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01/06/2015

Les affaires aiment la presse

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Le groupe LVMH de Bernard Arnault, propriétaire des Échos, rachète le Parisien ; le Monde, du trio Pigasse-Niel-Bergé, acquiert l’Obs. TF1, de Bouygues, vend Metronews ; et Libération, désormais dans le même groupe que l’Express de Drahi, se « réinvente » avec une formule privilégiant le numérique…

La presse écrite est en ébullition. Les experts préfèrent parler de consolidation du marché. Fini le temps des propriétaires familiaux. L’heure est à la concentration entre les mains de groupes financiers et d’actionnaires fortunés.

Le groupe Amaury vient de décider de vendre le Parisien, Aujourd’hui en France et sa filiale de distribution Proximy au groupe LVMH de Bernard Arnault. « Les deux titres sont complémentaires. Le lectorat du Parisien-Aujourd’hui en France est très large et touche notamment les cadres et PME de province, qui lisent également les Échos. 60 % de notre lectorat se trouve en dehors de la région parisienne ! » a expliqué Francis Morel dans les colonnes du… Figaro, qu’il a dirigé avant de rejoindre les Échos. « Cela devrait nous permettre de capter davantage d’opérations publicitaires, notre puissance étant décuplée en papier et surtout sur le digital », précise-t-il, relevant que LVMH « est prêt à investir davantage sur le digital ». Amaury garde sa partie sportive autour de l’Équipe et de la lucrative société d’organisation d’événements sportifs ASO (Tour de France, Paris-Roubaix…).

Les rachats se multiplient

Le cap sur le Net, c’est aussi ce que vient de décider TF1 en annonçant la vente du gratuit Metronews pour privilégier son offre digitale élargie MyTF1, lancée le 26 mai. Le lendemain, le belge Rossel, propriétaire de titres de presse régionale en France comme la Voix du Nord, a, lui, annoncé qu’il rejoignait le Groupe Sipa-Ouest-France au capital de la société 20 Minutes France, dont il reprendrait le co-contrôle à la place du groupe média norvégien Schibsted, fondateur historique du titre. Les deux groupes sont entrés en négociation exclusive. On ne traîne pas.

Ces rachats se multiplient et réorganisent le paysage de la presse nationale autour de plusieurs grands pôles dans la lignée de ce que préconisaient les états généraux de la presse écrite organisés en 2008 par Nicolas Sarkozy, lequel voulait ses « champions nationaux ».

Ces pôles sont en train de se constituer. Le Figaro, propriété du groupe Dassault, le Point du groupe Artemis de François Pinault ne sont plus seuls. Le développement du groupe Le Monde libre (le Monde, Télérama, l’Obs, Courrier international, la Vie, etc.) du trio Pierre Bergé-Xavier Niel-Matthieu Pigasse et, plus récemment, la formation du groupe Altice Media (Libération, l’Express, l’Expansion, l’Étudiant, Point de vue…). Au total, une vingtaine de titres auxquels s’ajoutent Numericable-SFR et la chaîne israélienne I24news. Dans ce contexte, des titres comme l’Humanité font avec leurs moyens.

Le quotidien Libération, après avoir été sauvé de la faillite par son nouvel actionnaire, traversé une crise interne sans précédent et enregistré le départ d’une centaine de ses journalistes, se « réinvente » avec une nouvelle formule privilégiant le numérique. C’est Laurent Joffrin, directeur de la rédaction, qui l’écrit à ses abonnés. « Dans un monde bouleversé par la révolution numérique, les journalistes de Libération ont décidé de se réinventer.

Désormais une équipe de 130 journalistes donnera tous les jours et à tout instant sa vision de l’actualité sur un quotidien repensé et un site rénové. » Nouvelle maquette, nouvelles rubriques et surtout une autre voie. « Libération était un quotidien qui publiait une version numérique, Libération sera un site qui publie un quotidien », résume Joffrin. En clair, l’information privilégiée sera celle du site et sa version mobile, « premier point de contact avec le lecteur ».

Le quotidien papier vendu 2 euros à partir d’aujourd’hui reprend ainsi des articles du site dans une séquence de 4 pages baptisée « Expresso ». « Aujourd’hui, Libération ouvre un nouveau chapitre de son histoire pour relever les défis du siècle nouveau », commente Joffrin. « Nouveau chapitre » est un euphémisme. Les équipes de Libération devraient bientôt emménager dans les locaux de l’Express… Changement d’époque en effet.

médias
Claude Baudry
Lundi, 1 Juin, 2015
L'Humanité
 
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15/02/2015

Automatisation: Yahoo! Québec licencie ses journalistes

yahoo.jpgEvidemment, c’est par un simple email que la douzaine de journalistes de Yahoo! Québec a appris la nouvelle.

Ce site d’informations francophone au Canada qui attire 1,4 millions de lecteurs chaque mois ne ferme pas, mais sera désormais quasi-intégralement automatisé. « Nous n’avons plus besoin de vos services. […] Merci pour vos contributions passées et bonne chance pour l’avenir » ont reçu les journalistes permanents et pigistes du site cette semaine dans leur boite professionnelle.


Le site de Yahoo! Québec sera donc automatisé. C'est-à-dire que l’agrégation du contenu, sa hiérarchie sur la page d'accueil du site et la mise en ligne des articles pourra être faite sans directe intervention humaine. Les rubriques actualités, divertissement, sport et économie seront vidés de leurs effectifs. Seule l’équipe commerciale n’est pour l’heure pas touchée, il faut bien vendre de la publicité. C’est une étape supplémentaire vers une automatisation de la presse.

Journalistes-robots et Google rédacteur en chef

Depuis quelques années, plusieurs titres de presse chargent des robots de rédiger des articles. Ces intelligences artificielles sont capables de traiter et rédiger en temps réel des résultats sportifs ou financiers, et sont même capables d’écrire « à la manière de », en reprenant les expressions favorites et les tournures de phrases des journalistes dont ils s’inspirent. D’un point de vue productivité, l’investissement est vite rentable. Une agence américaine propose des articles rédigés par des robots à la pige : 500 mots (3000 signes) pondus instantanément pour 10 dollars. C’est plus de 10 fois moins cher qu’un journaliste. Evidemment, ces robots ne traitent que des informations officielles dont on les nourrit, et sont bien incapables de remettre en perspective leurs données ou d'émettre des réserves ou démentis.

Des médias prestigieux comme le Los Angeles Times se mettent aux articles écrits par des robots et les dépêches économiques d’AP sont automatisées. L’agence de presse américaine entend ainsi passer de 300 à 4400 brèves économiques et financières publiées par mois, les « journalistes » ne serviront qu’à vérifier que les robots ne se trompent pas.
Autre écueil pour une partie de la presse en ligne, y compris pour des sites d’informations français, c’est Google, et dans une moindre mesure Twitter, qui déterminent les sujets à traiter plutôt qu’un rédacteur en chef. Les journalistes, quand ils ne sont pas déjà automatisés doivent écrire le plus vite possible, ou agréger du contenu, sur les « sujets chauds du moment », c'est-à-dire ce que les gens tapent dans les moteurs.

Pas de technophobie. Evidemment, les algorithmes apportent beaucoup aux métiers de la presse. Avec aujourd’hui 98 % de la production d’information humaine française qui est numérisée, les algorithmes permettent de naviguer plus facilement dans ces immenses quantités de données, d’aller chercher rapidement l’information et de vérifier les faits. En ces temps d’hyperréactivité, la vitesse de traitement et d’exécution des robots peut se révéler un atout incontournable.

Pierric Marissal
Vendredi, 13 Février, 2015
Humanite.fr

09/11/2014

LAURENT MAUDUIT : "COMMENT LES ECONOMISTES MEDIATIQUES NOUS ENFUMENT"

économistes,manipulation,coruptions

Laurent Mauduit est cofondateur de Mediapart, journaliste économique, d’abord à Libé puis au Monde. Dans Les Imposteurs de l’économie (éd. Jean-Claude Gawsewitch, 2012), il analysait et dénonçait les connivences entre les « grands médias » et les économistes néolibéraux, devenus grands gourous médiatiques de la pensée unique.

Dans son livre À tous ceux qui ne se résignent pas à la débâcle qui vient (éd. Don Quichotte, 2014), il boucle la boucle en expliquant, preuves à l’appui, comment le peuple de gauche s’est fait avoir.

Dans Les Imposteurs de l’économie, vous décortiquez le système des « économistes » derrière lequel se cachent les financiers. Depuis cette analyse, les noms ont peut-être un peu changé, mais les pratiques sont-elles encore là ?

Le livre a secoué certains milieux intellectuels. J’y raconte la consanguinité entre les économistes les plus médiatisés, censés être des intellectuels travaillant à l’Université, et qui deviennent en fait des agents de propagande des banques et des assurances placés au cœur du système et du politique. Ça, ça n’a quasiment pas changé.

Quand il y a une crise, il est très important que les citoyens puissent entendre la parole de gens qui ont sur leur matière des points de vue différents mais indépendants. Or beaucoup d’entre eux ont été corrompus précisément par le système qui a conduit à la crise. En théorie, la loi protège l’indépendance des universitaires. En clair, elle leur interdit de siéger dans le conseil d’administration d’une entreprise privée ou d’avoir une mission rémunérée par celle-ci sans avoir eu l’autorisation préalable de leur supérieur hiérarchique, ce qui n’est jamais fait. Il y a une sorte de jurisprudence qui s’est installée pour une cinquantaine d’économistes, une sorte de système de corruption généralisée. Ils sont entre 40 et 50 économistes surmédiatisés (sur 3 000 ou 4 000 économistes en France, scandalisés voire traumatisés par ces pratiques) à s’être transformés en lobbyistes de leurs employeurs privés.

Le plus connu d’entre eux, Daniel Cohen, a été embauché par la banque Lazard, LA banque d’affaires du capitalisme de connivence français, qui est au cœur de tous les deals financiers et industriels depuis vingt ans. Il gagnait, en 2011, entre 10 et 20 fois plus que ce qu’il gagne à l’École normale supérieure (ENS) !

La formation des économistes est-elle en cause ?

Il y a une OPA de la finance sur les milieux intellectuels et c’est un danger. La loi de 2006 a autorisé les grandes universités à créer des fondations et des chaires financées par les grands groupes, comme L’Oréal, Axa, Total, BNP Paribas, Crédit agricole… C’est une bombe logée au sein de l’université française qui risque de conduire à un éclatement de l’université dans les disciplines économiques : avec une université de luxe sous la coupe du privé disposant de rémunérations considérablement supérieures à celles de la fonction publique ; et une université du pauvre abandonnée au public avec des professeurs sous-payés.

Alors que le traitement d’un professeur en fin de carrière avoisine les 5000 euros par mois, les bénéficiaires d’une chaire sénior à l’École d’économie de Toulouse, très liée au privé, ont une rémunération trois à quatre fois supérieure. D’évidence, l’indépendance de la recherche est en danger.

Pourquoi et comment ces économistes ont-ils pris un tel pouvoir ?

Au cours de mon enquête, j’observe aussi qu’une partie des journalistes est dans ce même système de corruption. Je prends l’exemple d’une grande émission qui est totalement à pensée unique, la pensée unique néolibérale, qui est C dans l’air, d’Yves Calvi. Les seuls économistes invités sont précisément ceux dont je parle dans mon livre, ceux qui siègent au CA des banques, etc. et qui, de fait, médiatisent « l’économie » de leurs clients. Ils sont invités non-stop, partout, dans tous les médias. On ne voit qu’eux pratiquement, on n’entend qu’eux, ils nous expliquent la crise et ses solutions à leur manière, néolibérale. Un scandale. Parmi ceux que l’on entend et voit partout, il y en a qui sont présentés comme économistes alors qu’ils ne le sont même pas, comme Marc Fiorentino qui détenait lui-même une société de placement en Bourse et qui avait fait l’objet de trois sanctions de l’Autorité des marchés financiers. Craignant qu’on lui retire son agrément, il a dû changer l’objet de sa société. Ce qui est très grave, c’est qu’une grande partie des journalistes économiques s’est couchée et a accepté ces mœurs. Un naufrage…

Comment expliquez-vous cette dérive, ce manque de pluralisme ?

Une des raisons pour lesquelles on n’entend pas les différences, le pluralisme, c’est que la grande presse l’interdit. On sort de la Libération avec des principes de presse édictés par le Conseil national de la résistance, dont l’indépendance de la presse, et tous les journaux se construisent sur ce modèle-là. Chacun à sa façon crée les conditions de son indépendance. Et que vit-on dans le courant des années 2000, avec une tendance qui s’accélérera sous Sarkozy ? La remise en cause de ce principe. C’est l’histoire du Monde, de Libé, des Échos, de toute la presse quotidienne nationale.

On assiste d’abord à une normalisation économique. Les formes de propriété sont balayées, les journaux sont rachetés, croqués par des oligarques, et après cette normalisation économique suit une normalisation éditoriale, où des journaux, sans être corrompus, deviennent des journaux sans âme, vidés de leur contenu. Cette double normalisation de la presse accompagne la normalisation des économistes, l’OPA de la finance sur le monde académique et économique, et fait que la presse n’est plus le lieu du débat pluraliste en économie.

On est en fait dans une société assez proche de celle du Second Empire. Regardez ce qui se passe sous Napoléon III : un pouvoir fort, pas de contre-pouvoir, le Parlement est méprisé, la presse est rachetée par des oligarques… Je pense qu’on n’est pas dans un État de droit ; je pense que la France est un pays malade et que ce système de remise au pas de la presse et des économistes a été beaucoup plus loin que dans d’autres démocraties… Imaginez-vous qu’aux États-Unis, pays libéral s’il en est, le plus grand quotidien économique soit la propriété du plus grand patron du pays ? On est dans un système de capitalisme de la barbichette : « Je te tiens, tu me tiens, on se rend des services mutuels et les journalistes ne vont pas nous emmerder ! »

On ne comprend pas pourquoi les politiques, et notamment un PS à l’agonie, continuent de mener ces politiques-là…

Je pense qu’il y a deux réponses. Un, le basculement progressif des années 80-90 vers un capitalisme plus tyrannique a fait que le réformisme classique a été asphyxié. Hollande reprend le flambeau là où Jospin l’a laissé : en 2002, Jospin, arrivé en 1997 avec un programme très à gauche, dira : « Mon projet n’est pas socialiste. » Hollande, lui, passe carrément de l’autre côté, où le réformisme n’a plus sa place. Il y a une prééminence totale du capital sur le travail.

Seconde réponse : dans ce mouvement-là, la corruption a gagné jusque dans les rangs du PS et une partie du personnel politique a été totalement gangrénée par le camp adverse ! Regardez sur qui s’appuie François Hollande : Jean-Pierre Jouyet dont toutes les convictions sont à droite, qui pense « qu’il faut aller vers davantage de flexibilité et des boulots qui ne sont pas forcément payés au Smic », dont les réseaux personnels sont des amitiés avec les banquiers d’affaires.

Emmanuel Macron, devenu ministre de l’Économie et remplacé en tant que conseiller économique de Hollande par Laurence Boone, membre du Cercle des économistes (l’un des cénacles mondains et parisiens de la pensée unique), chef économiste chez Bank of America Merrill Lynch, puis dans le groupe du milliardaire François Pinault (qui estimait que le Président n’en faisait pas assez en faveur des milieux patronaux)… Il y a une porosité très forte entre certains milieux socialistes et les milieux financiers qui fait que certains d’entre eux ne se posent même plus la question. Ils sont dans une bulle et ne devinent même pas les souffrances sociales du pays.

Le Parti socialiste se retrouve à gérer un capitalisme qui ignore le compromis social. Il y a donc un effet d’essoufflement et on assiste sans doute à la mort d’un parti vieux d’un siècle. Il y a un autre aspect : c’est que cette mort intervient dans un système français très oligarchique, et ça a à voir avec nos économistes corrompus. Quelques oligarques professent les mêmes fausses évidences néolibérales quelles que soient les alternances.

Je les appelle les « intellectuels essuie-glace » parce que, que ce soit la gauche ou la droite, eux, ils restent toujours en place. De ce point de vue-là, l’histoire d’Attali et de son bras droit Emmanuel Macron est révélatrice. Le premier rapport Attali paraît en janvier 2008 alors que la crise est déjà visible. Écrit par Macron – c’est lui le rapporteur, c’est lui qui tient la plume –, il explique que la France devrait suivre l’exemple des « grands pays qui ont su faire des efforts » : le Portugal, l’Espagne et la Grèce ! L’alternance arrive et Macron change de train. Je le rencontre en septembre 2011 et il me dit : « Moi, je suis prudent. Jean-Pierre Jouyet (ex-ministre de Sarkozy, qui faisait alors campagne pour Hollande) est maladroit. Lui et moi, dans l’opinion publique, on est toxiques pour Hollande, il ne faut pas qu’on nous voie. » Ça m’intrigue quand il me dit ça. Mais il y a plein d’autres journalistes qui voient qu’Hollande travaille avec Macron au moment même où il dit : « Mon adversaire, c’est la finance ! » On aurait dû être plus vigilants.

Le reniement, la trahison, la volte-face de Hollande étaient déjà perceptibles, et c’est au cœur même de cette histoire d’économistes corrompus. Notre système, une démocratie anémiée, sans contre-pouvoir, fait que l’oligarchie est particulièrement forte. Même le prix Nobel d’économie Paul Krugman, démocrate modéré, écrit dans le New York Times* : « Ce qui me choque chez Hollande, c’est qu’il souscrive désormais aux doctrines de droite pourtant discréditées. Comme les autres, il s’est soumis, soumission qui vire désormais à la faillite intellectuelle. »

Et ces idées discréditées, celles que la droite a toujours défendu et qui constituent le credo de Hollande, vous les connaissez : c’est que la dette publique est trop forte.

C’est l’un des exemples types des ravages de la pensée unique. Les Français vivent avec l’idée qu’on leur serine à longueur d’émission : le pays vit au-dessus de ses moyens. On dépense trop, les dépenses sociales sont trop importantes, donc il faut que chacun fasse des économies, et l’État lui-même… d’où les 50 milliards d’euros d’économies, un montant totalement hors normes.

En fait, quand on étudie les chiffres – ceux du rapport de Gilles Carrez (UMP) en 2011–, ils montrent que s’il n’y avait pas eu de baisse d’impôt de 2000 à 2010, la dette publique serait à 60 %. On serait un bon élève, juste au plafond du critère de Maastricht, pas besoin de plan d’austérité. Or ces baisses d’impôts, c’est quoi ? C’est à 60 % des baisses d’impôts sur le revenu. Par définition, ça touche les 50 % des Français qui ont le plus d’argent. On a donc assisté sur dix ans à un immense système de transfert de revenus : les riches s’enrichissent et on veut le faire payer aux pauvres sous la forme d’un plan d’austérité.

Je pense qu’on vit la mort de la gauche, et que Hollande a promu au sommet les fossoyeurs, celui – Valls – dont Montebourg disait : « Il n’a qu’un pas à faire pour passer à l’UMP. » Il n’y a plus aucune différence.

On est quand même étonnés qu’il n’y ait pas un économiste ou un politique qui s’élève contre ce système, même si ça commence à râler chez les frondeurs…

Ce qui est quand même rassurant, c’est que la grande collectivité des économistes a résisté à cette évolution-là. La grande masse a vécu cette évolution avec indignation et il y a des poches de résistance, Attac, Les Économistes atterrés qui proposent des solutions différentes, plus adéquates.

CATHERINE SINET
avec THIBAULT PRÉVOST

* Du 19 janvier 2014, deux jours après la conférence de presse de Hollande donnant le coup d’envoi de son Pacte de responsabilité.

Paru dans Siné Mensuel N°35 - octobre 2014


A tous ceux qui ne se résignent pas à la... par LCP

29/09/2014

Ravier et Rachline entrent au Sénat : comment les médias ont fait la promo du FN

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Le Sénat a basculé de gauche à droite, mais ce sont les deux élus Front national, Stéphane Ravier à Marseille et David Rachline dans le Var qui ont raflé la mise : radios et télés d’infos leur ont offert une banalisation sur tapis rouge. Mais pour notre chroniqueur Olivier Picard, cette arrivée "historique" du FN au Sénat n'est pas anecdotique.

Au terme de ce palpitant dimanche de sénatoriales, il n’est pas sûr que les Français sachent mieux définir à quoi sert vraiment le Sénat. Mais ils savent parfaitement que cette "haute assemblée", si lointaine, dont on a montré à satiété les magnifiques plafonds dorés et les lustres éclatants, comprend désormais deux membres du Front national.

La deuxième chambre du Parlement a basculé de gauche à droite, mais la petite musique télévisuelle de la soirée électorale n’a célébré que deux vrais vainqueurs : le maire FN de Fréjus, David Rachline et le maire du 7e secteur de Marseille, Stéphane Ravier.

L'entrée du FN n'est pas anecdotique

Ces deux-là, impossible de les rater. N’étaient-ils pas les noms et les visages d’une "percée", d’une "entrée fracassante", d’une "poussée historique" du parti d’extrême-droite, à en croire les titres des chaînes et des radios d’info ? Certains commentateurs n’ont même pas pris la peine de nuancer cette terminologie pompière sans même s’apercevoir qu’elle aurait pu être décalquée sur les déclarations de triomphe de Marine Le Pen.

