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16/11/2013

La folle escalade des faits divers dans les journaux télévisés

marseille, csa, tf1, france 2, jean-claude gaudin, canal plus, chronique médiatique de claude baudry, arte, france 3, m6, journaux télévisés, faits divers,Selon le baromètre thématique trimestriel INA Stat, la présence des faits divers dans les journaux télévisés du soir a augmenté de 73% entre 2002 et 2012.

Cette semaine, le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, pestait contre ces médias qui font passer Marseille pour «la capitale du crime». Il s’est même fendu d’une lettre au CSA pour dénoncer ce traitement. Pour lui, « la ville subit un procès à charge permanent dans un grand nombre de médias et en particulier à la télévision ».

Étonnement dans les rédactions visées, où l’on évoque l’information sur ces règlements de comptes qui se sont déroulés sur fond de trafic de drogue à Marseille. Cette semaine encore, l’INA a publié son baromètre thématique trimestriel INA Stat, sur les journaux télévisés du soir, d’où il ressort que la présence des faits divers y a depuis dix ans augmenté de 73 %. Vous avez bien lu. Comme si 2002 et le visage tuméfié de papy Voise avec les dégâts politiques que l’on sait n’avait pas suffi.

Rarement l’expression «à qui profite le crime?» n’a pas paru si pertinente. Dans cette étude à consulter ci-dessous, INA Stat note qu’avec «plus de cinq sujets en moyenne par jour, les faits divers occupent une place de plus en plus grande dans les JT (éditions du soir de TF1, F2, F3, Canal Plus, M6 et Arte) qui, en 2012, leur consacrent 2 062 sujets contre 1 191 il y a dix ans, soit +73%».

M6 en pointe

Toutes les chaînes cependant ne leur accordent pas la même importance. S’ils sont quasi absents d’Arte (38 sujets en 2012), ils s’imposent sur M6, qui diffuse un quart de l’ensemble des faits divers de 2012 et leur réserve 9,4 % de son JT. Ils pèsent 6,2 % de l’offre de TF1 et 5,5 % de celle de F2. Ils occupent 7,6 % des JT de F3 mais 4,6 % du JT de Canal Plus. Quelle que soit la chaîne, ce sont d’abord les actes de violence contre les personnes qui sont relatés, représentant plus d’un sujet sur deux (1 041 sujets). Et ce sont surtout les faits divers impliquant des enfants ou des adolescents qui sont exposés : ils occupent 30 % de la rubrique (611 sujets).

Mauvaise nouvelle

Enfin, l’actualité heureuse est rarement exposée: «Seuls 5,5 % des faits divers relatent une bonne nouvelle », note le baromètre. Seul repli en 2005, la rubrique passe sous la barre des 1 000 sujets, année marquée par deux catastrophes naturelles majeures qui occupent l’espace médiatique – le tsunami en Asie du Sud-Est et le cyclone Katrina aux États-Unis. Les chiffres sont têtus. Tenez, celui-ci, qui n’a bien évidement rien à voir : pour la seule semaine du 6 au 12 juillet, c’est le rythme de l’été, TF1 a programmé en soirée 29 épisodes de séries américaines et 8 en journée ! 37 fois les Experts en tous genres et autres Esprits criminels. Et pour changer : une série française de la chaîne : Section de recherche…

La chronique médiatique par Claude Baudry dans l'Humanité

10/10/2013

Seymour Hersh : les médias américains sont "lamentables"

Seymour Hersh en 2004, à Washington - Institute for Policy Studies/CC Le lauréat du prix Pulitzer explique comment sauver le journalisme. La presse devrait "virer 90 % des rédacteurs et promouvoir ceux qui sont incontrôlables".
Seymour Hersh en 2004, à Washington - Institute for Policy Studies/CC
Seymour Hersh a des idées radicales pour sauver le journalisme. Il faut fermer les rédactions de NBC et ABC, licencier 90 % des rédacteurs de la presse écrite et revenir à la mission fondamentale du journaliste qui doit, soutient-il, défendre un point de vue extérieur.

Il en faut peu pour qu'il s'enflamme. Hersh, le journaliste d'investigation qui hante les présidents américains depuis les années 1960, a même un temps été décrit par le Parti républicain comme "ce qui se rapproche le plus d'un terroriste dans le journalisme américain".

Le caractère timoré de ses collègues l'exaspère, de même que leur incapacité à remettre en question la Maison-Blanche et à se faire les messagers de la vérité, aussi impopulaire soit-elle.

Et ne lui parlez pas du New York Times qui, dit-il, passe "beaucoup plus de temps à apporter de l'eau au moulin d'Obama que je ne l'en aurais cru capable". Ni de la mort d'Oussama Ben Laden. "Rien n'a été fait sur cette affaire, c'est un énorme mensonge, il n'y a pas un seul mot de vrai", déclare-t-il à propos du raid épique des Navy SEALs en 2011.

"Le gouvernement Obama ment de façon systématique"

Hersh travaille sur un livre qui traite de la sécurité nationale, et il y consacre un chapitre à la mort de Ben Laden. Il affirme qu'un rapport remis il y a peu par une commission pakistanaise "indépendante" ne tient pas la route. "Les Pakistanais publient un rapport, ne me lancez pas là-dessus. Disons les choses comme ça, les Américains ont joué un rôle considérable dans sa rédaction. Ce rapport, c'est de la merde," lâche-t-il en laissant entendre que son prochain livre contiendra des révélations.

Le gouvernement Obama ment de façon systématique, soutient-il, et pourtant aucun des titans des médias américains, que ce soit les chaînes de télévision ou les grands journaux, n'ose le défier. "C'est lamentable, ils sont plus qu'obséquieux, ils ont peur de s'attaquer à ce type [Obama]", grince-t-il dans un entretien accordé à The Guardian.

"Il fut un temps où, quand on se trouvait dans une situation où il se passait quelque chose de grave, que le président et ses sbires avaient la haute main sur le récit des événements, on pouvait être à peu près sûr qu'ils [les médias] feraient tout leur possible pour raconter les faits. Plus maintenant. Maintenant, ils profitent de choses comme ça pour voir comment faire réélire le président."

Il n'est même pas sûr que les révélations récentes sur l'étendue et la sophistication du système de surveillance de la National Security Agency (NSA) auront un impact durable. Il reconnaît qu'Edward Snowden, le lanceur d'alerte de la NSA, a "bouleversé la nature même du débat" sur la surveillance. Il ajoute que d'autres journalistes et lui avaient écrit sur cette question, mais Snowden a joué un rôle essentiel en fournissant des preuves circonstanciées. Malgré tout, il doute que ces révélations entraînent un changement de politique de la part des autorités américaines.

>>> Lire aussi notre dossier : Etats-Unis - L'espionnage à échelle industrielle

>>> Lire aussi notre dossier : Snowden, un homme très recherché

"Duncan Campbell [journaliste d'investigation britannique qui a dévoilé l'"affaire du zircon" dans les années 1980], James Bamford [journaliste américain], Julian Assange, The New Yorker, moi, nous avons tous écrit sur l'idée qu'il y a une surveillance constante, mais lui [Snowden], il a fourni des documents et ça a bouleversé la nature même du débat ; maintenant, c'est une réalité", poursuit Hersh.

"Le monde est plus que jamais dirigé par des abrutis finis"

"Mais je ne sais pas si ça changera quoi que ce soit à long terme, le président répétera toujours 'Al-Qaida ! Al-Qaida !' devant les électeurs et les deux tiers d'entre eux continueront à être favorables à ce genre de surveillance complètement stupide", poursuit-il.

Publié dans le Courrier International

02/10/2013

Marie-Cécile, salariée de Sephora...et militante UMP

sephora.jpgPar Laure Daussy le 25/09/2013, pour arrêt sur Images

Du choix judicieux, par la direction, d'une porte-parole des salariés qui veulent travailler de nuit. Une salariée de l'entreprise Sephora des Champs-Elysées était invitée du Grand Journal de Canal+ hier soir, pour défendre le travail de nuit à Sephora, alors qu'une décision de justice vient de demander au magasin de fermer à 21 heures. Elle est interviewée également dans plusieurs journaux télévisés, sur TF1 et France 3.

Mais Marie-Cécile est aussi une militante UMP, comme certains twittos l'ont signalé. On la voit notamment sur une photo en compagnie de Jean-François Copé, arborant des auto-collants UMP. Sur ce site, elle est présentée comme responsable du syndicat étudiant de droite l’UNI dans le Vaucluse. Dans une vidéo datant de 2010, elle explique pourquoi elle milite au Mouvement des étudiants, (MET) la branche universitaire de l'UNI.

Contacté par @si, Fabrice Pierrot, producteur éditorial du Grand journal, explique qu'il ne connaissait pas le parcours militant de la jeune femme. "Si nous avions connu son parcours de militante à l'UNI et son soutien à Jean-François Copé, nous l'aurions évidemment précisé à l'antenne." La salariée a "insisté pour témoigner sous le seul intitulé de son prénom", précise-t-il. Sur TF1, elle apparaît sans aucun nom. France 3 cite son nom entier -Marie-Cécile Cerruti-, en la présentant comme respopnsable achats à Sephora. C'est la direction de Séphora qui a mis le Grand journal (et vraisemblablement les autres chaînes) en contact avec la salariée. Un plan com' qui a bien fonctionné...

Nous avons contacté Sephora, qui ne nous a pas rappelé. Egalement contacté par @si, le Mouvement des étudiants estime toutefois que depuis que Cerruti est salariée, elle n'est plus militante au MET. Nous n'avons pas réussi à la joindre.

15:15 Publié dans Actualités, Journal, Manipulation, Télévision | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manipulation, sephora, travail | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | |

29/09/2013

Robert Capa. L’homme qui aimait 
les excès de la vie

photographie, série des journalistes et des combatsRobert Capa est le père incontesté du photojournalisme. Ses clichés étaient emprunts d’une vision tout à la fois sociale et humaine. Il a notamment couvert la guerre d’Espagne pour l’hebdomadaire communiste Regards.

Le 25 mai 1954, Robert Capa saute sur une mine en Indochine, alors qu’il accompagnait l’armée française. Il meurt un appareil dans la main, un autre en bandoulière. Une guerre de trop pour celui qui était considéré comme le plus grand photoreporter, présent aux côtés des républicains espagnols en 1936 et des Chinois aux prises avec les occupants Japonais en 1938, débarquant sur la plage d’Omaha avec les GI américains en 1944, évoluant avec les volontaires juifs à Jérusalem en 1948. La guerre d’Indochine, une guerre de trop ou une guerre qu’il n’approuvait pas, en tout cas pas en se trouvant aux côtés de l’armée coloniale ? Car si Capa est loué pour son travail, on oublie trop souvent que, au-delà de la force du témoignage (présent là où d’autres n’étaient pas), ses clichés étaient emprunts d’une vision tout à la fois sociale et humaine, c’est-à-dire extirpant le sens politique d’une situation, d’un événement.

L’explication est à chercher dans la propre histoire de celui qui ne s’appelait pas encore Robert Capa mais Endre Friedman, né le 22 octobre 1913 à Budapest, en Hongrie, dans une famille juive. En 1931, le jeune homme fuit Budapest, où il fréquentait les socialistes révolutionnaires, et le régime d’extrême droite de l’amiral Horthy. Il s’établit d’abord à Berlin, où son amie d’enfance exilée, Eva Besnyo, va l’introduire dans le milieu de la photographie. Mais l’histoire le poursuit (est-ce pour cela qu’il cherchera tout le temps à inverser les rôles ?) : en janvier 1933, Hitler est nommé chancelier en Allemagne. En février, après l’incendie du Reichstag, il fait interdire le Parti communiste. Endre Friedmann part pour Vienne. Un havre précaire puisque l’Autriche aussi se jette dans les bras de l’extrême droite. Il se rend alors à Paris.

Dans la capitale française, tout va basculer. D’Endre il devient André. Début 1934, au Dôme, son café de prédilection où se croisent peintres, écrivains, militants politiques, il rencontre un juif polonais, David « Chim » Seymour. Un photographe, qui travaille pour ce qui est alors un hebdomadaire communiste, Regards, et qui lui présente Henri Cartier-Bresson. Un groupe se forme, rapidement rejoint par un journaliste et photographe allemand, Pierre Gassmann, qui dira de Capa : « C’était le genre de type qui jouit surtout de l’instant présent, absolument passionné par la vie, la bouffe, le vin et les femmes. Il était très instinctif, un vrai photographe naturel. »

photographie, série des journalistes et des combatsAutre rencontre décisive pour André, celle avec Gerda Pohorylles, plus connue sous le nom de Gerda Taro. Membre du Parti communiste allemand, elle a fui l’hitlérisme. Gerda, comme Chim, Cartier-Bresson et Gassmann, est inscrite à l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (Aear, proche du PCF), alors dirigée par Louis Aragon. Un véritable réseau antifasciste qui témoigne par l’image et s’engage dans la lutte contre le nazisme, sur tous les fronts. De sa liaison passionnelle avec Gerda naîtra le pseudonyme de Robert Capa. Il collabore au magazine Vu, dont le directeur est Lucien Vogel, père d’une jeune photographe, Marie-Claude, qui deviendra quelques années plus tard Marie-Claude Vaillant-Couturier. Avec Chim, Capa immortalise le Front populaire et fait la une de Vu avec une photo du 14 juillet 1936 : un enfant à la casquette, juché sur les épaules de son père, portant un drapeau tricolore, sur la place de la Bastille.

photographie, série des journalistes et des combatsUn mois plus tard, Robert Capa part en Espagne avec Gerda. Il publie d’incroyables clichés dans Vu et dans Regards et témoigne dans Ce soir (dirigé par Aragon et Jean-Richard Bloch) sur ces républicains que la non-intervention française va abandonner à leur sort, malgré le renfort des Brigades internationales qu’il va rencontrer et photographier. Non sans quelques accrochages quand on veut limiter ses déplacements pour des raisons de sécurité. « Je suis correspondant de guerre, je ne fais pas des cartes postales », lance-t-il furieux. C’est là qu’il réalise ce qui est devenu une icône du photojournalisme du XXe siècle, connu sous divers noms : Le milicien qui tombe, la Mort d’un milicien ou encore l’Instant de la mort, et qui fera couler beaucoup d’encre quant à la véracité de la scène. Le seul témoin direct est l’envoyé spécial de l’Humanité, Georges Soria, qui accompagne Capa, et se souvient que ce jour-là les tirs étaient nourris et « Bob prenait des photos, comme si de rien n’était ». Gerda Taro, elle, mourra accidentellement sur le front de Madrid en juillet 1937.

De retour en France, il est vite confronté aux lois françaises contre les « étrangers indésirables ». Tout en continuant à collaborer pour Regards il quitte la France pour les États-Unis, où il avait publié des photos dans Life. En 1941 il traverse l’Atlantique dans l’autre sens pour rejoindre le théâtre des opérations militaires en Europe. Le 6 juin 1944, lors du débarquement, il parvient à expédier à Londres quatre rouleaux de trente-six poses. Seuls onze négatifs (mais quels documents) seront sauvés, le reste a été détruit lors du développement ! Capa prend ensuite la route vers Paris où il coiffe sur le poteau son ami Ernest Hemingway, en étant le premier à entrer dans la capitale avec la 2e DB. En 1944 il n’a pas oublié ses amis républicains espagnols qui veulent renverser Franco et qu’il accompagne de Toulouse jusqu’aux portes des Pyrénées. Life publie une photo d’un meeting avec cette étonnante légende : « The Spaniards : les plus héroïques des communistes en Europe sont les Espagnols, mais aujourd’hui ils sont partout sauf en Espagne » !

Après la guerre, Capa crée l’agence Magnum avec ses amis de toujours, David Chim Seymour, Henri Cartier-Bresson et d’autres, pour que les photographes ne soient plus jamais grugés par des patrons de presse. Depuis, Magnum a bien changé… Capa, c’est aussi les photos de mode, les hôtels de luxe, une liaison avec Ingrid Bergman, les restaurants, l’alcool. Jusqu’à ce jour de grise mine, en mai 1954, dans un endroit où, vraiment, il n’avait rien à y faire, à rebours de l’engagement passionné de toute sa vie. Mais sans excès, un reporter de guerre peut-il être ?

Pierre Barbancey pour l'Humanité