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10/08/2013

Plus la politique étrangère des Etats-Unis est criminelle, plus elle s’appuie sur la complicité des médias. (The Guardian)

Mark WEISBROT
L’ancien soldat des forces spéciales guatémaltèques Pedro Pimentel Rios lors du procès pour son rôle dans le massacre de Los Erres, l’un des pires génocides de l’après-guerre.

L’autocensure de nos journalistes rend invisibles aux yeux des américains les sinistres conséquences de la puissance militaire US.

Les dépenses militaires des Etats-Unis, en dollars constants, restent plus élevées qu’elles ne l’étaient au paroxysme de la politique reaganienne d’armement lors de la Guerre froide, plus élevées que pendant la guerre du Vietnam ou celle de Corée. Nous semblons être en état de guerre permanente, et -comme nous l’avons appris récemment- d’espionnage et de surveillance étatiques de masse de nos propres citoyens. Et ce en dépit d’un affaiblissement constant des menaces réelles pesant sur la sécurité physique des Américains. Seules 19 personnes sont mortes d’actes terroristes depuis le 11 septembre 2001, et aucun ou presque de ces décès n’est lié au terrorisme étranger. Par ailleurs, aucun « pays ennemi » ne représente une réelle menace militaire pour les Etats-Unis -si tant est qu’il existe un gouvernement pouvant être qualifié d’ « ennemi ».

Une des raisons de ce décalage est la vision grossièrement déformée qu’offrent les médias de masse de la politique étrangère US. Ils présentent une politique étrangère bien plus inoffensive et légitime que la réalité impérialiste connue dans la plupart des pays de la planète. Dans un article complet et parfaitement documenté publié par le North American Congress on Latin America (NACLA), Keane Bhatt donne un excellent exemple de ce processus.

Bhatt se focalise sur une intéressante émission populaire de la National Public Radio (NPR), ’This American Life’, et plus précisément sur un épisode qui a remporté le Peabody Award. Le Peabody Award est un prix prestigieux qui récompense de brillantes réalisations dans le domaine du journalisme électronique. Ceci rend l’exemple encore plus pertinent.

L’épisode concerné traitait du massacre de 1982 au Guatemala. Il offre, témoignages à l’appui, un récit captivant du terrible massacre de la quasi-totalité de la population du village de Dos Erres, plus de 200 personnes. Les femmes et les jeunes filles sont violées puis tuées, les hommes sont tués par balles ou à coups de masse ; et nombre d’entre eux, y compris des enfants, sont jetés -certains encore vivants- dans un puits qui fait office de fosse commune. L’émission entraîne l’auditeur au cœur d’une enquête héroïque sur ce crime -le premier à avoir débouché sur des condamnations pour ce type d’homicide. Elle fournit le témoignage émouvant d’un survivant âgé de trois ans lors des faits. Trois décennies plus tard, vivant dans le Massachusetts, il découvre ses racines et son père biologique grâce à l’enquête. Le père perdit sa femme et ses huit autres enfants, mais, absent du village ce jour-là, il survécut au massacre.

Le récit insiste sur le fait que ce n’était qu’un bain de sang parmi beaucoup d’autres :

This happened in over 600 villages, tens of thousands of people. A truth commission found that the number of Guatemalans killed or disappeared by their own government was over 180,000.”

(“Celà eut lieu dans plus de 600 villages, des dizaines de milliers de personnes. Une commission pour la vérité a découvert que le nombre de Guatémaltèques disparus ou tués par leur propre gouvernement dépasse 180 000.”)

Mais il y a une étonnante omission : le rôle des Etats-Unis dans ce que la Commission pour la Vérité de l’ONU de 1999 a défini comme un génocide. L’ONU mit l’accent sur le rôle de Washington, et le président Clinton présenta des excuses publiques à ce sujet -les premières et, à ma connaissance, les seules excuses d’un président américain pour l’implication des Etats-Unis dans un génocide. Le rôle des Etats-Unis dans la fourniture d’armes, d’entraînement, de munitions, de couverture diplomatique, de soutient notamment politique aux criminels de masse est bien documentée, et a bénéficié d’un regain de documentation et d’attention à l’occasion du récent procès de l’ancien dictateur militaire, le General Efraín Ríos Montt, qui dirigea le pays en 1982-83. (Comme le note Bhatt, l’émission précise que l’ambassade des Etats-Unis avait entendu parler de massacres durant cette période mais n’avait pas tenu compte de ces informations ; ceci est pour le moins troublant -certains câbles montrent que l’ambassade savait clairement ce qui se passait.)

En fait, l’un des soldats ayant participé au massacre de Dos Erres, Pedro Pimentel, condamné plus tard à 6 060 ans de prison, fut hélitreuillé le lendemain du crime de masse vers l’Ecole des Amériques, institut militaire US connu pour avoir entraîné certains des pires dictateurs et violateurs de droits humains de la région.

Il est étonnant que l’un des pires génocides d’après-guerre ait pu se dérouler à quelques heures de vol du sol des Etats-Unis sans que presqu’aucun média n’en fasse état. Ici on peut lire l’interview par le journaliste d’investigation Allan Nairn d’un soldat guatémaltèque de 1982 décrivant la façon dont ses camarades et lui-même assassinèrent des villages entiers, comme à Dos Erres. Pourtant, les médias dominants l’ignorèrent, ce qui permit à Ronald Reagan de présenter Ríos Montt comme ’un homme engagé et d’une grande intégrité’ (’a man of great personal integrity and commitment’). Les oublis de ’This American Life’ sont donc également ironiques dans ce contexte historique.

Il est clair qu’Ira Glass, l’animateur de l’émission, connaissait le rôle des Etats-Unis dans le génocide au Guatemala. Il semble que dans les années 1980 il se soit rendu en Amérique centrale et ait milité contre les guerres et crimes de guerre financés par les Etats-Unis. Dans une correspondance électronique avec Bhatt, il reconnut : ’peut-être avons-nous fait une erreur’ (’maybe we made the wrong call’) en n’évoquant pas le rôle des Etats-Unis.

Il s’agit d’un euphémisme, mais il est salutaire. Pour un programme diffusé en Anglais aux Etats-Unis, c’est certainement la chose la plus importante que les Américains ont besoin de savoir à propos du génocide.

Je ne blâme pas Glass. Il a probablement supposé que s’il avait évoqué le rôle des Etats-Unis, voire interrogé des responsables US, il aurait rencontré des problèmes vis-à-vis de la NPR. Son émission n’aurait certainement pas remporté un Peabody Award.

C’est ce qui fait de cette émission un exemple révélateur de la façon dont la censure et l’autocensure fonctionnent dans les médias US. Cela démontre, dans ce cas particulier, ce que j’ai constaté un nombre incalculable de fois durant 15 années passées à parler de ces problèmes avec des journalistes. Ils savent quelles sont les limites et quelle dose de vérité ils peuvent se permettre. J’ai rencontré beaucoup de bons journalistes qui essaient de dépasser ces bornes, et certains y arrivent -mais ils durent rarement bien longtemps.

Scott Wilson, qui fut un responsable de service étranger au Washington Post et couvrit le Venezuela Durant le court coup d’Etat contre le gouvernement démocratiquement élu du Venezuela en 2002, déclara lors d’une interview que les ’Etats-Unis étaient impliqués’ (’there was US involvement’) dans le coup d’Etat. Pourtant, ce fait important n’apparut pas dans le Post, ni dans aucun des grands médias des Etats-Unis, malgré les preuves remarquables présentes dans des documents gouvernementaux US. Encore une fois, il s’agit de la partie la plus importante de l’histoire pour une audience US -surtout dans la mesure où cela joua un rôle majeur dans la dégradation des relations entre Washington et Caracas durant la dernière décennie, et eut probablement un impact significatif sur les relations avec l’ensemble du continent sud-américain. Cependant, comme dans le récit de Dos Erres, le rôle des Etats-Unis dans ce crime ne peut pas être mentionné.

Il en va de même du rôle des Etats-Unis dans le coup d’Etat qui détruisit la démocratie hondurienne en 2009. Les efforts considérables de l’administration Obama pour soutenir et légitimer le gouvernement putschiste ne furent pas considérés comme dignes d’intérêt par les journalistes US. (Bhatt étudia également une émission de ’This American Life’ sur le Honduras, qui éluda le coup d’Etat soutenu par les Etats-Unis alors qu’il aurait dû y occuper une place centrale.) Mais cela aurait également dépassé les limites des médias US.

A quoi ressemblerait la politique étrangère, militaire et de soi-disant ’sécurité nationale’ des Etats-Unis si les medias en rapportaient les faits les plus importants ? Il y aurait beaucoup moins de cadavres de part et d’autre. Et nous n’aurions pas besoin d’effectuer des coupes dans “meals on wheels” ("soupes populaires" - NdR) ou d’autres programmes d’aide alimentaire aux populations pauvres ou âgées dans le but de maintenir le budget militaire le plus incroyablement démesuré du monde.

Mark Weisbrot

Traduction Erwin pour le Grand Soir

* http://www.theguardian.com/commentisfree/2013/aug/05/medi...

06/07/2013

INFORMATIONS : LES DERIVES DU SERVICE PUBLIC !

puj1.jpgQuand Bruno Masure veut s'exprimer, il n'y va pas par quatre chemins. L'ex-présentateur du journal télévisé de France 2 - entre 1990 et 1997 -, connu pour son franc parler, s'en est violemment pris à son successeur, David Pujadas. Il a lancé ses piques sur Twitter, un réseau social qu'il affectionne.

Le journaliste critique, d'abord, le choix du sujet d'ouverture du JT de mercredi soir. "Une fois de plus, TF1 donne une leçon de journalisme à Pujadas qui ose 'ouvrir' sur la Belgique - et l'abdication du roi des Belges - au lieu de l'Égypte", estime-t-il avant d'évoquer un "Servicepublicdemerde".

pujadas.jpgBruno Masure tient sa proie et ne la lâche pas. Il retweete, peu après, ce message : "Pujadas, tu n'es qu'une merde dans le milieu du journalisme". Puis, un autre tout autant virulent. "A ce stade là, ce n'est plus une erreur c'est de l’incompétence". Avant le bouquet final: "Ce crétin de David Pujadas, qui ne donne même pas les dernières news (sur l'Egypte), comme l'a fait Gilles Bouleau! Ecoeuré."

Ces attaques n'ont évidemment pas laissé indifférent. L'ancien journaliste, qui affirme, non sans ironie, avoir "désinformé la France pendant 20 ans", selon sa bio sur Twitter, a été interrogé par Le Figaro. "Ce qui se passe en Égypte est 500 000 fois plus important que ce qui se passe en Belgique, explique-t-il. Même TF1, une chaîne commerciale vivant des ménagères et qui ne s'intéresse pas à la politique internationale, l'a compris. TF1 a évidemment ouvert son journal sur l'Égypte (...) France 2 nous a fait un numéro incroyable sur la Belgique. C'est strictement n'importe quoi." Bruno Masure charge également son successeur sur l'interview de Bernard Tapie : "Vingt-cinq minutes accordées à Bernard Tapie sans avoir le lendemain un contre-point. C'est un vrai problème." L'ex-présentateur du JT ne s'arrête pas là : "Pujadas adore le spectaculaire, le fait-divers et un peu le crapoteux."

Publié dans Actu Orange

05/06/2013

Turquie : la contestation s'organise sur Internet pendant que la télévision censure

internet, turquie, médias turques, recep tayyip erdogan« La menace aujourd’hui s’appelle Twitter. C’est là que se répandent les plus gros mensonges. Les réseaux sont la pire menace pour la société ». Voici les propos du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan à la télévision turque. La contestation n'étant pas relayée dans les médias turcs, les manifestants s'organisent et communiquent grâce à Internet.

Les excuses du gouvernement turc n’ont rien changé à la colère des manifestants qui prend de plus en plus d’ampleur à mesure qu’avancent les jours. Si des médias proches du pouvoir pensent apercevoir des signes d’assouplissement du régime en l’absence du chef du gouvernement, les protestations, elles, ne s’atténuent pas.

Une révolte qui s’étend aussi au 2.0

internet, turquie, médias turques, recep tayyip erdoganA mesure que le mouvement s’étend, parmi la population et les travailleurs, il se propage également rapidement via le net. Comme dans toutes les révolutions depuis le Printemps arabe, les réseaux sociaux prennent le relais des médias en permettant de partager des informations cruciales : appels au rassemblement, présence des forces de l’ordre, lieux où se faire soigner.., mais ils ne servent pas qu’en interne. Ils sont aussi là pour alerter l’opinion internationale et parler d’une situation qui n’est pas couverte par les médias turcs. Pour preuve, CNN international couvrait les évènements tandis que CNN version turque diffusait un documentaire sur les pingouins. Un évènement médiatique lui aussi très commenté sur la toile.

Article publié par l'Humanité

29/05/2013

Le printemps des chroniqueurs économiques

bfm.jpgpar Mathias Reymond, Acrimed, le 29 mai 2013

Comme nous le soulignions déjà en décembre 2012, les chroniqueurs économiques des grands médias audiovisuels sont interchangeables [1] : ils partagent les mêmes points de vue sur « l’urgence des réformes » (forcément libérales), sur « le rôle de l’État » (forcément trop gourmand), sur « l’Allemagne » (forcément paradisiaque) et sur « la mondialisation » (forcément heureuse). Les crises à répétition, les défaillances d’un système économique et financier qui s’essoufle, l’échec des politiques d’austérité n’y font rien : les mêmes – toujours les mêmes – continuent de pérorer sans plier. Pendant que le printemps se fait attendre, les chroniqueurs économiques, eux, se font entendre…

Les médias de masse (radio et télévision) ne sont pas censés jouer le rôle de prescription que joue la presse écrite qui est aussi souvent une presse d’opinion. Pourtant, dès qu’il est question d’économie, le journalisme devient commentaire. Et l’éditorialiste se transforme en partisan. Partisan de l’économie de marché, de l’économie déréglementée et de l’Europe libérale…

Les réformes, toujours...

Comme toujours, le dénominateur commun des chroniqueurs économiques est l’enthousiasme effréné pour les réformes qui se traduisent toujours par moins d’État et plus de marché. Ainsi, sur Europe 1, Éric Le Boucher donne le « la » en faisant état des chantiers qui attendent la France pour les années à venir :« réforme des retraites, baisse des dépenses de santé, recul des crédits aux collectivités locales et surtout plus de réformes structurelles pour la compétitivité. » (6 mai 2013)

Pour relancer l’économie française, Nicolas Doze sur BFMTV suggère naturellement de « réduire les prélèvements obligatoires. » Et prévient : « ce n’est plus possible de reculer sur les trois réformes attendues et exigées par le reste de l’Europe : réforme sur le marché du travail et sa rigidité ; réforme sur les retraites ; réforme de la libéralisation des professions qui sont encore sous numerus clausus. » (15 mai) La partition est exactement la même sur la chaîne concurrente I-Télé où Jérôme Libeskind préconise donc « de dépenser moins, de taxer moins. » (17 avril) Original...

Même son de cloche sur les autres radios généralistes. Le chroniqueur matinal de France Inter, Dominique Seux, s’inquiète d’un risque d’overdose de la France : « les dépenses publiques, si rien n’est fait, seront en 2014, pour la première fois, les plus élevées des 27 pays européens, au-dessus du Danemark, à plus de 57% du PIB. À ce niveau, ce n’est plus de l’aspirine, c’est de la morphine, c’est-à-dire une drogue. » (6 mai) Et sur RTL, Christian Menanteau pratique un copier-coller exemplaire : « Il va falloir apprendre à gérer sobrement, reformer les prestations sociales, les retraites, les allocations chômage et ça va être d’autant plus indispensable que la corde de rappel allemande ne va pas disparaître. » (6 mai)

On l’aura compris, les réformes libérales sont plus que nécessaire pour tendre vers le modèle allemand.

L’Allemagne, encore...

La rigueur allemande est régulièrement donnée en exemple par les commentateurs de l’économie. Sur Europe 1, Axel de Tarlé incite François Hollande à suivre l’exemple de Gerhard Schröder - « on va voir maintenant si François Hollande aura le même courage » (24 mai) dit-il – en le conseillant sur les réformes à faire dans le cadre de l’assurance-chômage : « Gerhard Schröder en 2005 a réduit de moitié l’indemnisation du chômage à un an contre deux ans en France. Résultat : en Allemagne les entreprises payent deux fois moins de cotisations donc oui elles sont plus fortes et oui les entreprises créent plus d’emplois. Franchement, au point où il en est, François Hollande a tout intérêt maintenant à suivre cette voie qui a fait ses preuves. »

Des preuves qui ne seront nullement contestées par Éric le Boucher : « On peut les soupçonner [les socialistes qui critiquent l’Allemagne] de vouloir, comme leur aile gauche, un abandon de la rigueur au profit d’un retour à la politique menée depuis trente ans d’un nouvel endettement national ou européen. » (29 avril) Mais, ajoute-t-il, « le parti au pouvoir entretient les illusions d’hier : relance des dépenses publiques et attente de la sortie de crise par les autres – par les Allemands, par l’Europe, par l’extérieur. Mais hélas, les problèmes de la France sont français, ils ne sont pas allemands, la compétitivité ne viendra des réformes qu’en France pas en Allemagne. » (29 avril)

Pour que la sauce de la relance prenne, un subtil mélange s’impose : moins d’État, plus d’Allemagne et surtout un blanc-seing pour le patronat.