Il ne s’agit pas de minimiser ou d’occulter le bon résultat des deux élus frontistes : le nombre de leurs voix a été bien supérieur à la comptabilité de leur électorat propre et il semble assez évident que dans le Var comme dans les Bouches-du-Rhône, ils sont parvenus à récupérer les suffrages de maires divers droite revenus de tout et saisis par le frisson d’essayer du neuf.

Même si elles ont été acquises dans deux départements où le FN dispose depuis plus de 25 ans d’une implantation et d’une influence fortes, ces victoires sont donc loin d’être anecdotiques, et loin d’être simplement "mécaniques". Il fallait évidemment parler de cette peu rassurante banalisation.

La fascination morbide des médias pour le FN

C’est la facilité avec laquelle les journalistes ont intégré les frontistes dans leurs schémas et autres commentaires passe-partout, qui pose problème. Une fois de plus, malgré quelques belles tentatives pour "ne pas donner plus d’importance que ça" à l’élection de deux sénateurs pas comme les autres sur 348 que compte le Sénat (Sonia Mabrouk sur Europe 1), les médias ont une fois de plus cédé à la fascination morbide pour l’inexorable progression du Front.

Toujours fans d’intensité, ils ont placé cet "événement" au cœur des vibrations de la journée. Très sollicité, Stéphane Ravier a ainsi eu tout le loisir de montrer à la France entière combien il était respectable et bien comme il faut.

Quant à David Rachline, on a répété à l’envi son "jeune âge" – "seulement 26 ans" – (et tant pis s’il en fait quinze de plus) comme une performance. Tapis rouge pour "le benjamin" de la vénérable assemblée. Il ne restait plus à Marine Le Pen de rappeler qu’il y apporterait "un vent de fraîcheur"…

Des élus traités avec indulgence

Aucune question un peu gênante, un peu "urticante" pour reprendre un adjectif très frais de Le Pen-père, n’a été posée à l’un comme à l’autre sur la considération très limitée qu’ils portaient jusque-là aux vertus de la démocratie représentative. Eux avaient l’air ravis à l’idée de pénétrer en vainqueurs dans ce temple de la république UMPS qu’ils passent leurs journées à conchier. Qui le leur a fait remarquer ?

Qui les a charriés – ne serait-ce qu’un peu – sur leur si rapide embourgeoisement ? Ils ne sont pas élus maires depuis six mois que les voilà déjà cumulards ! Une conversion spectaculaire aux us et coutumes de ce "système politique usé et corrompu" qu’ils ne cessent de traîner dans la boue.

Mais qui les a placés en face de cette contradiction ? Qui leur a tendu le miroir dans lequel se reflète une avidité pour les postes qui n’a rien à envier à celle des vieux briscards du palais Bourbon ou du palais du Luxembourg ?

Ces élus très spéciaux ont au contraire bénéficié du traitement très ordinaire et finalement très indulgent réservé par la presse aux professionnels de la profession politique qui nous ont abreuvé toute la soirée d’"effet mécanique", de "sénateurs qui n’aiment pas que l’on s’immisce dans leurs affaires" (sic) de chambre de "résistance".

Un festival de formules toutes faites, de jeu d’esquives et de postures qui non seulement n’auront pas rehaussé l’image cacochyme du Sénat mais fait un peu plus le lit d’un antiparlementarisme rampant.

Un dimanche bleu-marine

Il ne manquait que les micros tendus généreusement aux deux promoteurs de la démocratie directe et du référendum (la seule vraie voix du peuple…) que sont les tout neufs élus frontistes pour que le tableau de ce dimanche sénatorial soit dans les tons bleu-marine.

Ajoutez à cela les excuses trouvées par avance par les trois candidats de l’UMP à la présidence du Sénat aux élus de droite qui auraient voté FN (les pauvres, ils sont "désorientés") pour que les deux représentants du Front se sentent finalement plutôt à l’aise sur les moquettes épaisses avant même de les fouler. Tellement à l’aise que Ravier a déclaré qu’il ne "leur manquait plus qu’une porte à pousser, celle de l’Élysée…".

En attendant, ils n’ont pas eu à forcer celle des médias et encore moins à pénétrer par effraction dans leur univers. Ils y sont désormais les bienvenus. Ne garantissent-ils pas le spectacle en échange d’une promo gratuite assurée ?

Avatar de Olivier Picard

Par 
Chroniqueur politique Nouvel Obs