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12/06/2016

Les télécoms avalent la presse. Qui les arrêtera ?

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Depuis un mois, l’opérateur SFR accélère un rapprochement avec les médias qu’il détient. Une stratégie qui pose la question de l’avenir de l’information en France, sans que grand monde s’en préoccupe.

France, 2020. Les abonnés SFR peuvent consulter Libération, L’Express ou BFM quand ils le souhaitent. Tous les articles sont à portée de clics. Ceux du Monde, de L’Obs et de Télérama sont compris dans les forfaits de Free, sous l’impulsion de Xavier Niel (copropriétaire de L’Obs, dont fait partie Rue89). Quant aux abonnés Orange, ils ont le droit de consulter en illimité le dernier média en vogue, dont vous et moi ignorons encore le nom.

Voilà à quoi pourrait bientôt ressembler le paysage médiatique français. C’est en tout cas ce que croit Patrick Drahi, ancien Numericable nouvellement SFR, dixième fortune du pays, qui lançait ce 8 juin devant des sénateurs :

« J’ai trouvé un modèle économique pour l’ensemble de la presse et je pense que je serai suivi par beaucoup de gens. »

Sa stratégie ? Offrir les titres qu’il possède à ses abonnés. Avec son offre SFR Presse, Patrick Drahi relance un modèle que l’on pensait enterré avec les années 2000 et les échecs de Vivendi et AOL : la convergence entre les activités de télécommunications et des médias. Ce qui pose pas mal de questions :

  • Les médias vont-ils se retrouver de plus en plus dépendants de vendeurs de tuyaux Internet ?
  • La diffusion de l’information va-t-elle être déterminée par la seule nature des forfaits Internet ?
  • Et les nouveaux médias, condamnés à quémander une place dans l’offre d’un opérateur pour continuer à exister ?

« Aucune raison d’aller voir ailleurs ! »

Il y a tout juste un mois, SFR, le deuxième opérateur français, a donc offert à ses quelques 18 millions d’abonnés un accès gratuit à 17 journaux et magazines. Libération et les titres du groupe L’Express (dont L’Expansion, l’Etudiant ou 01.net), acquis en 2015 par la maison-mère de l’opérateur, Altice – avant d’être gobé directement par SFR.

Malgré l’arrêt de la gratuité il y a quelques jours, SFR Presse sera de toute façon compris dans la majorité des forfaits.

Facturé certes, mais sans que l’abonné ne sente passer la douloureuse, grâce à une remise et un habile montage fiscal susceptible de rapporter 350 millions d’euros à l’opérateur, estimait il y a quelques jours Europe 1.

Les militants d’un Internet libre et ouvert considèrent que SFR porte ainsi atteinte au choix des internautes. Et qu’il faudrait freiner les ambitions de l’opérateur.

Mais ils sont les premiers à reconnaître qu’ils sont bien seuls à prêcher dans le désert. Agnès de Cornulier, du collectif français La Quadrature du Net, se désole :

« Le consommateur voit, et c’est normal, son intérêt immédiat. Il ne voit pas l’enfermement de fait, commercial et technique. Ce que propose SFR, c’est un enfermement terrible : tu n’as aucune raison d’aller voir ailleurs ! »

« On est vraiment démunis »

Patrick Abate approuve. Le sénateur communiste de la Moselle est le seul, avec son collègue Jean-Pierre Bosino, à s’être inquiété du problème au Parlement. Pour lui, pas de doute, la stratégie de SFR est une « atteinte extraordinaire à la neutralité d’Internet ».

Avec son groupe, il a tenté d’ouvrir le débat au Sénat, en profitant d’une proposition de loi socialiste visant à « renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias ». Mais ça n’a rien donné :

« Il n’y a rien de plus pour la presse dans ce texte. »

« Je ne dis pas qu’il y a le feu », nous précise-t-il, prudent, dans l’un des salons du Palais du Luxembourg, « mais on risque de laisser s’installer des choses qui ne sont pas bonnes. Il faut tirer la sonnette d’alarme. »

En séance le 26 dernier, Patrick Abate tentait une comparaison :

« C’est un peu comme si les fameux relais H [rebaptisés Relay en 2001, ndlr] ne mettaient à disposition du public que les magazines ou les livres édités par le groupe Hachette, comme si l’on ne trouvait dans les kiosques tenus par Jean-Claude Decaux que des journaux liés, d’une manière ou d’une autre, à ce dernier. Pour le coup, c’est absolument inadmissible ! »

Pour lui, l’une des solutions passe par le dépoussiérage des règles de concentration dans la presse. Un système qui dépend de textes de 1986. Une éternité à l’échelle d’Internet.

Mais ses tentatives d’amendement en ce sens sont restées lettre morte. Sa demande de rapport, rejetée.

« Sur la concentration, ça n’a pas du tout bougé. On est vraiment démunis. »

Le sénateur appelle donc « chacun à prendre ses responsabilités. » A commencer par l’Arcep.

Des offres « examinées au cas par cas »

Aussi improbable que cela puisse paraître, le gendarme des postes et des télécommunications est sur le point d’avoir des moyens concrets pour apporter quelques garanties à l’info et à sa diffusion.

Quand vous interrogez ses membres sur le sujet, il faut sortir les rames. Non pas qu’ils ne s’y intéressent pas. Mais la presse, la liberté d’expression, tout ça, ce n’est pas leur fonds de commerce. Eux s’occupent des tuyaux, et non du contenu. Et encore moins d’un contenu sensible comme la presse.

En route vers Bruxelles, où l’Arcep et ses homologues européens se sont donnés rendez-vous le 6 juin, Sébastien Soriano, à la tête de l’institution depuis 2015, m’arrête tout de suite :

« Il ne faut pas faire de plans sur la comète. »

Pourtant, il ne ferme pas complètement la porte. Si des offres comme SFR Presse ne sont « pas interdites en tant que telles », reste qu’elles seront « examinées au cas par cas », ajoute-t-il avant de préciser qu’il avisera aussi en fonction des plaintes qui lui remonteront sur le sujet.

Ces plaintes, des lecteurs, des médias, des distributeurs de presse, des associations, des concurrents de SFR... Bref, un peu qui voudra pourra les adresser à l’Arcep, en profitant de la fenêtre de tir que vient d’ouvrir un texte de l’Europe sur l’encadrement d’Internet.

« L’effet sur la liberté d’expression »

Le règlement de novembre 2015 permet, en effet, aux autorités comme l’Arcep de cadrer d’un peu plus près les pratiques des fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Ils n’ont pas non plus la possibilité de faire n’importe quoi avec leurs offres commerciales. Et ça, c’est la grande nouveauté, qui a précisément occupé une grande partie de la réunion du 6 juin, à Bruxelles.

Ce lundi, l’Arcep et ses homologues ont expliqué leur compréhension des nouvelles règles s’appliquant au Net européen (soumises à consultation jusqu’au 18 juillet).

Dans le lot, un certain point 43, qu’on croirait adressé à monsieur Drahi. Il liste les critères qui seront étudiés pour avaliser une offre. Parmi eux :

  • La position sur le marché du FAI en question, ainsi que celle du fournisseur de contenu.
  • L’effet sur « la variété et la diversité des contenus » effectivement accessibles afin de voir si elles sont « réduites en pratique ».
  • L’effet réel sur l’abonné : est-il « incité » à aller sur une application en particulier ?
  • L’effet sur la concurrence : est-elle « matériellement découragée » d’entrer sur le marché, ou forcer de le quitter ?
  • L’effet sur l’innovation, en tentant de savoir « si c’est le FAI qui choisit des gagnants et des perdants ».
  • Les alternatives possibles.
  • Et le meilleur pour la fin :

« L’effet sur la liberté d’expression et le pluralisme des médias. »

Spécificité française

N’empêche, malgré cet outillage, l’Arcep reste prudente. Et ses potes européennes, plus frileuses encore : à les en croire, SFR presse est aujourd’hui une spécificité française. 

A l’issue de la réunion, Thomas Lohninger, militant autrichien au sein de l’Initiative für Netzfreiheit qui a été consulté sur ce dossier, s’emporte :

« Ce n’est pas seulement la presse mais le pluralisme des médias ! L’égalité d’accès à l’information ! C’est pour ça qu’il faut se battre pour avoir des règles générales et non du cas par cas ! Les autorités ne sont pas courageuses, elles ne décideront pas seules. »

Les alliés se font rares

Quand bien même elle le souhaiterait, l’Arcep ne s’engagera pas dans une bataille qui croise intérêts économiques énormes et écosystème médiatique en syncope sans un soutien de poids. Mais les alliés se font rares.

La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), également tenue par l’Europe de faire respecter l’ouverture d’Internet, dit « ne disposer d’aucun élément sur ce sujet ». 

Quant à l’autorité de la concurrence, qui a autorisé en 2015 le rachat de Libération et du groupe L’Express par Altice, elle indique ne pouvoir « donner des informations sur une éventuelle saisine en cours » sur le sujet. Mais se dit « très vigilante sur les engagements de Numericable. »

Du côté des ministères, le sonogramme est tout aussi désespérément plat. Malgré nos sollicitations répétées depuis plus d’un mois, la Culture n’a jamais répondu a nos questions. Même chose du côté du ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, que l’on disait pourtant en charge du dossier concentration en 2014.

Le seul frémissement, léger, vient du côté d’Axelle Lemaire, la secrétaire d’Etat au numérique, dont le cabinet fait savoir qu’elle suit « la question avec attention ». Ajoutant, prudent :

« Mais il est prématuré de tirer des conclusions concernant le dossier Altice. »

Pour le sénateur Abate, le désintérêt des politiques est d’autant plus absurde que la stratégie de SFR pose, en plus du reste, la question des aides publiques à la presse, qui alimentent désormais de fait les montages fiscaux de l’opérateur.

Impossible à désactiver

Chez Altice, on poursuit la stratégie du Blitzkrieg  : avancer, au plus vite. SFR a ainsi annoncé dès son lancement que son offre serait totalement ouverte. Côté contenu, à d’autres titres de presse, ne lui appartenant pas ; côté tuyaux, à d’autres opérateurs. Histoire d’anticiper les retours de bâton de l’autorité de la concurrence, qui a déjà fait savoir qu’elle n’appréciait que modérément les contrats d’exclusivité. Et de contrer l’idée qu’un préjudice est ici fait à la diversité du Net français.

Reste que, contrairement aux abonnés SFR, la clientèle de la concurrence devra effectivement débourser 19,90 euros pour accéder à l’application média des opérateurs – une possibilité qui, au passage, n’est toujours pas activée. Et il est vrai que les utilisateurs de SFR pourront toujours consulter d’autres médias via une recherche sur Google. Mais qui, vu l’appétence actuelle pour la presse, prendra la peine d’aller voir ailleurs ?

Sans compter que pour certains clients mobiles, l’application SFR presse est impossible à désinstaller, rapportait il y a quelques jours le site Next Inpact. Et l’offre, impossible à désactiver. On revient à l’idée de départ : une incitation, si ce n’est un enfermement, dans un contenu restreint.

« 12 millions de personnes »

Du côté des rédactions, on moufte peu ou pas trop fort. A l’image de Laurent Joffrin, certains voient la proximité avec SFR comme une opportunité. La promesse d’un modèle économique.

La Société des journalistes et du personnel de Libération s’est dit vigilante quant « aux conséquences de ce rapprochement » avec SFR. Pointe le « risque » de « devenir dépendant d’un diffuseur numérique, d’autant plus qu’il s’agit de [l’] actionnaire majoritaire ».

A L’Express, la Société des journalistes (SDJ) a demandé à rouvrir une clause de cession après le rachat de SFR. Mais les actionnaires n’ayant pas changé entre la fille SFR et la mère Altice, cette requête a peu de chances d’aboutir.

