29/09/2013
Robert Capa. L’homme qui aimait les excès de la vie
Robert Capa est le père incontesté du photojournalisme. Ses clichés étaient emprunts d’une vision tout à la fois sociale et humaine. Il a notamment couvert la guerre d’Espagne pour l’hebdomadaire communiste Regards.
Le 25 mai 1954, Robert Capa saute sur une mine en Indochine, alors qu’il accompagnait l’armée française. Il meurt un appareil dans la main, un autre en bandoulière. Une guerre de trop pour celui qui était considéré comme le plus grand photoreporter, présent aux côtés des républicains espagnols en 1936 et des Chinois aux prises avec les occupants Japonais en 1938, débarquant sur la plage d’Omaha avec les GI américains en 1944, évoluant avec les volontaires juifs à Jérusalem en 1948. La guerre d’Indochine, une guerre de trop ou une guerre qu’il n’approuvait pas, en tout cas pas en se trouvant aux côtés de l’armée coloniale ? Car si Capa est loué pour son travail, on oublie trop souvent que, au-delà de la force du témoignage (présent là où d’autres n’étaient pas), ses clichés étaient emprunts d’une vision tout à la fois sociale et humaine, c’est-à-dire extirpant le sens politique d’une situation, d’un événement.
L’explication est à chercher dans la propre histoire de celui qui ne s’appelait pas encore Robert Capa mais Endre Friedman, né le 22 octobre 1913 à Budapest, en Hongrie, dans une famille juive. En 1931, le jeune homme fuit Budapest, où il fréquentait les socialistes révolutionnaires, et le régime d’extrême droite de l’amiral Horthy. Il s’établit d’abord à Berlin, où son amie d’enfance exilée, Eva Besnyo, va l’introduire dans le milieu de la photographie. Mais l’histoire le poursuit (est-ce pour cela qu’il cherchera tout le temps à inverser les rôles ?) : en janvier 1933, Hitler est nommé chancelier en Allemagne. En février, après l’incendie du Reichstag, il fait interdire le Parti communiste. Endre Friedmann part pour Vienne. Un havre précaire puisque l’Autriche aussi se jette dans les bras de l’extrême droite. Il se rend alors à Paris.
Dans la capitale française, tout va basculer. D’Endre il devient André. Début 1934, au Dôme, son café de prédilection où se croisent peintres, écrivains, militants politiques, il rencontre un juif polonais, David « Chim » Seymour. Un photographe, qui travaille pour ce qui est alors un hebdomadaire communiste, Regards, et qui lui présente Henri Cartier-Bresson. Un groupe se forme, rapidement rejoint par un journaliste et photographe allemand, Pierre Gassmann, qui dira de Capa : « C’était le genre de type qui jouit surtout de l’instant présent, absolument passionné par la vie, la bouffe, le vin et les femmes. Il était très instinctif, un vrai photographe naturel. »
Autre rencontre décisive pour André, celle avec Gerda Pohorylles, plus connue sous le nom de Gerda Taro. Membre du Parti communiste allemand, elle a fui l’hitlérisme. Gerda, comme Chim, Cartier-Bresson et Gassmann, est inscrite à l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (Aear, proche du PCF), alors dirigée par Louis Aragon. Un véritable réseau antifasciste qui témoigne par l’image et s’engage dans la lutte contre le nazisme, sur tous les fronts. De sa liaison passionnelle avec Gerda naîtra le pseudonyme de Robert Capa. Il collabore au magazine Vu, dont le directeur est Lucien Vogel, père d’une jeune photographe, Marie-Claude, qui deviendra quelques années plus tard Marie-Claude Vaillant-Couturier. Avec Chim, Capa immortalise le Front populaire et fait la une de Vu avec une photo du 14 juillet 1936 : un enfant à la casquette, juché sur les épaules de son père, portant un drapeau tricolore, sur la place de la Bastille.
