24/04/2016
Le journal “L’Humanité” va-t-il disparaître ?
Le quotidien, qui fête cette année ses 112 ans, traverse une période difficile. Ses finances sont au plus bas. De multiples appels ont été lancés pour que ses lecteurs le sauvent. Le journal n’en est pas à sa première crise, mais celle-ci pourrait bien être la dernière.
L’Humanité, le journal fondé en 1904 par Jean Jaurès, va mal. C’est son directeur actuel, Patrick Le Hyaric, qui l’a annoncé dans un article paru le 10 mars intitulé, sobrement, L’alerte : “Nous vous devons la vérité, l’Humanité est en danger ! […] L’Humanité ne tient que grâce à votre soutien. Et aujourd’hui, avouons-le, elle ne tient qu’à un fil.” Il y explique notamment que la survie du journal est nécessaire pour le pluralisme de la presse. Les pertes qu’accuse le titre s’élèvent à près de 50 centimes par exemplaire de L’Humanité vendu. Le journal est actuellement au bord du gouffre. Cet article est l’occasion de faire naître un slogan comprenant un hashtag, comme taillé pour l’ère des réseaux sociaux : #lHumanitecestnous.
Mais les problèmes financiers de l’Huma ne datent pas d’aujourd’hui. “C’est un journal qui vit toujours dans un déséquilibre/équilibre difficile, explique Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français (PCF) et ancien directeur de la rédaction du journal. Il y a des passages plus critiques que d’autres.” En 2013, l’Etat annule une dette que le journal doit au Trésor. Le quotidien avait contracté un prêt auprès du fonds de développement économique et social en 2002. A l’époque il était en cessation de paiement. La vente à l’Etat en 2010 de son siège, un bâtiment massif imaginé par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer, pour 12 millions d’Euros, n’avait pas suffi à le sortir d’affaire. Lors de son invitation à l’Instant M sur France Inter, Patrick Apel-Muller, directeur de la rédaction a fait le bilan :
“Nous avons limité [les] pertes notamment au prix de mesures assez sévères sur notre fonctionnement mais comme tous les autres quotidiens français nous perdons de l’argent dans notre exploitation. La différence c’est que nous n’avons pas des actionnaires du CAC 40 qui soit rachètent le journal, soit le recapitalisent. Nous n’avons pas non plus la publicité à laquelle nos lecteurs auraient droit”
Article publié dans Les Inrocks
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18/04/2016
Malgré les "Panama Papers", une majorité des eurodéputés français votent une directive sur le secret des affaires
Droite, FN et PS font passer la directive sur le secret des affaires
Quand François Hollande se réjouit des révélations de fraude fiscale via les Panama Papers, c’est du flan : au Parlement européen, aucun élu du groupe socialiste français n’a voté contre la directive sur le secret des affaires, propre à dissuader à l’avenir toute révélation de ce type.
« Ce texte est le reflet d’une société qui préfère l’opacité des affaires à l’information libre », ont accusé Patrick Le Hyaric, Marie-Christine Vergiat, Jean-Luc Mélenchon et Younous Omarjee, eurodéputés Front de gauche. Trois des douze élus PS se sont abstenus (Emmanuel Maurel, Édouard Martin et Guillaume Balas), les autres votant pour.
Le FN, « Les Républicains », le Modem, le PRG ont aussi voté pour, à quelques exceptions. Seuls le Front de gauche et Europe Écologie-les Verts (EELV) ont voté contre. Au final, le texte a été adopté à 77 % par le Parlement, dans une version qui ne définit pas précisément la frontière entre secret des affaires et intérêt public général.
L'affaire des Panama Papers a secoué le monde avec la publication de 11,5 millions de documents, décryptés par plusieurs médias. Ce scandale a pu éclater grâce à un lanceur d'alerte "dont l'identité reste protégée". Ce dernier a contacté un journal allemand, Süddeutzsche Zeitung, qui a ensuite transmis les informations à d'autres médias et plus précisément au Consortium international de journalistes d'investigation. Selon l'émission Cash Investigation, il faudrait 26 ans pour analyser la totalité des données collectées dans cette affaire. En France, les révélations ont principalement concerné la Société Générale. La banque est soupçonnée de détenir 979 sociétés offshore. Selon les informations du Monde, l'entreprise aurait opéré via sa filiale luxembourgeoise afin de mettre en place un mécanisme international d'évasion fiscale.
Autre cible des Panama Papers : le Front national. Des proches de Marine Le Pen, Frédéric Chatillon et Nicolas Crochet, seraient impliqués dans l'affaire. Les deux hommes avaient déjà été mis en examen dans le cadre de l'enquête sur le micro-parti de Marine Le Pen et le financement des campagnes présidentielle et législatives de 2012.
Protéger les entreprises face au risque d'espionnage
Le scandale des Panama Papers a fait réagir la classe politique française et en particulier François Hollande, qui avait annoncé que ces révélations donneraient lieu à des "enquêtes" fiscales, ainsi que des "procédures judiciaires", en France. Mais dans les faits, les partis politiques semblent avoir pris du recul par rapport à l'affaire. Le 13 avril dernier, le Parlement européen, dont des eurodéputés Les Républicains, socialistes et du Front national, a voté la directive sur le secret des affaires. Selon le site Vote Watch, 503 eurodéputés ont ratifié le texte, contre 131 qui s'y sont opposés. 99 étaient absents et 18 se sont abstenus.
À quoi sert cette directive ? Ce texte vise "à mieux protéger les entreprises européennes réputées vulnérables face à l'espionnage économique et industriel, surtout les PME", explique Le Monde. Cette directive a été lancée à la fin de l'année 2013 par Michel Barnier. Elle garantit ainsi qu'en cas de "vol, acquisition ou d'utilisation illégale des informations confidentielles, la victime pourra défendre ses droits devant les juridictions civiles de la même façon partout en Europe", poursuit le journal. Cependant, ce texte ne fait pas l'unanimité auprès des eurodéputés verts. Selon eux, une définition trop vague du secret des affaires pourrait entraîner "l'absence d'une protection spécifique pour les lanceurs d'alerte". "Si les journalistes ne peuvent être condamnés pour avoir fait leur travail, alors il faudrait que cela soit expressément écrit dans le texte, or cela ne l'est pas", explique au Monde l'eurodéputé écologiste français Pascal Durand.
Les lanceurs d'alerte en danger ?
Le vote du Parlement européen et des politiques français pourraient ainsi se retourner contre les lanceurs d'alerte et les journalistes d'enquête. Élise Lucet a d'ailleurs posté un message sur Twitter où elle écrit : "Informer n'est pas un délit. Messieurs et Mesdames les députés européens, ne votez pas la directive secret des affaires !!!" Dans un autre message, la journaliste à la tête de l'émission Cash Investigation explique qu'il s'agit d'un "danger sur le journalisme d'investigation économique !!"
Sources l'Humanité et RTL
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05/02/2016
Un syndicaliste de la CGT agace Sarkozy, France 2 coupe le son...
Sans contradicteur pour débattre dans l'émission Des paroles et des actes jeudi soir, Nicolas Sarkozy était confronté à un panel de Français dont Karl Ghazi de la CGT Commerce. Le syndicaliste n'hésite pas à contredire l'ex-chef de l'État notamment sur l'emploi mais certainement un peu trop pour France 2 qui lui a carrément coupé le micro...
Hier après-midi, France 2 a fait savoir qu’il n’y aurait pas de « contradicteur » face à l’ancien président de la République pour l'émission Des paroles et des actes diffusée en soirée. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État aux relations avec le Parlement auprès du Premier ministre s'étant décommandé, la chaîne publique a souhaité donner davantage la parole aux Français.
"Vous défensez l'intérêt du fort contre le faible"
Le présentateur de l'émission, David Pugadas, leurs donne "carte blanche" face l'ex-président de la république. Après avoir échangé avec plusieurs d'entre-eux sur différents thèmes comme le mariage pour tous, la réforme constitutionnelle ou encore l'emploi, vient le tour de Karl Ghazi, secrétaire de la CGT Commerce et grand combattant du travail dominical et de nuit qui sera le dernier intervant de la soirée. David Pugadas lui rappelle qu'il ne dispose que de "cinq minutes" pour s'exprimer. "C’est un petit court, pour un échange, car ce serait bien qu’on parle un peu du fond. Il serait bien peut-être aussi bien d’entendre un peu longuement la parole des salariés…”, dit le syndicaliste. Et Karl Ghazi, très remonté lâche :"Ce que vous proposez d'aujourd'hui de faire est tout ce qui n'a jamais marché alors je me demande pourquoi cette persistance. Soit vous êtes masochiste, soit vous défendez autre chose que l'intérêt général. L'intérêt de ceux qui s'enrichissent encore plus grâce à cette politique, l'intérêt du fort contre le faible, l'intérêt des Bernard Arnault, des François Pinault, des Arnaud Lagardère contre l'intérêt de la salariée à temps partiel au SMIC qui touche 700 à 800 euros par mois." Sarkozy trépigne, Pugadas s'impatiente. S'en suit un vif échange. Karl Ghazi taclant sévèrement le président du parti Les Républicains: «Vous êtes fâché avec les chiffres M. Sarkozy, on le sait. Vos comptes à la présidentielle... On sait que vous n'aimez pas trop ça les chiffres».
France 2 coupe le son...
David Pujadas tente de terminer la conversation, et donne la parole une dernière fois à Nicolas Sarkozy. Alors que celui-ci s’exprime sur le travail du dimanche, la réponse du leader de l'intersyndicale Clic P est inaudible pour les téléspectateurs. France 2 a purement coupé le micro du syndicaliste pour laisser l'ex-président conclure. À croire qu'à la régie-son de la chaîne publique, un salarié a refusé de travailler de nuit..
19:37 Publié dans Actualités, ACTUSe-Vidéos, Journaliste, Manipulation, Télévision | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sarkozy, pujadas, cgt commerce | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
01/02/2016
TV. Derrière les masques de la révolution ukrainienne
Spécial Investigation, documentaire du journaliste d’investigation Paul Moreira sur le massacre d’Odessa et le rôle des milices d’extrême droite dans l’après-révolution ukrainienne. Un travail essentiel de désintoxication.
Paul Moreira, dans le documentaire d’investigation, est une référence. Son enquête, diffusée sur Canal+, ne fait pas exception. Le journaliste, cofondateur de l’agence Premières Lignes, s’est penché sur l’après-révolution ukrainienne. En trois parties, il déconstruit l’image bien trop lisse d’un mouvement qui a enjoué l’Europe de l’Ouest, alors que trois mouvances néonazies présentes aux côtés de la population pro-ukrainienne ont infiltré le pouvoir, avant de devenir petit à petit des forces militaires. Images et témoignages à l’appui, cette enquête dénonce ce crime impuni de 45 pro-Russes brûlés vifs à Odessa, en mai 2014, mais aussi la complicité intéressée des États-Unis.
Vous expliquez, en introduction de votre documentaire, avoir observé trois symboles présents aux rassemblements de la révolution ukrainienne. Est-ce le point de départ de votre enquête ?
Paul Moreira. Je n’avais jamais mis les pieds en Ukraine. La seule perception que j’avais de la révolution était les images que je voyais à la télévision. Je constate alors une sorte d’inadéquation entre l’enthousiasme médiatique autour de la révolution et des petits signes qui me perturbent. Comme des interférences, des éléments qui ne sonnent pas juste. Je parle des bannières du Secteur droit, extrêmement martiales, des brassards avec le symbole de ce qui va devenir Azov par la suite… Des signes inquiétants, pas vraiment explorés. J’ai toujours eu une défiance vis-à-vis des histoires racontées en noir et blanc. En fouillant, je m’aperçois que nous avons omis, sans pour autant dire censurer, de traiter une partie de l’histoire. Omis par pente naturelle, omis parce que les démocraties occidentales ne se sont pas insurgées quand les ‘’gentils’’ révolutionnaires ukrainiens ont massacré des civils à Odessa. Un ensemble de constatations qui me font dire qu’il y a eu un traitement problématique des événements ukrainiens.
Comment expliquez-vous ce silence?
Paul Moreira. Pour que le massacre d’Odessa prenne de l’ampleur, il aurait fallu une dénonciation du fait, qu’en plein cœur de l’Europe et au XXIème siècle, quarante cinq personnes soient tuées avec une totale absence de réaction de la part de la police. C’est un massacre de masse complètement impuni et non enquêté : la commission européenne s’est intéressée à l’histoire. Elle a lu des rapports écrits mais n’a pas enquêté sur le terrain. On se retrouve donc avec une situation, assez paradoxale et étonnante, où Youtube est bourré de visuels sur ce qui s’est passé. Comme beaucoup, je n’ai pas vu cette information. Alors, j’ai passé plusieurs semaines à visionner et à croiser les vidéos pour métaboliser les faits. Je pense n’avoir jamais vu un événement, aussi dramatique, autant filmé et en même temps aussi peu traité. Des articles, certes, ont été écrits. Seulement, la perception générale du public est qu’il ne s’est rien passé. Parce que c’était des pro-russes, des vieux communistes. Cela aurait dû réveiller un peu plus les citoyens sur le fait, qu’au sein des forces révolutionnaires, il existe des éléments extrêmement violents et nationalistes. Je n’ai pas exploité certains aspects comme l’enquête des Allemands et des Anglais qui tend à établir que les fameux tirs de la place Maïdan pourraient venir des propres rangs des insurgés, comme une provocation… Un tas d’éléments laissés dans l’ombre.
Vous dites dans le documentaire qu’il existe ce risque que le monstre se retourne un jour contre son créateur. C’est-à-dire ?
Paul Moreira. La révolution a fait croître les troupes de choc des milices, des groupes paramilitaires. Et ces derniers ne semblent plus du tout mis en échec par l’autorité publique. Ils font la police à la place de la police. Parfois, il y a même des tirs armés entre le Secteur droit et la police ukrainienne. Ce sont effectivement des individus qui ont pris des risques physiques, qui ont fait preuve d’un grand courage pour un changement de régime. Seulement, ils avaient un projet différent que celui de juste mettre en place d’autres hommes politiques. Le problème est là : le mouvement révolutionnaire, qui s’est produit dans la rue, a donné de l’espace à ces troupes. Et celles-ci, aujourd’hui, sur leur propre lancée, veulent aller beaucoup plus loin. Les autorités ukrainiennes semblent incapables de les contrôler. Quand ils bloquent une frontière et que la police regarde passivement car elle ne peut ou ne veut rien faire, c’est bien que la créature leur a échappé.
Vous avez récolté divers témoignages sur place. Les acteurs du crime d’Odessa ne nient rien...
Paul Moreira. Malheureusement, c’est toujours les vainqueurs qui ont l’histoire avec eux. S’ils n’ont pas été punis, si rien n’a indiqué qu’ils ont commis un crime, ils se sentent légitimes. Joshua Oppenheimer, dans « The act of killing », évoque cela à travers les grands massacres qui ont suivi le mouvement de 1965 en Indonésie. Les assassins expliquent les méthodes qu’ils ont utilisées pour tuer et ils le disent très clairement : nous sommes les vainqueurs donc c’est nous qui déterminons ce qui est l’histoire et ce qui ne l’est pas. Cette référence m’est venue en tête face à ces Ukrainiens. L’un des leaders d’une milice pro-ukrainienne montre bien qu’il n’a aucun remord. Il estime qu’ils ont eu ce qu’ils méritaient.
Ils vous accueillent, aussi, volontiers dans leurs camps d’entraînement. D’après vous, qui sont-ils ?
Paul Moreira. Quand je pars à leur rencontre, j’ai évidemment pleins d’éléments qui me montrent qu’ils sont fortement noyautés par des néonazis et des membres de l’extrême-droite. Il existe une partie des informations, au trait forcé, qui relèvent de la propagande des Russes. Je voulais donc prouver par l’image, et à travers leurs paroles, qui ils étaient réellement. Je le mets en scène comme une révélation car ils mettent énormément d’énergie à dissimuler leur affiliation au néonazisme. Ils savent que ce n’est pas gérable en Europe occidentale d’appartenir à ce courant historique. Je souhaitais aussi montrer cette intention. Par exemple, dans une scène, un jeune Français s’entraîne avec eux. Et pendant que je tourne, il réalise qu’il a oublié de retirer son nom de code, collé à son uniforme. On y lit «Mussolini»...
Entre les conclusions sur ces troupes et l’attitude des Etats-Unis dans cette région de l’Europe, vouliez-vous rendre compte de son jeu dangereux ?
Paul Moreira. L’ex-patron de la CIA, le général Petraeus, est passé au privé mais reste très proche du pouvoir américain. Il dit quelque chose que le gouvernement n’oserait pas dire : il faut des armes offensives. Jouer dans le jardin de la maison Russie comporte un risque énorme. La révolution ukrainienne avait des motifs totalement louables. Mais la réalité est que le degré d’investissement des Américains dans ce changement de régime peut être interprété par Poutine comme un acte guerrier. Ce qui pourrait le mobiliser d’autant plus contre les Ukrainiens. La stratégie anti-Poutine des Etats-Unis, pour empêcher comme le dit Petraeus la Russie de devenir un empire, est très claire. Elle peut déboucher sur un conflit massif.
18:51 Publié dans Actualités, ACTUSe-Vidéos, Eclairage, Entretien, Journaliste, Manipulation, Télévision, Vidéo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paul moreira, ukraine, faciste | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |