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15/01/2018

Amis de l’humanité. « La fierté de ce que nous sommes »

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Caroline Constant, L'Humanité

L’assemblée générale des Amis de l’Humanité s’est tenue à Paris. L’occasion pour le directeur du journal, Patrick Le Hyaric, de déployer ses projets pour le groupe Humanité.

«Les temps sont durs pour les humanités. » Jean-Emmanuel Ducoin, secrétaire national des Amis de l’Humanité et rédacteur en chef du journal, a ouvert samedi, à la Maison des métallos à Paris, l’assemblée générale annuelle de l’association. Durs mais pas désespérés, comme il l’a rappelé avec le directeur de l’Humanité et député européen, Patrick Le Hyaric. D’abord, parce que l’association elle-même compte plus de 1 000 adhérents, ce qui n’était pas arrivé depuis cinq ans ; ensuite, parce qu’elle a développé 60 comités locaux, dont la moitié sont très actifs. Au-delà, ce qui se joue, c’est la survie du journal, dans un monde politique mouvant, où les habitudes de lecture changent, où la gauche est éclatée, où les aides à la presse sont menacées…

Une survie qui tient pour beaucoup à la réactivité des lecteurs

Patrick Le Hyaric l’a précisé avec force : partout dans le monde, à l’heure où la presse écrite indépendante traverse une crise sans précédent, on nous envie la survie de l’Humanité. Qui tient, pour beaucoup, à la réactivité de ses lecteurs : les étrennes de l’Humanité, lancées le 4 décembre, ont ainsi rapporté en un mois tout juste près de 300 000 euros. « Je remercie celles et ceux qui font cet effort supplémentaire. Je sais ce que ça coûte dans la période », a salué le directeur du journal.

Une nouvelle souscription va être lancée début février. Pas pour « sauvegarder » le journal, mais pour lancer le groupe Humanité dans « un projet de développement qui combine le quotidien, le magazine, avec un lectorat à élargir, et notre plateforme numérique ». Et les bases de développement existent : « Chaque jour, 350 000 personnes sont en contact avec l’Humanité. Nous avons 800 000 abonnés à nos comptes Facebook, 350 000 sur Twitter, 200 000 sur Instagram. Chaque mois, 7 millions de personnes passent sur nos plateformes numériques. Ce sont des bases considérables », a salué Patrick Le Hyaric. Sans compter le succès de la Fête de l’Humanité, qui rassemble près de 500 000 personnes, et que « tout le monde nous envie ».

Il a aussi souligné que les trois supports de l’Humanité intéressent au-delà de notre propre courant d’opinion, avec « 1 000 à 1 200 contributeurs qui ne sont pas de notre entourage direct, ni de notre courant d’opinion, et qui ont donné une ou plusieurs contributions ». « Il nous faut avoir la fierté de ce que nous sommes et de ce que nous produisons, même si c’est critiquable », a-t-il souligné. Le groupe de presse « multicanal » envisagé par la direction de l’Humanité permettrait de répondre au rôle que « nous avons à jouer à ce moment précis de l’histoire. On a l’impression que nous sommes sous un rouleau compresseur face auquel il n’y aurait rien. Mais il ne faut pas sous-estimer ce qui est train de mûrir dans la société française et qui cherche à éclore, qu’il ne faudra pas chercher à guider, mais à nourrir en permanence ».

Et le directeur a fait une mise au point : « L’Humanité n’est pas un journal qui prône une contre-société, mais qui veut permettre à chacun et à chacune de fédérer tout le monde, dans la sphère progressiste. Même ma voisine qui a changé de vote et qui a voté Macron n’a pas changé de valeurs. Elle se pose des questions, peut-être même plus que moi. Elle est mobilisable », et la lecture des trois supports de l’Humanité peut lui permettre de modifier son regard, demain, sur la société.

« Mon souci permanent, a-t-il répété, c’est de sortir de ce marasme, de développer le journal, pour rendre service au mouvement progressiste. » Or, il constate : « On lit trop souvent l’Humanité à travers le prisme de ce qu’on pense soi-même. Mais l’Humanité rend compte d’événements qui ont eu lieu, et ce n’est pas à nous de dire ce qu’il faut penser. Nous devons donner des informations pour que chacun se forge une opinion. Ne cherchez pas dans le journal ce que vous pensez déjà. »

Pris régulièrement à partie par des militants du PCF et de la France insoumise, le directeur refuse « d’être pris en tenaille par les partisans des uns et des autres » qui menacent à intervalles réguliers de se désabonner. « On ne peut pas juger l’Humanité sur la base d’un article ou d’une séquence. Nous sommes le journal de la question sociale, et nous sommes le seul, sur la géopolitique mondiale, sur la paix, la solidarité, le désarmement nucléaire, la culture et les savoirs, les volets Histoire de l’Humanité Dimanche, les pages réflexion, nos invités. » Même s’il veut qu’« on se dépasse, pour améliorer la lecture des journaux ».

Objectif : réunir 3,5 millions de personnes par jour

L’ambition pour le journal est forte : réunir 3,5 millions de personnes par jour, sur les titres et via Internet et la plateforme numérique. Le directeur compte sur « un apport de 8 millions d’euros pour désendetter l’Humanité ». Il précise par ailleurs « qu’aucun journal n’est aujourd’hui à l’équilibre économique, ceux qui y arrivent, c’est uniquement par l’apport de leurs actionnaires ». Il a donné les grands rendez-vous à venir de ce premier semestre : la sortie d’un hors-série sur Karl Marx, le 17 février, accompagnée d’un « forum Marx » à la Bellevilloise, à Paris, dans le cadre de l’année Marx. Un autre hors-série, en mai, sur « Mai 1968-Mai 2018 », qui portera notamment sur la question sociale. Enfin, à la mi-avril, l’Humanité tiendra un grand banquet populaire. Un moment où seront conviés Amis et lecteurs, pour la relance du journal et le lancement de la prochaine édition de la Fête de l’Humanité.

20/07/2017

Nikos Smyrnaios : « Facebook façonne l’idée que l’on se fait du monde »

facebook,goggle

Entretien réalisé par Pierric Marissal, L'Humanité

Facebook et Google sont devenus les principaux intermédiaires entre le public et l’information. Un pouvoir politique énorme, soumis à leur quête du profit. Le chercheur Nikos Smyrnaios analyse comment ils ont bâti un tel oligopole.

Nikos Smyrnaios est enseignant-chercheur au laboratoire d’études et de recherches ­appliquées en sciences sociales de l’université Toulouse-III. Spécialiste de la presse en ligne et de l’utilisation politique des réseaux socionumériques, il vient de publier les Gafam contre l’Internet, une économie politique du numérique (1).

Quel est le pouvoir de Facebook ou Google sur la transmission de l’information aujourd’hui ?

NIKOS SMYRNAIOS Une récente enquête déclarative réalisée sur plusieurs pays montre que 51 % des internautes s’informent en premier lieu via les réseaux sociaux. Mais la mesure du trafic des sites des médias reste la plus précis. On peut y consulter la liste des sources qui ont mené à l’article. Et entre les deux tiers et les trois quarts des visiteurs des sites d’informations arrivent depuis Google et Facebook. Jusqu’en 2012, Google était prédominant, que ce soit le moteur de recherche ou Google Actualités. Des recherches qu’on avait menées à l’époque sur des quotidiens régionaux français montraient que 70 % des visiteurs en venaient. Depuis, Facebook ­représente la première des sources. Les plus jeunes et les femmes ont tendance à passer davantage par les réseaux sociaux, les hommes et les seniors privilégient l’accès direct ou Google. Plus la thématique de l’information recherchée est professionnelle, importante stratégiquement parlant, plus les visiteurs ont tendance à privilégier l’accès direct, à faire confiance à des sources identifiées. Dès que cela touche des informations plus divertissantes, la domination des réseaux sociaux devient écrasante.