Un mois plus tard, Robert Capa part en Espagne avec Gerda. Il publie d’incroyables clichés dans Vu et dans Regards et témoigne dans Ce soir (dirigé par Aragon et Jean-Richard Bloch) sur ces républicains que la non-intervention française va abandonner à leur sort, malgré le renfort des Brigades internationales qu’il va rencontrer et photographier. Non sans quelques accrochages quand on veut limiter ses déplacements pour des raisons de sécurité. « Je suis correspondant de guerre, je ne fais pas des cartes postales », lance-t-il furieux. C’est là qu’il réalise ce qui est devenu une icône du photojournalisme du XXe siècle, connu sous divers noms : Le milicien qui tombe, la Mort d’un milicien ou encore l’Instant de la mort, et qui fera couler beaucoup d’encre quant à la véracité de la scène. Le seul témoin direct est l’envoyé spécial de l’Humanité, Georges Soria, qui accompagne Capa, et se souvient que ce jour-là les tirs étaient nourris et « Bob prenait des photos, comme si de rien n’était ». Gerda Taro, elle, mourra accidentellement sur le front de Madrid en juillet 1937.
De retour en France, il est vite confronté aux lois françaises contre les « étrangers indésirables ». Tout en continuant à collaborer pour Regards il quitte la France pour les États-Unis, où il avait publié des photos dans Life. En 1941 il traverse l’Atlantique dans l’autre sens pour rejoindre le théâtre des opérations militaires en Europe. Le 6 juin 1944, lors du débarquement, il parvient à expédier à Londres quatre rouleaux de trente-six poses. Seuls onze négatifs (mais quels documents) seront sauvés, le reste a été détruit lors du développement ! Capa prend ensuite la route vers Paris où il coiffe sur le poteau son ami Ernest Hemingway, en étant le premier à entrer dans la capitale avec la 2e DB. En 1944 il n’a pas oublié ses amis républicains espagnols qui veulent renverser Franco et qu’il accompagne de Toulouse jusqu’aux portes des Pyrénées. Life publie une photo d’un meeting avec cette étonnante légende : « The Spaniards : les plus héroïques des communistes en Europe sont les Espagnols, mais aujourd’hui ils sont partout sauf en Espagne » !
Après la guerre, Capa crée l’agence Magnum avec ses amis de toujours, David Chim Seymour, Henri Cartier-Bresson et d’autres, pour que les photographes ne soient plus jamais grugés par des patrons de presse. Depuis, Magnum a bien changé… Capa, c’est aussi les photos de mode, les hôtels de luxe, une liaison avec Ingrid Bergman, les restaurants, l’alcool. Jusqu’à ce jour de grise mine, en mai 1954, dans un endroit où, vraiment, il n’avait rien à y faire, à rebours de l’engagement passionné de toute sa vie. Mais sans excès, un reporter de guerre peut-il être ?
19:59 Publié dans Biographie, Journal, Journaliste, Photos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, série des journalistes et des combats | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
16/09/2013
Pourquoi nos confrères ne voient pas la Fête de l’Humanité ?
Merci à cette immense foule qui, durant trois jours, a fait la Fête de l’Humanité. Merci aux milliers de bénévoles, aux milliers de militants qui se sont dépensés depuis des jours, des mois pour certains, en promotionnant cet événement unique en son genre et en proposant le bon de soutien donnant droit à l’entrée de la Fête.
Bravant la pluie, des centaines de milliers de jeunes, de salariés, de retraités, de privés d’emploi, sont venus partager de grands moments de fraternité, de solidarité, de discussions passionnées, de débats où chacune et chacun s’est enrichi de l’autre.
Cette Fête, à nulle autre pareille, n’est ni un festival, ni un congrès de parti politique. C’est un événement total où s’entremêlent l’attrait de près de quatre-vingt concerts de musique diverses qui parcourent les scènes en différents lieux de la Fête, des débats politiques, le meilleur de la gastronomie française, un village du livre, un village du monde, un espace sports, des stands de la plupart des formations politiques de la gauche, un forum social rassemblant des milliers de syndicalistes.
Il s’y produit des actions qui ne peuvent surgir qu’ici, comme celle des salariés de plusieurs entreprises montant sur scène avec HK et les Saltimbanks pour lancer avec force de puissants et jubilatoires : « On ne lâche rien » ! Cette belle création de Zebda en hommage à Victor Jara ou le lancement de la campagne internationale pour la libération de Marwan Barghouti.
La Fête a vécu au rythme des discussions autour d’Aragon ou des conversations avec Emmanuel Todd, Thomas Piketty, Paul Quilès, Bernadette Ségol, la présidente de la confédération européenne des syndicats, des personnalités tunisiennes, égyptiennes, Lilian Thuram, Jean Rouault ou Didier Daeninckx, Gérard Filoche, Emmanuel Maurel, Marie-Noelle Lienneman, Yannick Jadot, Lionel Trouillot, Catherine Dolto, Les Pinçon-Charlot, Bernard Chambaz, Jean-Luc Mélenchon, Pierre Juquin, Aurélie Trouvé, André Chassaigne, Marie-George Buffet, Edwy Plenel, Ernest Pignon Ernest, et biens d’autres, tant d’autres encore.
La pensée de Jean Jaurès a été défrichée dans une université populaire, dans des débats, dans des interprétations de Jean-Claude Drouot ou encore des jeunes du cours Florent, qui déclament les paroles du dirigeant socialiste dans les allées.
Une incroyable prestation de Jamel Debbouze réunissant plus de 60 000 personnes, le dimanche après-midi.
Et on pourrait encore et encore allonger cette description.
Mais nos chers confrères de la radio et télévision n’ont rien vu, rien entendu de tout cela ! Pourquoi ? Ils n’ont même pas vu Florence Aubenas, venue avec la mère d’un otage en Syrie, s’adresser à plus de 40 000 personnes. Pourquoi ? Ils ont décidé de ne faire de la Fête qu’un lieu où on parlait de bisbilles à propos des prochaines municipales. Pourquoi ? Ils n’ont entendu aucun des multiples messages pour la paix en Syrie ou pour une autre réforme des retraites, pour un autre budget, lancé par Pierre Laurent, Jean-Luc Mélenchon, Clémentine Autain, Christian Piquet et Gérard Filoche.
Qui donne de tels ordres ? Cela sert-il notre métier de journaliste ? Evidemment non !
Pourquoi ce silence et ces déformations, au moment même où l’extrême-droite était promotionnée comme jamais ?
Je me permets d’interpeller nos confrères et surtout les directions de rédaction. Comment peut-on justifier ces déséquilibres dans le traitement de deux événements au bénéfice de l’extrême-droite ?
Et pourquoi ne donner que cette image biaisée de la Fête de l’Humanité ?
Dans l’intérêt de toutes et tous, le débat est souhaitable.
Sincères remerciements aux jeunes photographes de l’école CE3P
Par Patrick Le Hyaric, directeur de l'Humanité
La revue de presse de la Fête de l’Humanité:
Pierre Laurent sur France Inter (Son): http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=718808
Il était aussi l’invité de France info (Vidéo): http://www.dailymotion.com/video/x14qemn_si-des-alliances-locales-sont-possibles-avec-le-ps-pourquoi-pas_news?start=8
Son discours lors de la réception à la Fête de l’Humanité (Vidéo):
Patrick Le Hyaric était l’invité du Soir 3: http://www.dailymotion.com/video/x14r1hr_patrick-le-hyaric-invite-du-soir-3_news?search_algo=2
Le discours de Jean-Luc Mélenchon à la Fête (Vidéo): http://video-streaming.orange.fr/actu-politique/jean-luc-melenchon-huma-2013_16645384.html
Le Front de Gauche est un bien commun qui dépasse le PCF et le PG: Clémentine Autin (Vidéo): http://www.humanite.fr/politique/clementine-autain-le-front-de-gauche-est-un-bien-c-548878
Marie-Noël Lienemann sur la Fête de l’Humanité (Vidéo): http://www.youtube.com/watch?v=vpjuXtpPvFc&feature=youtu.be
Retrouver le volontarisme à gauche: Jean-Vincent Placé (Vidéo): http://www.humanite.fr/politique/jean-vincent-place-retro...
Jean-Marc Germain, député PS, partage la démarche de Pierre Laurent (Vidéo): http://www.youtube.com/watch?v=l5KgFlPPD0k&sns=em
A Paris, Anne Hidalgo prête à s’engager sur 30% de HLM: http://www.lejdd.fr/Politique/Depeches/Paris-Hidalgo-prete-a-s-engager-sur-30-de-HLM-628840
La transition énergétique en débat sur la Fête (Vidéo): http://www.humanite.fr/environnement/la-transition-energe...
La France doit clarifier sa position: Paul Quilès (Vidéo): http://www.humanite.fr/monde/syrie-la-france-doit-clarifier-sa-position-selon-p-548892
Une vaste campagne pour la libération des prisonniers palestiniens (Vidéo): http://www.humanite.fr/monde/une-vaste-campagne-pour-la-liberation-des-prisonni-548866
L’hommage de Daniel Mesguich à Henri Alleg (Vidéo): http://www.humanite.fr/monde/daniel-mesguich-rend-hommage-henri-alleg-548877
L’hommage de Zebda à Victor Jara (Vidéo): http://www.humanite.fr/culture/l-hommage-de-zebda-victor-jara-548881
Quand j’entre en scène, c’est comme si j’avais la permission de tout: M (Vidéo): http://www.humanite.fr/culture/m-quand-j-entre-en-scene-c-est-comme-si-j-avais-la-548618
L’orchestre symphonique Divertimiento (Diaporama): http://www.humanite.fr/culture/avec-divertimento-la-musiq...
Il faut avoir une pensée libre: Lilian Thuram (Vidéo): http://www.humanite.fr/societe/lilian-thuram-l-agora-il-faut-avoir-une-pensee-lib-548783
J’ai été membre actif de la Fête de l’Humanité: Jamel Debbouze: http://www.humanite.fr/culture/jamel-debbouze-jai-ete-membre-actif-de-la-fete-de-548778
Rencontre avec Jean-Claude Carrière dans l’Hérault (avec un hommage à Albert Jacquard): http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=718458
20:11 Publié dans Actualités, Eclairage, Informations, Journal, Journaliste, Photos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : journal l'humanité, fête de l'huma 2013, censure | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
01/09/2013
MADAME LA DIRECTRICE DU "MONDE", VOILÀ POURQUOI VOTRE EDITORIAL M'A SCANDALISE
Syrie : JEAN-FRANÇOIS KAHN A LA DIRECTRICE DU "MONDE".
12:17 Publié dans Actualités, Eclairage, Journaliste, Manipulation | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : syrie, jean françois khan, le monde, irack, lybie | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
24/08/2013
La France sous dictature médiatique
C'est un monde, la chronique de José Fort. Une liberté fondamentale – le droit à l’information honnête et pluraliste – va être une nouvelle fois mise à mal à la rentrée par les principaux médias français.
Un système spécieux se met en place avec la complicité de la droite, du gouvernement socialiste, du patronat et des puissances de l’argent. Les représentants des organes de presse dépendant de Lagardère, Dassault, Berger et quelques autres vont rafler tous les postes de chroniqueurs sur les radios et les télévisions privées et publiques.
Le Nouvel Obs, le Point, l’Express, le Figaro, le Figaro Magazine, Valeurs actuelles etc. auront table ouverte avec pour caution de gauche « Marianne » et « Mediapart ». Vous retrouverez les mêmes Barbier, Joffrin, Domenach, Plenel… Avec des petits nouveaux : l’ancienne patronne du Medef, Laurence Parisot et l’actionnaire du « Monde » Pierre Berger. Quant à la presse de gauche, la vraie gauche, comme « l’Humanité » ou « Politis », rien, nada. Elle n’existe pas.
Ainsi va la liberté de l’information dont se gaussent les personnes citées plus haut. L’affaire n’est pas nouvelle. Mais attention : nous sommes entrés totalement dans un nouveau temps, celui de la dictature médiatique.
11:35 Publié dans Eclairage, Informations, Journaliste, Manipulation, Radio, Télévision | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : l'humanité, crise de la presse, pluralisme, c'est un monde | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |