de prison dans certains pays". 
 
"Notre métier consistant à révéler des informations d'intérêt public, il nous sera désormais impossible de vous informer sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique de nos pays", conclut-elle.
"La commission européenne a reçu des énormes groupes, comme Air Liquide, Dassault... Ce sont eux qui font tout pour restreindre au maximum l'investigation économique, en englobant les journalistes, les sources et les lanceurs d'alerte", a souligné lundi Elise Lucet lors d'un rassemblement des initiateurs de la pétition à Paris. 
 
"Je suis devenu malgré moi un cas d'espèce", a commenté de son côté le journaliste d'investigation Edouard Perrin, inculpé au Luxembourg pour avoir révélé le scandale LuxLeaks -- des avantages fiscaux consentis par le Luxembourg à des multinationales. 
La loi luxembourgeoise sur laquelle repose l'inculpation montre "ce que pourrait être cette directive européenne", a-t-il souligné. "Elle permettrait non seulement de sanctionner la divulgation des informations mais même leur acquisition : une entreprise pourra donc poursuivre un journaliste avant même qu'il ait publié, dès qu'il la contacte pour vérifier l'info". 
 
"La directive prévoit une exception pour les journalistes dans le cadre légitime de la liberté d'information, mais ce sera une exception, les journalistes devront démontrer que leurs informations sont d'intérêt général. Et l'entreprise décidera du préjudice entraîné par la divulgation des informations. Qui prendra le risque de subir des dommages et intérêts pouvant atteindre de millions d'euros?", a lancé Virginie Marquet. 
Un appel contre la directive a aussi été lancé par les syndicats français et européens, l'Association européenne des Droits de l'Homme ainsi que Julian Assange, fondateur de Wikileaks.
 
Le texte intégral de la pétition 
« Bientôt, les journalistes et leurs sources pourraient être attaqués en justice par les entreprises s’ils révèlent ce que ces mêmes entreprises veulent garder secret. A moins que nous ne réagissions pour défendre le travail d’enquête des journalistes et, par ricochet, l’information éclairée du citoyen. 
Sous couvert de lutte contre l’espionnage industriel, le législateur européen prépare une nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme, le "secret des affaires", dont la définition autorise ni plus ni moins une censure inédite en Europe.
 
Avec la directive qui sera bientôt discutée au Parlement, toute entreprise pourra arbitrairement décider si une information ayant pour elle une valeur économique pourra ou non être divulguée. Autrement dit, avec la directive "Secret des Affaires", vous n’auriez jamais entendu parler du scandale financier de Luxleaks, des pesticides de Monsanto, du scandale du vaccin Gardasil... Et j’en passe.
Notre métier consistant à révéler des informations d’intérêt public, il nous sera désormais impossible de vous informer sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique de nos pays. Les reportages de "Cash Investigation", mais aussi d’autres émissions d’enquête, ne pourraient certainement plus être diffusés.
 
Avec ce texte, un juge saisi par l’entreprise sera appelé à devenir le rédacteur en chef de la Nation qui décide de l’intérêt ou non d’une information. Au prétexte de protéger les intérêts économiques des entreprises, c’est une véritable légitimation de l’opacité qui s’organise.
Si une source ou un journaliste "viole" ce "secret des affaires", des sommes colossales pourraient lui être réclamées, pouvant atteindre des millions voire des milliards d’euros, puisqu’il faudra que les "dommages-intérêts correspond(ent) au préjudice que celui-ci a réellement subi". On pourrait même assister à des peines de prison dans certains pays.
 
Face à une telle menace financière et judiciaire, qui acceptera de prendre de tels risques ? Quel employé - comme Antoine Deltour à  l’origine des révélations sur le  le scandale Luxleaks - osera dénoncer les malversations d’une entreprise? Les sources seront les premières victimes d’un tel système, mais  pas un mot ne figure dans le texte pour assurer leur protection.
 
Les défenseurs du texte nous affirment vouloir défendre les intérêts économiques des entreprises européennes, principalement des "PME". Étonnamment, parmi  celles qui ont été en contact très tôt avec la Commission, on ne relève pas beaucoup de petites PME, mais plutôt des multinationales rôdées au lobbying : Air Liquide, Alstom, DuPont, General Electric, Intel, Michelin, Nestlé et Safran, entre autres.
Ces entreprises vont utiliser ce nouveau moyen offert sur un plateau pour faire pression et nous empêcher de sortir des affaires …
 
Vu l’actualité Luxleaks, nous ne tolérons pas que nos élus se prononcent sur un texte aussi grave pour la liberté d'expression sans la moindre concertation avec les représentants de la presse, les lanceurs d'alertes et les ONG.  Seuls les lobbies industriels ont été consultés.
 
Nous, journalistes, refusons de nous contenter de recopier des communiqués de presse pour que vous, citoyens, restiez informés. Et comme disait George Orwell : "Le journalisme consiste à publier ce que d’autres ne voudraient pas voir publié : tout le reste n’est que relations publiques".
C’est pourquoi je demande, avec l’ensemble des signataires ci-dessous (voir sur le site change.org), la suppression de cette directive liberticide. »
 
Pierre Baudry, l'Humanité
 
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18/05/2015

Quand France Inter défend les retraites chapeau

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Une radio de service public doit-elle tenter de convaincre ses auditeurs que les retraites chapeau des patrons licencieurs sont justifiées et bonnes pour l’économie du pays ?

Ce fut le pari douteux de France Inter le jeudi 14 mai de 19H20 à 20H

Que reste-t-il de la mission de service public quand une radio comme France Inter- dont une partie du personnel vient de conduire une longue grève pour avoir les moyens de travailler-  vend à ses auditeurs une  séance du « Téléphone sonne »  qui passe quarante minutes à justifier la « retraite chapeau » de Philippe Varin  ex patron du groupe PSA Peugeot-Citroën?  Je ne pense pas avoir été le seul auditeur à me poser cette question quand, circulant sur une autoroute, j’ai  écouté de bout en bout, l’émission animée par Pierre Weill le jeudi 14 mai à partir de 19H20.
 
L’animateur avait trois invités qui étaient Laurence Parisot, ex patronne du MEDEF ; un patron d’une société de conseil pour fixer les salaires de patrons,   un professeur d’économie.  Autant dire qu’ils avaient été triés sur le volet  pour orienter l’émission en faveur des intérêts de Philippe Varin, ce qui fut le cas en dépit de quelques questions d’auditeurs eux aussi bien filtrés m’a-t-il semblé.
 
On rappellera ici que l’homme qui a fermé l’usine d’Aulnay-sous-Bois   avait dit qu’il renonçait  à sa « retraite chapeau» en 2013 devant le tollé de protestation qui suivit l’annonce d’un cadeau de départ de 21 millions d’euros, comme récompense d’un sale boulot. Mais ce  n’était qu’un stratagème. En réalité, le règlement intérieur  ne devait pas lui accorder  ce droit  à ce moment là car il lui manquait quelques mois pour avoir une ancienneté de …5ans, susceptible de justifier une telle somme  lors de son départ ! Ce qui conduira son successeur à lui faire signer  un « contrat à durée déterminée » taillé sur mesure pour percevoir  ensuite cette retraite chapeau annoncée tout récemment.
 
Ainsi avons-nous appris  qu’il percevrait moins que  la somme annoncé en 2013. Mais il s’agit quand même de 300.000€ brut par an en plus de  la retraite pour laquelle il a cotisé comme tout un chacun et qui ne saurait être comparée à celle d’un ouvrier de Citroën. Ici apparaît un scandale que l’émission de Pierre Weill se garda bien d’aborder.
 
Ces quarante dernières années , des millions de retraités, mais aussi  d’actifs plus ou moins proches de la retraite,   ont vu leur pension ou future pension de retraite gravement amputée par des licenciements économiques, des périodes de chômage et des reprises d’activité avec un salaire réduit dans un nouveau métier du fait des décisions prises par des hommes comme Philippe Varin à la tête de grandes sociétés. Beaucoup de  travailleurs aux carrières brisées n’étaient même pas des salariés directs de grandes entreprises comme Peugeot ou Citroën, mais de leurs équipementiers que les donneurs d’ordre ont pillé de plus en plus au fil des ans afin de dégager plus de profits pour les sociétés cotées en Bourse.
 
C’est même pour leur «capacité» à dégager des taux de profits de plus en plus élevés sur de courtes périodes  que des PDG comme Philippe Varin ont été gratifiés de retraites chapeau, de  primes liés aux rendements financiers qui sont la part « variable » du salaire dès lors que leur stratégie  fait monter provisoirement le prix de l’action et le bénéfice sur quelques exercices. Et tant pis si cette stratégie de court terme débouche à un moment ou à un autre sur une fermeture d’usine comme à Aulnay !  Voilà aussi pourquoi les rémunérations patronales liées aux rendements financiers conduisent souvent à fragiliser de grandes entreprises  faute de stratégie industrielle tournée ver le long terme. Voilà des tas de questions que Pierre Weill aurait pu et aurait du poser à ses invités.
 
Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Pourquoi n’y avait-il pas un syndicaliste de PSA  parmi ses invités face à trois défenseurs des retraites chapeau? 
Enfin, dans quel pays de droit sommes nous  quand on permet à des individus qui ont ruiné la carrière de milliers de salariés et amputé de ce fait leurs droits futurs à une bonne retraite  de percevoir ,eux, une seconde pension (de 25.000€ par mois dans le cas qui nous occupe)  pour laquelle ils n’ont pas cotisé et que l’entreprise qu’il ont malmenée doit pourtant provisionner pour leur servir cette retraite indue jusqu’à leur mort ?
 
Aucune de ces questions ne fut posée lors de l’émission de France Inter le 14 mai dernier. Nous sommes en droit d’attendre autre chose d’une radio du service public. Mais pour qui donc roulez-vous monsieur  Pierre Weill ? Le confrère qui vous pose cette question est titulaire de la carte de presse 52622 obtenue en avril 1984, quelques mois après avoir été viré d’une usine où il fabriqua des pneus pendant près de 18 ans !
 
Gérard Le Puill, l'Humanite.fr
 
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