Comment ont-ils conquis ce pouvoir ?

NIKOS SMYRNAIOS Avant le développement d’Internet au début des années 2000, l’économie de l’information comme de l’industrie culturelle était basée sur la rareté du contenu. Aujourd’hui elle est surabondante, et le rapport de forces économique s’est inversé. La rareté, donc la valeur, est désormais du côté du public, qui a besoin d’être guidé. Ce filtrage, cette hiérarchisation, je l’appelle, avec d’autres chercheurs, l’infomédiation. Le producteur du contenu et l’éditeur de presse sont relégués au second plan derrière l’infomédiaire. Cette fonction est devenue centrale sur Internet. Et la plus rentable, car il n’y a pas à supporter les coûts de production de l’information… Des algorithmes de mise en contact suffisent. Puis les infomédiaires ­collectent les informations du public et la vendent aux annonceurs, selon le modèle publicitaire de Google ou Facebook, ou alors prennent des commissions sur chaque transaction comme Amazon. J’insiste sur le fait que cette info- médiation est large et profonde. Les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) vont constituer une offre très large avec des services substituables : Facebook va racheter Instagram et WhatsApp, qui ont des offres ­similaires à son service. La concentration est aussi verticale puisque ces acteurs possèdent des segments d’activités indispensables en amont de l’infomédiation. Les data center par exemple sont nécessaires à la diffusion des services, et Amazon est le plus gros acteur mondial. On peut également donner l’exemple des smartphones et des ordinateurs (Apple et Microsoft) et des systèmes d’exploitation (Google, Microsoft, Apple). On le sait moins, mais Facebook, dans les pays du Sud, et Google, aux États-Unis, sont également des fournisseurs d’accès à Internet et obligent pour accéder au Web à passer par leur plateforme ou système d’exploitation. On capte le client et on l’enferme.

Comment expliquer leur rentabilité extrême ?

NIKOS SMYRNAIOS Ce sont des oligopoles mondiaux, dominant et globalisant, même si en Chine et en Russie d’autres acteurs existent. Tous les services sont conçus dans la Silicon Valley et vendus dans le monde, sans adaptation aux marchés locaux. C’est l’un des facteurs de bénéfices sans précédent. Le taux de rentabilité de Google ou Facebook varie entre 20 et 40 %. La moyenne de Wall Street est à peine à 10 %. Ainsi, en avril 2017, parmi les six plus grosses capitalisations mondiales, on retrouvait les cinq Gafam. Leur rentabilité s’explique aussi par les nouvelles modalités de travail qu’ils ont réussi à mettre en place. Ils vont dégager des sommes colossales avec très peu d’employés en interne. Les cinq Gafam réunies ont moins d’employés que Volkswagen, et juste un peu plus que Carrefour. Apple arrive à tirer plus de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires par salarié et par an. Le travail est externalisé chez des sous-traitants de sous-traitants, précarisé, pressurisé, sous-payé à la tâche, au clic. Ils réduisent le travail à des miettes numériques, l’exploitation de l’activité humaine n’a jamais été aussi sophistiquée. D’autant plus que toute une partie de la valeur de Google et de Facebook vient du travail gratuit effectué par leurs utilisateurs. Facebook est vide au départ. Les utilisateurs et éditeurs génèrent de la valeur pour la plateforme sans travailler directement pour elle. Sans coût pour l’entreprise donc. Et en plus tous ces acteurs pratiquent aussi une optimisation fiscale particulièrement agressive.

Comment Facebook choisit les informations que nous lisons ?

NIKOS SMYRNAIOS Lorsque Facebook a lancé les Fan Page, les éditeurs avaient la garantie que quiconque avait « liké » leur page allait voir leur publication s’afficher sur leur mur. Pour les médias, ce vecteur est devenu une source d’audience majeure, à tel point qu’ils en sont devenus dépendants. Et puis, en 2012, Facebook a unilatéralement changé le fonctionnement et les publications sont apparues de moins en moins. Aujourd’hui seuls 10 % des abonnés en moyenne voient chaque publication. Selon Facebook, il s’agit d’améliorer l’expérience utilisateur. En réalité le réseau social pousse les éditeurs, une fois que l’outil est devenu indispensable, à payer pour promouvoir leur contenu.

Facebook est allé plus loin en créant Instant Articles. En promettant une meilleure visibilité et un partage des ressources publicitaires, l’éditeur publie tout son contenu sur le réseau social, mais plus sur son propre site. Les médias se voient privés des analyses statistiques et de la maîtrise de leur diffusion et de leurs revenus publicitaires. Même chose lorsque Facebook Live fut lancé, le service de vidéos diffusées directement sur la plateforme. Au départ, le réseau social augmente la visibilité de ces contenus par rapport aux autres, donc les rédactions s’organisent pour en produire, puis, lorsqu’elles deviennent dépendantes, Facebook supprime les bonus de visibilité. C’est la loi de Facebook.

Les médias changent donc leurs moyens de produire de l’information ?

NIKOS SMYRNAIOS Dès le début des années 2000 on a constaté les premiers changements, lorsque les rédactions se sont mises au service de Google. Un gros patron de presse me disait que sa rédaction était devenue un esclave du moteur de recherche et obéissait aux ordres. On sait par exemple que plus un site produit de contenu, plus le moteur va le mettre en valeur. Une rédaction qui produit peu sera d’autant moins visible. C’est une incitation à produire toujours plus, à abandonner l’analyse et le reportage et à privilégier le batonnage, c’est-à-dire la reprise, légèrement réécrite, de dépêches ou de communiqués de presse. Cela crée une énorme profusion d’informations, mais pas de pluralisme, puisqu’il s’agit des mêmes contenus retraités à l’infini. Un collègue chercheur, Guillaume Sire, a, lui, montré le rôle central que prennent les spécialistes du référencement dans certaines rédactions. Ce sont eux qui imposent aux journalistes les sujets à traiter, selon ce qui « buzze » sur Internet. Pour Facebook, la valeur n’est pas tant le contenu lui-même que « l’engagement » qu’il génère, à savoir les « like », partages ou commentaires. Les articles ou vidéos les plus rentables pour Facebook font appel à l’affect. Cela va des faits divers les plus dramatiques aux vidéos de chats, mais rarement une analyse sur la financiarisation de l’économie, qui, si elle peut susciter de l’intérêt, ne va pas générer des « like ». La production de contenu à destination de Facebook doit donc s’adapter pour parler à l’affect des gens. Certaines rédactions résistent, d’autres y vont à fond car leur modèle économique en dépend. Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, l’Humanité n’est pas Konbini, et heureusement.

Et cette course à l’engagement profite aux théories ­complotistes et aux « fake news »…

NIKOS SMYRNAIOS Exactement. Le phénomène des fake news, qui a explosé pendant l’élection présidentielle américaine, proposait à la frange la plus réactionnaire des électeurs des contenus qui confirmaient leurs opinions et généraient de l’affect. Comme cette histoire invraisemblable du « Pizzagate ». Les Clinton étaient accusés d’être à la tête d’un réseau pédophile qui se retrouvait dans une pizzeria de Washington. Des centaines de milliers de personnes ont « liké » ou commenté cette histoire, devenue très rémunératrice pour Facebook, qui l’a automatiquement favorisée. La plateforme n’est pas spécialement complotiste ou pro-Trump, mais elle cherche à maximiser ses profits. Cela conduit à ces dérapages. On retrouve ce mécanisme sur YouTube de manière flagrante, il n’y a qu’à voir comment les vidéos de Soral et de Dieudonné étaient mises en avant dans les vidéos suggérées.

Et le lecteur se retrouve dans une situation passive de récepteur de l’information qu’il ne choisit pas…

NIKOS SMYRNAIOS Il n’est pas passif, mais il ne peut que réagir en fonction de ce qui lui est proposé. Le lecteur se retrouve pris dans des mécanismes d’infomédiation qu’il ne maîtrise pas et qu’il ne comprend pas forcément. Ces multinationales filtrent l’information et décident de ce qui est visible ou non dans l’espace public numérique. Ils façonnent l’idée que l’on se fait du monde. Facebook contrôle ainsi ce que voient plus de 1,8 milliard de personnes, dont 30 millions en France. Un pouvoir politique exorbitant qui échappe à tout contrôle démocratique puisque l’on n’a aucun regard sur comment se décide la mise en avant d’une information ou sa suppression. Tout se fait en interne.

Comment voyez-vous le fait qu’aujourd’hui des fournisseurs d’accès à Internet comme Patrick Drahi ou Xavier Niels deviennent de grands patrons de presse ?

NIKOS SMYRNAIOS Ces acteurs sont aussi des infomédiaires à mon sens. Le « triple play » permet par exemple de contrôler l’information audiovisuelle puisque l’audience d’une chaîne de télévision reste proportionnelle au numéro qui lui est alloué. Autre exemple, des fournisseurs d’accès à Internet ont décidé de ralentir l’accès de leurs abonnés à des services. Free avait bridé l’accès à YouTube et Orange avait essayé de ralentir le partage de pair à pair (P2P). Il est effrayant de se rappeler qu’en 2000 Time Warner absorbait le fournisseur d’accès américain AOL et pesait 10 fois plus que lui. Quinze ans après, le rapport de forces s’est complètement inversé et les contenus n’ont quasi plus de valeur financière.

Votre vision n’apparaît pas très optimiste…

NIKOS SMYRNAIOS Je ne suis pas technophobe, ni ne suis convaincu que, dans les années 1990, lorsqu’on n’avait qu’une poignée de médias, l’information était meilleure. Mais il faut garder un regard critique. D’autant que l’état d’Internet aujourd’hui n’est pas immuable et reflète un contexte ; à savoir un capitalisme néolibéral hégémonique. Cela peut changer, mais pas sans rapport de forces. Certains signes sont plutôt positifs, le public prend conscience de l’exploitation de ses données personnelles et bloque de plus en plus les publicités. Le monde de la recherche s’y penche aussi davantage. Il serait naïf de croire en revanche en l’émergence d’un nouvel acteur, comme lorsqu’Alta Vista a été remplacé par Google dans les années 1990. On n’en est plus là. Le pouvoir des Gafam aujourd’hui est comparable à celui de l’industrie automobile au XXe siècle. Ils ne vont pas disparaître demain. L’ambiguïté de ce capitalisme numérique est qu’à la fois il va utiliser tout ce qu’il peut pour maximiser ses profits, est extrêmement prédateur et accroît les inégalités, mais en même temps il peut se révéler émancipateur. Le mouvement contre la loi travail et même les printemps arabes n’auraient peut-être pas eu la même ampleur sans les réseaux sociaux. Facebook est avant tout un outil d’exploitation, mais peut aussi servir l’émancipation. Ce pourquoi il faut insister sur le pouvoir politique des Gafam.

Les Gafam contre l’Internet, une économie politique du numérique, de Nikos Smynaios, INA, 160 pages, 10 euros.
Journaliste, spécialiste des nouvelles technologies

17:20 Publié dans Actualités, Dossier, Eclairage, Internet, Réseaux sociaux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : facebook, goggle | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |

13/08/2016

Pourquoi censurer les contenus djihadistes est bien plus difficile qu'une poitrine

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Pi.M. Vendredi, 12 Août, 2016 Humanite.fr

La radicalisation djihadiste sur Internet est devenue un point de cristallisation fort du débat, à tel point que des élus LR veulent assigner en justice les réseaux sociaux pour complicité. Il faut pourtant bien comprendre que si Facebook peut supprimer en un clin d’œil une photo de poitrine dénudée, le processus pour repérer un discours djihadiste n’est pas le même.

Si Facebook est (parfois) si rapide pour supprimer une poitrine ou une paire de fesses dénudées, c’est qu’un algorithme veille au grain. Le programme a intégré les caractéristiques mathématiques des parties de l’anatomie qui doivent rester cacher selon sa charte d’utilisation et se révèle relativement efficace. Même si on relève des cas de coudes ou d’aisselles opulentes injustement censurées. Cet algorithme reste une machine qui repère des formes et qu’on peut piéger facilement.

Comment appliquer cette même recette à la propagande djihadiste ? Impossible de le repérer par une caractéristique physique ou anatomique. Et si l’algorithme va chercher des mots, ou des associations de mots comme djihad, kamikaze, Syrie, Daech… Les articles de presse, les prises de parole politique, les interviews de chercheurs, les associations qui luttent pour et bien d’autres encore tomberont sous le coup de la censure aveugle et automatisée. De la même manière bien des œuvres d’art ne passent pas le filtre anti-nudité bête et méchant des réseaux sociaux. Et puis il suffit d’ajouter une faute d’orthographe intentionnelle pour rendre ces détections par mots inopérantes.

Idem pour les images ou les vidéos de propagande -ou même d’exécution- diffusées en masse. Une machine ne peut pas faire simplement la différence avec la bande annonce du dernier blockbuster guerrier américain.
Pour l’instant seule l’intervention humaine, suite au signalement des internautes vigilants ou des autorités est fiable. Et puis cela a créé des centaines d’emplois.
Le gouvernement français d’ailleurs ne chôme pas et a fait fermer 38000 pages Facebook en 2015, de loin en tête de tous les pays. A comparer aux 6500 de Turquie, 550 d’Allemagne, 430 d’Israël ou aux 80 fermées par la Russie…

L’algorithme Deep Text

Après des années de travail, Yahoo!  pense pouvoir bientôt lancer chez Facebook son intelligence artificielle capable de censurer tant la nudité que les contenus violents et les discours d’appels à la haine. Une tâche extrêmement difficile puisqu’il faut que la machine comprenne le sens du texte (et donc la langue), son contexte et qui est son auteur. L’algorithme nommé Deep Text est en test et a passé au crible 2 années de commentaires d’articles publiés chez Yahoo! avec un taux de fiabilité de 90%. 

Il repère le sens des mots, mais aussi la ponctuation et les formes syntaxiques associées aux injures. Il est capable d’apprendre le sens de mots en argot ou de ne pas se laisser piéger par l’orthographe. Les métaphores en revanche le trompent complètement et il faudra dans tous les cas abandonner l’ironie, le sarcasme et le second degré…
En outre, si cet algorithme pourra supprimer toutes insultes les plus courantes, il lui est impossible en revanche d’aller regarder les vidéos de prêche ou d’exécution pour repérer la propagande djihadiste…

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26/07/2016

Turquie. Les journalistes en état d’arrestation

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Pierre Barbancey, L'Humanité

Istanbul, envoyé spécial. Quarante-deux journalistes sont sous le coup d’un mandat d’arrêt pour soutien présumé au coup d’État avorté. Les attaques contre les journalistes et les médias ont commencé il y a plusieurs mois déjà.

Des mandats d’arrêt ont été délivrés à l’encontre de 42 journalistes dans le cadre des purges tous azimuts lancées après le putsch du 15 juillet. Cinq d’entre eux auraient déjà été interpellés. Le président Recep Tayyip Erdogan avait prévenu, samedi, dans un entretien à France 24, que, « si les médias soutiennent le coup d’État, qu’il s’agisse de médias audiovisuels ou autres, ils en paieront le prix ».

Le 19 juillet, le régulateur turc des médias audiovisuels avait retiré leur licence à de nombreuses chaînes de télévision et de radio soupçonnées de soutenir le réseau du prédicateur Fethullah Gülen, exilé aux États-Unis depuis 1999, accusé d’être l’instigateur du putsch. Cette décision concernait 24 chaînes de télévision et radios et 34 journalistes, considérés comme proches de ce religieux. Ils avaient été privés de leur carte de presse. Depuis l’échec du coup d’État, plus de 11 000 personnes ont été placées en garde à vue et plus de 5 800 placées en détention. Plus de 1 000 établissements d’enseignement, 15 universités, plus de 1 200 associations ou fondations et 19 syndicats ont déjà été fermés. À ce compte-là, ce n’est plus une purge mais les écuries d’Augias.

En réalité, derrière ces attaques se cachent les règlements de comptes entre les deux ex-alliés, Recep Erdogan lui-même et Fethullah Gülen, dont le divorce est apparu en 2013, lorsque ont éclaté des affaires de corruption éclaboussant des caciques du pouvoir et des proches du président turc, largement relayées par des médias proches ou appartenant à la mouvance Gülen. L’une des journalistes recherchés n’est autre que Nazli Ilicak, figure éminente de la presse conservatrice, limogée du quotidien progouvernemental Sabah en 2013 pour avoir critiqué des ministres impliqués dans le scandale de corruption. Elle a créé une revue l’an passé, Özgür Düsünce (la libre-pensée), mais était également chroniqueuse dans un journal taxé de güleniste, Bugün.

Depuis des mois, les médias de gauche sont particulièrement visés

Est-ce que l’appartenance d’un(e) journaliste à un média fait de lui (elle) un soutien réel de la ligne éditoriale ? La question vaut d’être posée (y compris en France). L’inquiétude est grande, d’autant qu’Amnesty International affirme avoir réuni des « preuves crédibles » attestant de tortures, et même de viols, de personnes détenues en Turquie après la tentative de coup d’État ratée qui a fait 270 morts. Autre élément d’inquiétude, la situation nouvelle, l’état d’exception en vigueur, pourrait servir d’écran pour poursuivre les attaques contre les journalistes et les médias, commencées il y a plusieurs mois déjà et qui n’ont aucune affinité avec Gülen. C’est le cas, par exemple, de Can Dündar, ancien rédacteur en chef de Cumhuriyet, inculpé avant la tentative de putsch.

Les médias de gauche, qui ouvrent leurs antennes et leurs pages aux revendications kurdes, sont particulièrement visés depuis des mois. Inan Kizilkaya, rédacteur en chef du quotidien Özgür Gündem, explique ainsi que depuis qu’il a pris ses fonctions, le 27 mars dernier, il y a « pratiquement un procès chaque jour. Près de 100 instructions ont été ouvertes à mon encontre pour “propagande d’un groupe terroriste”. C’était pareil pour mon prédécesseur, Reyhan Çapan, qui vient de faire appel d’une condamnation à trois ans et demi de prison.

Depuis que la guerre a recommencé contre les Kurdes, l’État est passé à l’offensive contre nous. Il y avait déjà des problèmes s’agissant de la liberté de la presse mais ce qui restait a été balayé ». Depuis le mois de septembre, 13 journalistes ont été arrêtés au Kurdistan, seuls 4 ont été relâchés. Les journalistes qui les soutiennent sont aussi inquiétés. C’est le cas de Faruk Eren, coordinateur de l’information sur la chaîne IMC et président de la section des journalistes au sein de la centrale syndicale Disk. Rédacteur en chef d’un jour à Özgür en signe de solidarité, il est maintenant poursuivi pour « propagande de la terreur ». Nos deux confrères en appellent à la solidarité internationale. « Tout peut nous arriver. Quand on va seul à un procès, on se sent vraiment vulnérable. Mais quand on y va accompagné ou soutenu par une campagne de solidarité, on se sent beaucoup plus fort. »

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