Au Sénat, Patrick Drahi se réjouit :

« Les titres qui sont disponibles sur l’application SFR sont visibles par 12 millions de personnes. Ça ne veut pas dire que 12 millions de personnes les regardent tous les matins, mais des centaines de milliers les regardent tous les matins, quand ils n’étaient que quelques milliers il y a trois, quatre mois. »

« Motif de conflit social »

Pendant ce temps-là, dans les rédactions, la convergence se renforce. Ce 7 juin, SFR lançait ainsi un portail d’information, SFR News. Qui reprend, sans renvoyer aux titres, des articles de L’Express, 01 Net ou BFM – SFR possède également 49% du groupe de BFM et RMC, NextradioTV. Le portail propose aussi du contenu inédit.

Des journalistes viennent même d’être embauchés pour l’occasion au sein de BFM et L’Express. Libé, pour le moment, n’est pas concerné. Cette demande serait de toute façon « un motif de conflit social », estime un journaliste, qui dit :

« On n’est pas là pour développer la marque SFR. On est là pour développer la marque Libération. »

Sources Rue 89

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29/05/2016

Journaliste de France 2 ou éditorialiste du Figaro ? Nathalie Saint-Cricq face à la CGT

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Retour sur une appropriation privée du service public par une cheffe de la rédaction.

Pris dans le flot des commentaires à sens unique contre les grèves et la CGT, l’éditorial de combat de Nathalie Saint-Cricq, prononcé lors du ,JT de 20 h sur France 2 le 23 mai 2016, aurait pu passer inaperçu, si nous n’avions pas été quelques-uns à le relever [1].

Il mérite pourtant qu’on lui réserve un sort particulier. Mais d’abord regardons la responsable du service politique de France 2 et relisons sa prose.

- David Pujadas : « Et dans le même temps la CGT souhaite encore durcir et élargir le mouvement. Elle appelle à une grève illimitée à la RATP à partir du 2 juin rappelant qu’elle est le premier syndicat de l’entreprise. Elle demande la réouverture des négociations salariales et, toujours, le retrait du projet " loi travail ". Bonsoir Nathalie Saint-Cricq. »
- Nathalie Saint-Cricq : « Bonsoir David. »
- David Pujadas : « Est-ce qu’on assiste là à une radicalisation de la CGT ? »
- Nathalie Saint-Cricq : « Ah ben clairement David, à une radicalisation tous azimuts et une technique révolutionnaire bien orchestrée ou comment paralyser un pays malgré une base rabougrie et même si le mouvement s’essouffle. Alors regardez bien cette affiche, elle est d’une confondante clarté. On y parle de compte à rebours, on y voit des bâtons de dynamite, un slogan "On bloque tout", bref clairement on joue la rue et l’affrontement total. Alors la CGT de Philippe Martinez veut tout faire sauter alors que celle de Bernard Thibault laissait toujours une petite porte entr’ouverte et quand clairement la CFDT a choisi le voie de la réforme négociée. »
- David Pujadas : « Pourquoi cette stratégie ? Est-ce que ça n’est pas un pari risqué ? »
- Nathalie Saint-Cricq : « Alors cette stratégie elle est justifiée par un score en chute libre à la CGT. Mais c’est un pari risqué d’abord parce que rien ne permet de dire que cette radicalisation va dans le sens de l’histoire ou au contraire. Ensuite jouer l’explosion sociale c’est prendre finalement la responsabilité qu’il y ait un accident, un blessé ou un mort. Et puis c’est aussi risqué de se mettre à dos durablement l’opinion publique. Enfin exiger purement et simplement le retrait de la "loi travail" ben c’est jouer un va-tout qui n’a pratiquement aucune chance d’aboutir. »
- David Pujadas : « Merci Nathalie. »

Économisons nos commentaires. Cet éditorial digne du Figaro a été servi sur France 2. Or France 2 n’est pas, en principe, un média d’opinion. La chaîne est tenue, autant que faire se peut (et sans qu’il soit besoin de se bercer d’illusion sur la « neutralité ») de respecter un minimum de pluralisme éditorial.

France 2, il faut le rappeler, est une chaîne du secteur public qui prétend être une chaine de service public ! Elle n’est pas, en principe, la propriété privée de sa chefferie éditoriale.

L’engagement éditorial est une forme d’engagement militant. Et dans le cas présent l’outrance de cet engagement militant soulève au moins deux questions :

- Le CSA qui s’occupe de déontologie quand ça l’arrange, alors que ce n’est pas son rôle va-t-il s’insurger contre ce déni de pluralisme éditorial, alors que la garantie du pluralisme entre dans son domaine de compétence (ou d’incompétence…) ?

- Les journalistes de la rédaction de France 2 (du moins ceux qui sont « protégés » par un CDI) vont ils se rebeller contre cette atteinte manifeste à la mission qu’officiellement ils s’assignent ?

Naïfs que nous sommes ? La radicalisation de Nathalie Saint-Cricq mériterait que ces deux questions reçoivent des réponses.


Henri Maler (avec Denis Souchon) pour Acrimed

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24/04/2016

Le journal “L’Humanité” va-t-il disparaître ?

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Le quotidien, qui fête cette année ses 112 ans, traverse une période difficile. Ses finances sont au plus bas. De multiples appels ont été lancés pour que ses lecteurs le sauvent. Le journal n’en est pas à sa première crise, mais celle-ci pourrait bien être la dernière.

L’Humanité, le journal fondé en 1904 par Jean Jaurès, va mal. C’est son directeur actuel, Patrick Le Hyaric, qui l’a annoncé dans un article paru le 10 mars intitulé, sobrement, L’alerte : “Nous vous devons la véritél’Humanité est en danger ! […] L’Humanité ne tient que grâce à votre soutien. Et aujourd’hui, avouons-le, elle ne tient qu’à un fil.” Il y explique notamment que la survie du journal est nécessaire pour le pluralisme de la presse. Les pertes qu’accuse le titre s’élèvent à près de 50 centimes par exemplaire de L’Humanité vendu. Le journal est actuellement au bord du gouffre. Cet article est l’occasion de faire naître un slogan comprenant un hashtag, comme taillé pour l’ère des réseaux sociaux : #lHumanitecestnous.

Mais les problèmes financiers de l’Huma ne datent pas d’aujourd’hui. “C’est un journal qui vit toujours dans un déséquilibre/équilibre difficile, explique Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français (PCF) et ancien directeur de la rédaction du journal. Il y a des passages plus critiques que d’autres.” En 2013, l’Etat annule une dette que le journal doit au Trésor. Le quotidien avait contracté un prêt auprès du fonds de développement économique et social en 2002. A l’époque il était en cessation de paiement. La vente à l’Etat en 2010 de son siège, un bâtiment massif imaginé par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer, pour 12 millions d’Euros, n’avait pas suffi à le sortir d’affaire. Lors de son invitation à l’Instant M sur France Inter, Patrick Apel-Muller, directeur de la rédaction a fait le bilan :

Nous avons limité [les] pertes notamment au prix de mesures assez sévères sur notre fonctionnement mais comme tous les autres quotidiens français nous perdons de l’argent dans notre exploitation. La différence c’est que nous n’avons pas des actionnaires du CAC 40 qui soit rachètent le journal, soit le recapitalisent. Nous n’avons pas non plus la publicité à laquelle nos lecteurs auraient droit”

Article publié dans Les Inrocks

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18/04/2016

Malgré les "Panama Papers", une majorité des eurodéputés français votent une directive sur le secret des affaires

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Droite, FN et PS font passer la directive sur le secret des affaires

Quand François Hollande se réjouit des révélations de fraude fiscale via les Panama Papers, c’est du flan : au Parlement européen, aucun élu du groupe socialiste français n’a voté contre la directive sur le secret des affaires, propre à dissuader à l’avenir toute révélation de ce type.

« Ce texte est le reflet d’une société qui préfère l’opacité des affaires à l’information libre », ont accusé Patrick Le Hyaric, Marie-Christine Vergiat, Jean-Luc Mélenchon et Younous Omarjee, eurodéputés Front de gauche. Trois des douze élus PS se sont abstenus (Emmanuel Maurel, Édouard Martin et Guillaume Balas), les autres votant pour.

Le FN, « Les Républicains », le Modem, le PRG ont aussi voté pour, à quelques exceptions. Seuls le Front de gauche et Europe Écologie-les Verts (EELV) ont voté contre. Au final, le texte a été adopté à 77 % par le Parlement, dans une version qui ne définit pas précisément la frontière entre secret des affaires et intérêt public général.

L'affaire des Panama Papers a secoué le monde avec la publication de 11,5 millions de documents, décryptés par plusieurs médias. Ce scandale a pu éclater grâce à un lanceur d'alerte "dont l'identité reste protégée". Ce dernier a contacté un journal allemand, Süddeutzsche Zeitung, qui a ensuite transmis les informations à d'autres médias et plus précisément au Consortium international de journalistes d'investigation. Selon l'émission Cash Investigation, il faudrait 26 ans pour analyser la totalité des données collectées dans cette affaire. En France, les révélations ont principalement concerné la Société Générale. La banque est soupçonnée de détenir 979 sociétés offshore. Selon les informations du Monde, l'entreprise aurait opéré via sa filiale luxembourgeoise afin de mettre en place un mécanisme international d'évasion fiscale.

Autre cible des Panama Papers : le Front national. Des proches de Marine Le Pen, Frédéric Chatillon et Nicolas Crochet, seraient impliqués dans l'affaire. Les deux hommes avaient déjà été mis en examen dans le cadre de l'enquête sur le micro-parti de Marine Le Pen et le financement des campagnes présidentielle et législatives de 2012.

Protéger les entreprises face au risque d'espionnage

Le scandale des Panama Papers a fait réagir la classe politique française et en particulier François Hollande, qui avait annoncé que ces révélations donneraient lieu à des "enquêtes" fiscales, ainsi que des "procédures judiciaires", en France. Mais dans les faits, les partis politiques semblent avoir pris du recul par rapport à l'affaire. Le 13 avril dernier, le Parlement européen, dont des eurodéputés Les Républicains, socialistes et du Front national, a voté la directive sur le secret des affaires. Selon le site Vote Watch, 503 eurodéputés ont ratifié le texte, contre 131 qui s'y sont opposés. 99 étaient absents et 18 se sont abstenus. 

À quoi sert cette directive ? Ce texte vise "à mieux protéger les entreprises européennes réputées vulnérables face à l'espionnage économique et industriel, surtout les PME", explique Le Monde. Cette directive a été lancée à la fin de l'année 2013 par Michel Barnier. Elle garantit ainsi qu'en  cas de "vol, acquisition ou d'utilisation illégale des informations confidentielles, la victime pourra défendre ses droits devant les juridictions civiles de la même façon partout en Europe", poursuit le journal. Cependant, ce texte ne fait pas l'unanimité auprès des eurodéputés verts. Selon eux, une définition trop vague du secret des affaires pourrait entraîner "l'absence d'une protection spécifique pour les lanceurs d'alerte". "Si les journalistes ne peuvent être condamnés pour avoir fait leur travail, alors il faudrait que cela soit expressément écrit dans le texte, or cela ne l'est pas", explique au Monde l'eurodéputé écologiste français Pascal Durand.

Les lanceurs d'alerte en danger ?

Le vote du Parlement européen et des politiques français pourraient ainsi se retourner contre les lanceurs d'alerte et les journalistes d'enquête. Élise Lucet a d'ailleurs posté un message sur Twitter où elle écrit : "Informer n'est pas un délit. Messieurs et Mesdames les députés européens, ne votez pas la directive secret des affaires !!!" Dans un autre message, la journaliste à la tête de l'émission Cash Investigation explique qu'il s'agit d'un "danger sur le journalisme d'investigation économique !!"

Sources l'Humanité et RTL