Les patrons, évidemment...

Le candidat François Hollande voulait encadrer les salaires des grands patrons, mais le gouvernement Ayrault est revenu à la raison : le patrons ne seront pas accablés. Le chœur des chroniqueurs pousse un « ouf ! » de soulagement.

Sur I-télé, Jérôme Libeskind prend la défense des chefs d’entreprise car le moment de les incommoder est mal choisi : « Si le gouvernement avait décidé en plus de légiférer sur la rémunération des patrons, et bien, il aurait à nouveau brouillé ses relations avec les entreprises et leurs dirigeants, et ce n’est pas franchement le moment. » (24 mai) Son collègue de BFMTV, Nicolas Doze – qui avait flairé avec ce projet l’entrée des chars soviétiques dans Paris – approuve le renoncement de Pierre Moscovici : « Passer par la loi sur ce sujet, ça n’a aucun sens. Contrôler les prix, contrôler les salaires, c’est complètement fossilisé comme politique. (…) » (27 mai) Cela aurait été « une loi complètement anachronique. »

Derrière toutes ces analyses, il n’y aurait pas d’idéologie. Tout cela résulterait du bon sens et ne serait teinté d’aucune arrière-pensée politique. Que dire alors quand Axel de Tarlé fait sa chronique sur « l’explosion abusive des arrêts maladie en dix ans » (25 avril). Pour lui cela ne fait pas de doute : il y a de « l’abus ». Pourquoi serions-nous plus malade aujourd’hui qu’il y a dix ans ? » s’interroge-t-il, avant d’insister : « Il y a de l’abus partout, y compris dans le privé ! ». Mais si de Tarlé s’était donné la peine de lire l’ensemble du rapport qu’il cite, il aurait vu que la population active vieillit, que le temps de travail s’allonge et qu’entre « 2008 et 2011, les salariés de plus de 50 ans ayant bénéficié d’un arrêt-maladie ont augmenté de 8,5 %, soit un rythme plus soutenu que celui du nombre total d’arrêts (+1,4 %) » [2]. De plus, « la durée des absences s’accroît avec l’âge : en moyenne, elle est 3,5 fois plus importante pour les salariés de plus de 60 ans que pour ceux de 30 ans.  » [3].

Que penser également de la chronique de Bruce de Galzain « l’éco du jour », sur France Inter, qui prend le parti du libéralisme, le vrai. En effet, il salue la sortie d’un livre de Daniel Tourre (membre du parti Alternative libérale) qui veut combattre les clichés du libéralisme en France : « L’ouvrage est documenté, abordable, drôle ; pas prosélyte, didactique ! Et lorsque l’on demande à Daniel Tourre pourquoi le libéralisme est tant décrié en France, il prend sa part de responsabilité : il y a bien sûr l’omnipotence de l’État-nounou selon lui, la religion de l’État-Dieu qui ne laisse pas beaucoup de place (…) » (10 mai)

***

Toutes ces chroniques sont construites sur le même modèle : plutôt que d’informer sur l’état de l’économie ou du débat économique, leurs auteurs, pourtant journalistes de profession, se contentent, semaine après semaine, de faire valoir leur opinions tout en se faisant juges et prescripteurs des politiques économiques nécessaires à la France.

Et dès lors que tous ces chroniqueurs professent, à quelques nuances infimes près, le même libéralisme échevelé, six semaines (seulement) de leurs élucubrations dans les médias dominants se résument à un seul et même petit refrain, monotone et entêtant, celui du marché… Et tant pis pour l’objectivité journalistique, le pluralisme médiatique et le débat démocratique !

Mathias Reymond

Notes

[1] Lire « Le chœurs des chroniqueurs économiques des ondes.

[2] Le Monde, 25 avril 2013.

[3] Ibid.